La cohabitation entre les élus du premier tour des élections municipales et les maires sortants battus, mais toujours en fonctions, est inédite dans des milliers de communes. Entre frustration, rancoeurs et coopération face à la crise du coronavirus.
"On a eu des appels de maires qui ont perdu au premier tour et qui ont vu arriver la tête de liste de l'équipe gagnante qui commençait à donner des ordres aux services", confie un responsable d'une association d'élus.
Après la décision du gouvernement le 19 mars, de reporter la mise en place des conseils municipaux, la loi d'urgence est venue fixer le cadre: les élus du premier tour, dont l'entrée en fonction est différée, ne se voient pas conférer "les droits et obligations attachés à leur mandat" jusqu'à leur prise de fonctions.
Les anciennes équipes continuent de délibérer normalement, mais doivent informer les nouveaux élus de leurs décisions.
Exemple à Saint-Germain-au-Mont-d'Or, dans la Métropole de Lyon, où les relations entre le sortant Renaud George et sa concurrente écologiste victorieuse Béatrice Delorme sont a minima.
"Mme Delorme m'a appelé le lundi 16 mars à 8 heures pour me dire qu'elle souhaitait rencontrer le personnel municipal à 8 heures, je lui ai répondu que ça ne se passait pas comme ça, que c'est moi qui l'appellerai. C'est ce que j'ai fait, on s'est vu le mercredi pendant une heure et demie", raconte le maire.
L'élue EELV confirme: "On s'est vu une seule fois depuis l'élection, ce fut bref et assez froid. On a demandé un certain nombre de pièces sur des travaux lancés en février par la commune sans contracter d'emprunt et on les attend toujours."
Les nouveaux élus sont priés d'attendre leur tour et n'ont d'autre statut que celui de n'importe quel habitant de la commune. Ils entreront en fonctions au plus tard au mois de juin, quand le Comité scientifique national aura examiné "les risques et précautions à prendre" pour l'installation des conseils municipaux et l'élection des maires.
Assurer la continuité
Dans la plupart des cas, la transition se passe correctement, même si certains se plaignent de ne pas être tenus complètement informés."De nombreux élus pas encore installés proposent leur aide", pour assister la population confinée et assurer la continuité des services publics, souligne-t-on à l'Association des maires de France (AMF).
Avec parfois des tensions. "C'est bien aimable de proposer de l'aide mais on n'a pas besoin d'eux aujourd'hui", assène le maire de Saint-Germain-au-Mont-d'Or qui assure que son exécutif fait le nécessaire, notamment auprès des personnes âgées.
La période de transition et le report du second tour, là où c'est nécessaire, permettent en revanche de satisfaire une revendication d'élus qui réclamaient l'allongement du délai entre l'élection du maire et sa prise de fonctions, avec notamment une formation initiale à la gestion des finances locales.
La première tâche du maire est habituellement de faire voter le budget de la commune, au plus tard fin avril. Mais l'échéance a été repoussée cette année au 31 juillet pour permettre aux élus de s'organiser.