Olivier Paquet "la cyber-surveillance pour tracer le Coronavirus ? il faudrait que chacun y réfléchisse"

Installé à Lyon, Olivier Paquet est un auteur de romans d'anticipation à succès. Dans son dernier ouvrage, "les Machines Fantômes", les héros sont manipulés par l'intelligence artificielle. Confiné, il observe la crise sanitaire actuelle. S'en inspirera-t-il pour son prochain livre ?

Yannick  Kusy : Comment se déroule votre confinement ?

Olivier Paquet : Plutôt bien. J’ai l’habitude de rester chez moi pour écrire. Donc, en soi, je suis coutumier du fait. Cela complique simplement les choses quotidiennes, comme pour chacun.
 
YK : Vous êtes donc dans de bonnes conditions pour écrire ?

OP : A cette différence près que, lorsque j’écris, en principe, je suis totalement seul. Et là, ma compagne est confinée à domicile à mes côtés. Elle exerce sa profession en télétravail. Etre en duo, c’est un rythme de vie différent, ça change l’atmosphère.
 
YK : Avez-vous vu ces images de Lyon vide, que nous avons filmées par drone. De quoi inspirer des scenarios d’anticipation, non ?

OP : (il rit) oui, après l’Apocalypse, par exemple… Je suis installé à Villeurbanne. Dans les temps normaux, j’aime m’y balader pour observer les gens, et là plus rien ne bouge.  C’est impressionnant. Même le parc en bas de chez moi, que je vois depuis ma fenêtre, est livré aux pigeons et aux chats. C’est surnaturel
 
YK : Justement. Ce climat inédit vous inspire-t-il particulièrement ?

OP : Beaucoup de livres ont été écrits sur ce thème. « le Fléau » de Stephen King, pour ne citer que celui-là. L’idée est quasiment un cliché du genre fantastique. Ce qui étonnant, en revanche, c’est que peu d’auteurs avait anticipé que la solution fasse à un virus de cette ampleur serait d’être confiné chez soi. En général, dans la plupart des romans abordant ce thème, les héros sont obligés de survivre à l’extérieur. On redécouvre la nature. Et là, pour s’en sortir, il faut savoir rester à la maison, plutôt que d’être apte à allumer un feu avec des brindilles. La campagne, mieux vaut ne pas y aller… Souvent, la science-fiction critique la société et la recrée ailleurs. Et aujourd’hui, c’est l’opposé, on survit grâce à elle, à nos petites supérettes, internet, les réseaux sociaux, les livraisons…
 

YK : Il est beaucoup question de manipulation, à travers Internet, entre autres, en ce moment. C’était l’un des thèmes de votre dernier roman "les machines fantômes".
 
OP : C’est vrai. Mais on constate que, plus on communique, moins on croit aux média. Chacun est persuadé qu’il va trouver l’explication de ce virus chez un membre de sa famille, qui connaît un tel… En fait, on a d’avantage confiance dans son voisin que dans le gouvernement. Il y a une vraie méfiance vis à vis des autorités. Les messages se multiplient, ils sont tous différents, et on se manipule les uns les autres, finalement. Prenez l’exemple du professeur Didier Raoult à Marseille. Les gens cherchent eux-même les infos et se les transmettent. On dirait une communication façon « gilets jaunes », dont Raoult est le leader bien involontaire.
 
YK : Que pensez-vous de cette idée gouvernementale de géolocaliser les malades à l’aide de puces électroniques ou de téléphones portables ?
 
OP : C’est très intéressant. En Corée, apparemment, ils ont pu suivre ainsi les gens. Chaque matin, les habitants recevaient un sms pour leur dire où ils avaient potentiellement croisé le virus. Je suis cela de près. J’ai vu notamment que le défenseur des droits Jacques Toubon s’est inquiété de cette éventuelle démarche chez nous. C'est passionnant : la cyber-surveillance pourrait aider à vaincre le virus, mais qu’en ferons-nous ensuite ? Il faut que chacun y réfléchisse. Un confinement plus strict ou une perte de liberté individuelle, que choisir ? C’est une situation très paradoxale.
 
YK : Au point de vous inspirer un nouveau roman ?

YK : Il est trop tôt pour le dire. J’attends de savoir ce que ces décisions vont modifier vis à vis de notre société. En ce moment, j’envisage un nouveau récit « autour des souvenirs et des faux souvenirs », qui se déroulerait dans 15 ou 20 ans. J’ai besoin de patienter pour voir ce qu’il restera de toute cette crise pour avancer dans mon travail. 
 Olivier Paquet, né le 21 avril 1973 à Compiègne, est un écrivain français de science-fiction. Docteur ès science politique, il écrit de nombreuses nouvelles de science-fiction dont plusieurs sont publiées dans les revues françaises Galaxies et Asphodale. Olivier Paquet est également l'auteur du roman Structura maxima, paru en 2003. C'est également un grand amateur de mangas et d'animation japonaise. Il a publié plusieurs articles de fond sur ces sujets, notamment dans la revue Bang ! de d'éditeur Casterman2. Il est également chroniqueur de l'émission radiophonique Mauvais genres sur France Culture depuis la rentrée 2006, où il signe régulièrement des chroniques sur ses thèmes de prédilection. 
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