“On a l’impression d’être la dernière roue du carrosse”, les infirmiers libéraux sont en grève

“Épuisés, écœurés et exaspérés”, depuis ce mercredi 20 décembre, les infirmières et infirmiers libéraux sont en grève. Le syndicat Convergence Infirmière, à l’origine du mouvement, demande une revalorisation des actes et de l’indemnisation de déplacement.

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Depuis ce mercredi 20 décembre, les infirmières et infirmiers libéraux sont en grève pour dénoncer un gel des tarifs des actes depuis 2012 notamment.

C’est une colère qui couve depuis des années. Avec l’inflation, l’augmentation des charges, essence, location de cabinet, assurances, “c’est 20% de perte de pouvoir d’achat, c’est 20% de moins dans la poche”, calcule Denis Cornet, vice-président de Convergence Infirmière.  

Le syndicat appelle tous les infirmiers et infirmières libéraux à ne pas prendre de nouveaux patients pendant les fêtes, en attendant un moratoire sur la revalorisation des actes et des indemnités de déplacement.   

Pas revalorisation des actes depuis 2012  

Au 28 janvier, les infirmiers et infirmières toucheront 25 centimes de plus par déplacement, c’est ridicule, c’est honteux, même”, dénonce Denis Cornet. Cette indemnité de déplacement n’avait pas été revalorisée depuis 2009, malgré l’augmentation du prix de l’essence. Résultat, selon le représentant du personnel : “les infirmières refusent désormais d’aller trop loin, à force, on crée des déserts médicaux 

Mais alors que les charges augmentent, les actes, eux, n’ont pas été revalorisés depuis 2012. “Si on cumule toutes les petites choses qui augmentent, charges sociales, charges professionnelles, prévoyances santé etc... notre chiffre d'affaires annuel baisse d’année en année, et on est de plus en plus perdant”, raconte Florian S., infirmier libéral dans le sud de l’Ain depuis 8 ans.  

Il nous donne l’exemple d’une prise de sang, l’acte le plus pratiqué. 8,58 euros facturés, auxquels il faut retirer près de 50% de charges professionnelles, pour un acte d’une trentaine de minutes au mieux, réparties entre le temps de trajet, le temps de piqûre et le temps de remplir les papiers. “Ramené à un taux horaire, c’est moins que le SMIC”, constate, amer, l’infirmier.  

Je me lève à 5h du matin pour être à 6h au chevet de mon premier patient, je fais de la paperasse sur mon heure de déjeuner et je travaille jusque 20h, parfois 21h que mon dernier patient tétraplégique puisse avoir une douche en fin de journée. Je ne compte ni mon temps, ni mes efforts, ni mes responsabilités et malgré ça, mon pouvoir d’achat continue de baisser”

témoigne encore Florian S., infirmier libéral

à France 3 rhône-Alpes

 

La mauvaise rémunération des soins de “dépendance” 

Les infirmiers dénoncent aussi les dysfonctionnements de leur outil de facturation pour les soins de dépendances, mis en place en 2020. En fonction de l’état du patient, trois forfaits journaliers sont proposés, de 13 € à 28,70 €, sans tenir compte de la réalité du terrain. “Parfois, il faut passer 2h30 chez le patient parce qu’il faut tout faire, parfois il faut repasser plusieurs fois dans la journée et on ne touche le forfait qu’une seule fois”, explique Denis Cornet.  

Les professionnels du secteur préfèrent donc refuser ce type de patient ou ne faire qu’un seul passage quand il en faudrait plusieurs, “ça nous pousse au meurtre en fait, c’est ça la réalité”. Le syndicat demande l’instauration d’un 4° niveau de forfait pour les cas les plus compliqués.  

Dans les griefs également, la complexité des démarches administratives et des procédures de contrôle anti-fraude qui aboutissent à une explosion des indus réclamés aux infirmiers. “Il y a des gens honnêtes, qui à cause de la complexité des textes et des interprétations différentes selon les CPAM, se retrouvent à payer des indus, c’est une injustice totale”, raconte Florian S. “Nous souhaitons une remise à plat de nos outils”.  

Une profession en mal de reconnaissance  

Autant de revendications qui fleurissent sur le terreau d’une profession en mal de reconnaissance :Il y a beaucoup de collègues qui lâchent, qui mettent la clé sous la porte et préfèrent aller travailler en structure”, avoue Denis Cornet. “J’aime le soin, j’aime l’humain, mais face aux difficultés croissantes, cette question-là, je me la pose tous les jours”, reconnaît Florian S.  

Alors que certains actes, comme les vaccins, sont désormais réalisables en pharmacie, le syndicat craint pour l’avenir de la profession. “On a l’impression d’être la dernière roue du carrosse, alors que l’on a prouvé, pendant le Covid, que l’on était un rouage essentiel du système de santé, même en ville”. Les infirmiers et infirmières demandent la prise en compte de la pénibilité du métier avec un départ en retraite possible dès 60 ans et à taux plein à 62 ans au lieu de 67.

Impossible de prédire dans quelle mesure cet appel à la grève sera suivi par les professionnels de santé. “C’est compliqué de faire grève dans le milieu, les infirmiers et infirmières ont l’impression d’abandonner leurs patients”, reconnaît-on chez Convergence infirmière. Les deux autres syndicats majoritaires du secteur, la FNI et la SNIIL n’ont pas appelé à la grève. 

Laisser tomber nos patients ne fait pas partie de notre ADN”, ajoute Florian S, qui continuera à assurer les rendez-vous de ses patients déjà pris en charge, mais refusera de pratiquer de nouveaux soins à partir d’aujourd’hui.  

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