"Ça me fend le cœur, car je vais laisser mes patients" : des infirmiers libéraux quittent leur travail après la baisse de leurs indemnités kilométriques

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Magali, infirmière dans les Aravis, peine à joindre les deux bouts après le mise en place du nouvel accord sur les indemnités kilométriques.
Depuis novembre dernier, un nouveau protocole d'indemnités kilométriques, signé entre les représentants de la profession et l'Assurance maladie, est entré en vigueur en Haute-Savoie pour les infirmiers libéraux. Dans un département où les déplacements sont longs, certains professionnels n'arrivent plus à se payer. ©FTV

Depuis novembre dernier, un nouveau protocole d'indemnités kilométriques, signé entre les représentants de la profession et l'Assurance maladie, est entré en vigueur en Haute-Savoie pour les infirmiers libéraux. Dans un département où les déplacements sont longs, certains professionnels n'arrivent plus à se payer et abandonnent leur poste.

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Le désarroi des infirmières en Haute Savoie se poursuit. Près de quatre mois après un nouvel accord sur les indemnités kilométriques, signé par les représentants du personnel et la CPAM, de nombreux professionnels ne trouvent plus leur compte. Dans la vallée des Aravis, 8 infirmières sur 19 ont quitté leur poste ou s'apprêtent à le faire face à des difficultés économiques, qu'elles jugent "plus tenables".

Le texte, entré en vigueur le 6 novembre dernier, introduit un nouveau mode de calcul de ces indemnités kilométriques. Ce changement pénaliserait une grande partie des professionnels, dans un département où les trajets peuvent être rallongés par les aléas climatiques et les sinuosités des routes de montagne.

"Avant, nous avions un forfait horo-kilométrique. C'est un forfait qui compensait les kilomètres et le temps que nous passions dans notre voiture. Il compensait aussi tout l'équipement de notre véhicule, nos pneus adaptés à la montagne et l'essence qui ne fait qu'augmenter. Aujourd'hui, on nous demande de ne plus avoir ce forfait qui prend en compte le temps, mais de facturer au kilomètre réel. Clairement, ce n'est plus suffisant pour nous", explique Amélie, qui a décidé d'arrêter son activité au mois de juin prochain.

Un lien avec les patients

"Les horo-kilomètres, que l'on avait avant, nous permettaient de survivre. Maintenant, nous n'avons plus ça, poursuit-elle, qui effectue entre 60 et 100 km par jour. Je perds environ 11 % par rapport à mes chiffres habituels. Le mois dernier, concrètement, tous les soins que j'ai effectués auprès de mes patients couvrent tout juste mes charges professionnelles. Ce n'est plus possible. J'aime beaucoup mon métier. Mais j'ai besoin de vivre et de pouvoir nourrir ma famille."

Ça me fend le cœur, car je vais laisser mes patients. Ce sont eux qui sont au centre de nos préoccupations.

Magali, infirmière libérale.

Cinq heures par jour dans la voiture et entre 20 et 40 visites : c'est le quotidien de ces infirmières de cabinets de montagne. Leurs indemnités de déplacement sont en forte baisse et représentent entre "un tiers et la moitié" de leurs revenus, comme en témoignait, en novembre dernier, Marjolaine Lemesle, infirmière dans la vallée du Giffre, confrontée au même problème.

Magali, elle, a choisi de poursuivre son activité. Un choix motivé par ses patients, avec qui elle a créé des relations : "Il y a des liens autres que professionnels de santé et patients qui se nouent. Le jour où il n'y aura plus d'infirmières, puisque ce jour arrive vu le mépris actuel de nos instances, j'arrêterai puisque je ne me vois pas continuer comme ça pendant 18 ans. Ça me fend le cœur, car je vais laisser mes patients. Ce sont eux qui sont au centre de nos préoccupations", raconte-t-elle, les yeux humides et la voix qui déraille.

Laurence aussi se livre avec beaucoup d'émotion : "Je travaille pour rien. Étant toute seule à la maison, je ne peux même plus payer mes charges personnelles. Je n'avais pas le choix (de quitter mon travail). J'adore ce que je fais, c'est dans mon ADN d'être infirmière. Ça fait 24 ans que je suis infirmière libérale. Mais quand je vois comment nous sommes considérées et le peu que je gagne, je ne peux plus continuer."

Des "affirmations erronées" ?

La Haut-Savoyarde a envisagé de faire de l'intérim, après ses longues journées d'infirmière. Mais elle va finalement elle aussi se reconvertir dans les mois à venir.

Contactée, la CPAM de la Haute-Savoie rappelle que "le protocole signé a été négocié avec les syndicats représentatifs de la profession et permet d’indemniser, au tarif montagne, les kilomètres réellement parcourus par les infirmiers dans l’exercice de leur métier" et "ne souhaite pas s’exprimer davantage sur ce dossier".

Fin novembre dernier, face aux inquiétudes des professionnels, la Caisse d'assurance maladie avait communiqué pour "rassurer sur le nouvel accord". "Certaines craintes ont donné lieu à des affirmations erronées selon lesquelles les indemnités kilométriques seraient moins bien prises en compte voire supprimées pour les infirmiers du département. Ce que la CPAM de Haute-Savoie dément formellement, en ce qu’il ne s’agit pas de la réalité de l’accord signé avec la profession", affirmait un communiqué de la CPAM.

Le document met en avant une "prise en compte des kilomètres effectués au sein d'une même commune" et "une valorisation des indemnités kilométriques au titre de la 'zone montagne' étendue à l'ensemble (...) de la Haute-Savoie".

Malgré tout, les infirmiers libéraux craignent une désertification médicale dans ces zones de montagne spécifiques. Tous culpabilisent avec le sentiment d'abandonner leurs patients.

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