En France, on estime que 20 % des 68 millions d'habitants, souffriraient de lombalgies chroniques, comprenez, de maux de dos installés dans le temps et parfois très invalidants. Jusqu'à 80 % des adultes auront éprouvé au moins une fois dans leur vie des douleurs dorsales. Des chiffres considérables en constante augmentation. Un véritable fléau du monde moderne.
À Villers-Bretonneux, dans la Somme, la clinique du Val d'Aquennes est depuis 30 ans, ce qu'on appelle un établissement SMR, spécialisé dans les soins médicaux et de réadaptation. Une structure qui a développé depuis plus de 10 ans une approche innovante pour traiter la lombalgie chronique, toutes causes confondues, grâce à une "École du dos".
"Chaque année, une centaine de patients passent entre nos murs pour bénéficier de cette prise en charge spécifique", explique Sandrine Morel, la directrice des soins. "Pour les patients qui vivent au-delà de 50 kilomètres de notre unité, il est possible de résider ici en hospitalisation complète. Il faut savoir qu'ils viennent des quatre coins de France. Mais la majorité d'entre eux choisissent la formule d'hospitalisation de jour. Ils déjeunent sur place puis rentrent chez eux les soirs".
L'École du dos de Villers-Bretonneux est une structure unique en son genre dans la Somme. Elles sont rares encore, les unités uniquement dédiées à "des solutions thérapeutiques préventives, qui visent à améliorer la posture, renforcer les muscles, et améliorer de façon globale la fonction rachidienne", précise Sandrine Morel.
L'école du dos : des formations intensives de 4 semaines
L’École du dos accueille chaque mois un groupe de 8 personnes en moyenne, pour une session intensive de 5 heures par jour d'ateliers, du lundi au vendredi pendant 4 semaines.
"Il n'y a pas de profil type chez nos patients", nous explique Maxime Montaigne, enseignant en activités physiques adaptées et santé, qui coordonne l'équipe en charge de cette unité. "Ils peuvent avoir entre 18 ans et 70 ans. Être ouvriers du BTP, cuisiniers, chefs d'entreprise ou étudiants... Vous savez, même chez soi, on peut adopter de mauvaises postures et porter des charges trop lourdes".
"Nous organisons des ateliers pour améliorer les gestes du quotidien, à la maison, au travail ou lors des activités extérieures". L'objectif affiché : que le patient retrouve une autonomie la plus large possible une fois sorti de clinique.
"Nous basons notre enseignement sur un programme de restauration fonctionnelle du rachis lombaire et nous avons développé tout un protocole pour chercher le mouvement, améliorer la mobilité générale", poursuit Maxime Montaigne. "Finalement, on apprend à nos patients à réutiliser leur dos. On travaille beaucoup sur les muscles lombaires, la ceinture abdominale, le dos, les membres inférieurs et supérieurs. On cherche à améliorer l'état général du patient".
Étirements, équilibres, renforcement musculaire, séances de balnéothérapie, à raison de 45 minutes par jour, dans une eau à 32 °C... "Ça, les patients adorent, car ils sont déchargés du poids de leur corps" précise Maxime Montaigne.
À l'école du dos, l'équipe de prise en charge est pluridisciplinaire : elle comprend des kinésithérapeutes et des ergothérapeutes, une assistante sociale et une psychologue.
Les lombalgies : le fléau du siècle
"Dans une douleur comme la lombalgie chronique, la part psychosomatique n'est pas négligeable", explique Maxime Montaigne. "D'ailleurs, une psychologue intervient auprès de nos patients lors de ces séances de rééducation. Car le stress, l'anxiété, la peur, peuvent intensifier les problèmes de rachis. On parle bien de 'charge mentale', on porte en quelque sorte ses problèmes".
Le stress n'est pas le seul ennemi de notre dos. La sédentarité accrue des humains du 21e siècle est le grand ennemi de notre mobilité.
"Bien sûr, chaque personne est différente, mais mon seul, mon unique conseil est le suivant : bouger, bouger, bouger", insiste le coordonnateur des soins de la clinique du Val d'Aquennes qui regrette un manque de prévention dans le monde du travail en général. Et nombreux sont les professionnels qui sont sédentaires : "tous ceux qui utilisent beaucoup leur voiture, les chauffeurs routiers, et toutes les personnes postées à des tâches administratives, devant leur écran, toute la journée".
"Il faut se remettre en mouvement, car la sédentarité grandissante est un problème de santé public. Mais il faut bouger de la bonne façon, et c'est là que nous intervenons. En 4 semaines, on essaie de donner des trucs, des outils, pour protéger son dos au quotidien".
Des formations intensives axées aussi sur une bonne hygiène alimentaire, car l'obésité, qui touche 8 millions de Français, jeunes et moins jeunes, est un facteur aggravant de ces pathologies invalidantes que sont les lombalgies chroniques.
"Il n'est jamais trop tard, on peut toujours améliorer son état général"
Les patients qui se rendent en formation intensive à l'École du dos, sont le plus souvent orientés par des rhumatologues ou des chirurgiens orthopédistes. "Nous regrettons que les médecins généralistes pensent encore trop peu à nous adresser leurs patients", souligne Sandrine Morel, directrice des soins au Val d'Aquennes. "Nos séjours de rééducation, totalement pris en charge par la Sécurité sociale, existent depuis une dizaine d'années et ils ont fait leurs preuves. Clairement, sauf dans le cas d'un accident du travail, il ne faut pas attendre trop longtemps".
Et d'ailleurs, pas besoin d'avoir été opérés pour en bénéficier. "Parfois même, ces ateliers peuvent prévenir une opération lourde, la mise en place d'une arthrodèse par exemple, c’est-à-dire la soudure entre elles de plusieurs vertèbres au niveau de la colonne ou des lombaires".
À l'entrée et à la sortie, tous les patients effectuent un bilan. "On a mis en place des pré-admissions très poussées. Le futur entrant voit un médecin, une infirmière, les enseignants et l'ergothérapeute. On évalue sa douleur et sa capacité à se mouvoir", précise Sandrine Morel.
Après 4 semaines passées à l'École du dos, "on échange beaucoup avec nos patients à leur sortie", conclut pour sa part Maxime Montaigne. "Ils repartent avec la capacité de se prendre en charge pour éviter la douleur dans leur quotidien. Notre but est donc atteint : qu'ils soient autonomes, en capacité de gérer et limiter leur lombalgie et qu'ils n'aient plus besoin de revenir chez nous".