N'avez-vous jamais pensé à ce que serait le monde d'après ? Yoann Agnellet, lui, l'a fait. Depuis septembre 2020, le photographe amateur réalise des clichés de villes de France qu'il retouche pour les transformer en paysages en ruine. Sa dernière création date de fin 2023 : la place des Jacobins à Lyon, version post-apocalypse, sans le moindre être humain.
La place des Jacobins, vide, entourée d'immeubles en friche, laissant entrevoir au travers des fenêtres l'autre côté de la rue. La végétation est omniprésente, au sol, sur les bâtiments, sur les toits. Et au milieu, sa fontaine, elle aussi recouverte d'humus et complètement vide d'eau. Et dans le ciel noir, évitant la foudre, des oiseaux survolent la place située dans le 2ᵉ arrondissement de Lyon.
Cette scène apocalyptique semble surréaliste. Et elle l'est. Elle sort tout droit de l'imagination de Yoann Agnellet et a été publiée sur sa page Facebook, Paradox Beyond Appearances, le 30 décembre 2023. La journée, le quinquagénaire est fonctionnaire de police dans le pays de Montbéliard. Le soir et les week-ends, il se convertit en photographe amateur spécialiste de la retouche post-apocalyptique.
"J'ai toujours été fan de science-fiction et des films fantastiques. Même petit, j'avais une imagination assez débordante", explique l'artiste. "J'aimais bien imaginer à quoi ressembleraient certains endroits si la nature reprenait ses droits", ajoute-t-il.
"Des lieux sans humanité, dans lesquels la nature reprend ses droits"
Avec des villes abandonnées, des rues dénuées de toute population, des animaux qui en profitent pour se rapprocher des habitations, le policier n'a pas eu à fournir un grand effort pour imaginer le scénario. Surtout avec ses facilités en informatique. Le 21 septembre 2020, son premier cliché du monde d'après à Annecy sortait sur Facebook.
"Je m'attendais au pire". Yoann Agnellet était loin de s'imaginer que sa photographie publiée sur les réseaux sociaux rencontrerait son public. "J'étais assez mitigé sur ce que j'avais produit. C'était la première fois, je ne maîtrisais pas encore très bien les outils à ma disposition", ajoute-t-il. Pourtant, les commentaires parlent d'eux-mêmes. "Magnifique", "sublime", "sacré montage", peut-on ainsi lire.
"Les gens se projettent, car pour beaucoup, c'est un lieu qu'ils connaissent. Il y a aussi des gens qui ramènent ça à la politique, à la guerre, d'autres aux aliens ou aux zombies. Ils l’interprètent à leur façon, créent leur propre histoire", souligne le photographe, qui le précise, ne cherche ni à développer un commerce, ni à faire passer un message. "L'objectif, c'est d'amener des lieux sans humanité, dans lesquels la nature reprend ses droits", ajoute-t-il.
Un travail d'une douzaine d'heures en moyenne
Aujourd'hui, Yoann Agnellet compte environ 80 photographies post-apocalyptiques sur ses réseaux sociaux. De Nancy, Cahors, Paris à Belfort, il fait le tour de France avec ses clichés. Et puis, il y a Lyon, ville dans laquelle il a vécu pendant quelques années. Image d'explosion vue de Fourvière. Ou encore le vieux Lyon, en ruine, observé depuis la passerelle Saint-Vincent.
Pour chacune d'elles, il y a derrière un travail d'une douzaine d'heures en moyenne, jusqu'à 14 heures pour sa dernière réalisation du 30 décembre dernier. Il faut d'abord trouver la bonne photographie, celle avec le bon angle, à partir de ses propres clichés ou quelques fois issue d'une banque d'images. Il faut ensuite se projeter : "Il faut que la photo me parle. Arriver à voir ce que je vais faire", confie l'artiste.
"J'essaye vraiment de sortir du premier plan"
Vient alors le montage. "Il faut rendre la photographie désertique. Ça commence par enlever toute forme de vie et supprimer les voitures", explique le photographe, qui cache parfois certains de ces éléments derrière la végétation.
Ensuite, il faut reconstruire l'image en reprenant des élèments de la photo. Il faut les gommer, les redessiner et les réintégrer.
Yoann AgnelletCréateur de photographies post-apocalyptiques
Une fois la nouvelle structure établie, il faut dégrader les bâtiments, casser les fenêtres, rajouter la végétation et rouiller les armatures métalliques. "J'essaye vraiment d’aller le plus loin possible, de sortir du premier plan. Je vais essayer de donner une crédibilité à mon image", souligne Yoann Agnellet, qui utilise, à cet effet, le logiciel gratuit paint.net.
La dernière étape pour une photo post-apocalypse réussie : travailler l'ambiance, autrement dit, modifier la luminosité en jouant sur la couleur du ciel notamment. Pour cela, il utilise le logiciel Luminar.
Le photographe réalise actuellement une nouvelle photographie de la ville de Metz. Un travail de longue haleine puisque l'artiste doit pour la retouche de son image démonter la grande roue et rouiller chaque partie métallique une par une.