Une trentaine d'associations et de victimes avaient porté en justice le dossier des PFAS au sud de Lyon, à Pierre-Bénite, pour faire cesser la pollution. Ils demandaient notamment à ce que l’industriel Arkema cesse immédiatement le rejet de ces substances toxiques et persistantes dans l’environnement. Le juge vient de rejeter la requête.
Ils attendaient la décision depuis plus d'un an. Et ils avaient fondé dans la justice de nombreux espoirs. Victimes et associations avaient déposé un référé environnemental contre le groupe chimique Arkema, à l’origine d’importants rejets de PFAS autour de Pierre-Bénite, au sud de Lyon. Une action judiciaire peu fréquente qui avait pour objectif de faire stopper la pollution immédiatement et de demander des analyses supplémentaires aux frais de l’industriel. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a rejeté la requête, dans son intégralité.
Une requête rejetée sur le fond
“C’est une décision décevante, qui n’est pas à la hauteur des enjeux d'un tel dossier”, estime Louise Tschanz, avocate de Notre Affaire à Tous, l’ONG qui avait porté le référé. “On est d’ailleurs très surpris, parce qu’en transmettant la requête, le procureur validait le raisonnement juridique et la démarche. C’est très étonnant que le juge remette en question son bien-fondé”, ajoute-t-elle.
En effet, dans sa décision rendue le vendredi 17 novembre, le juge estime que “le non-respect des prescriptions imposées” à l’industriel n'était “pas ou plus caractérisé” et que “l’intervention du juge des libertés et de la détention ne parait pas s’imposer”.
"La justice se range derrière les autorités publiques"
Le magistrat, qui a auditionné ces dernières semaines les victimes, les associations, mais aussi le directeur d’Arkema et les services de l’État, rapporte que la Direction de l’environnement (DREAL) a pris les mesures nécessaires à l’encadrement de cette pollution et qu’Arkema respecte désormais les dernières recommandations de la préfecture. “La DREAL a confirmé qu’aucun non-respect des prescriptions désormais imposées à l’exploitant n’avait été constaté depuis l’édition des arrêtés précités”, précise encore la décision.
“C’est assez déconcertant pour nous, on sent bien que la juge se range derrière l’avis de la DREAL, qui est très partial”, dénonce Jeanne Fleury, porte-parole de l’association Notre Affaire à Tous. “Mais cette décision ne prend pas en compte ni l’ampleur de la contamination, ni la persistance de ces polluants dans l’environnement. C’est très symbolique pour nous et souvent comme ça dans les contentieux de l’environnement, on considère que l'infraction est ponctuelle, or elle est chronique”, ajoute la militante.
Des victimes déçues et "en colère"
Les associations, parmi lesquelles se trouvent Alternatiba, le réseau AMAP Rhône-Alpes, mais aussi “Bien vivre à Pierre-Bénite” ou encore la FSU (Fédération syndicale unitaire), demandaient à ce que des analyses supplémentaires soient conduites, notamment sur le lait maternel ou le sang des riverains qui peuvent contenir un taux élevé de PFAS, comme l’avait révélé notre enquête en juin dernier.
“Je ressens à la fois de la colère, mais aussi de la déception”, témoigne Edith Metzger, une des requérantes qui a justement découvert la présence de ces molécules toxiques dans son sang il y a quelques mois. “De la déception parce que lorsque le juge nous avait auditionnés, on avait plutôt ressenti qu’elle avait compris l’enjeu. Le problème, c'est que les intérêts économiques sont tels qu'il doit y avoir des pressions très fortes”, affirme l’habitante de Pierre-Bénite.
Contacté par courrier électronique, le groupe Arkema nous écrit prendre acte, de son côté, de cette décision et tient à rappeler que “de nombreuses analyses sont effectuées quotidiennement selon les prescriptions de la DREAL et en respect des arrêtés préfectoraux pris pour le site”.
“On a perdu une bataille, pas la guerre. Cette décision n’efface pas le fait que mon sang et celui de beaucoup d’autres soit contaminé. Ça va nous stimuler encore plus, on va continuer à se mobiliser”, se reprend cependant Edith Metzger qui milite au quotidien contre la pollution aux perfluorés. Une journée de mobilisation est prévue le 2 décembre prochain, place de la République, à Lyon. Le collectif d’association a décidé de faire appel.