Pollution. ZFE à Lyon : pourquoi ça coince ?

A Lyon, les véhicules les plus polluants ne peuvent plus rouler dans le cœur de l’agglomération. La mesure va améliorer la qualité de l’air. Mais cette zone à faibles émissions suscite questions et surtout inquiétudes. En témoigne le conseil métropolitain de ce 27 mars 2023.

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La mise en place de la ZFE cristallise vives critiques et tiraillements. Parmi les élus de la Métropole de Lyon, certains critiquent aussi la méthode. "La Zone à faibles émissions est un outil et ne doit pas être un objectif. Un outil au service d’une ambition écologique et sociale (...)  Depuis 3 ans nous vous alertons sur le fait que la ZFE telle que vous l’imposez sera une Zone à Forte Exclusion", s'est exclamé le centriste, Christophe Geourjon, lors de la séance du conseil métropolitain ce lundi matin. 

"Fortes résistances et blocages"

Mais c'est par une interpellation orale du Conseil de développement de la Métropole de Lyon qu'a débuté la séance. L'organisme se veut "une vigie et un porteur d'alerte des citoyens, habitants dans et autour de la métropole". Trois constats s'imposent selon le CdD. Ils concernent l'information, les impacts sociaux et le plan de mobilité.


L'entrée en matière est directe. "Les citoyens de la Métropole, dans leur grande majorité, semblent méconnaitre la Zone à Faibles Emissions", ont indiqué aux conseillers les porte-paroles. L'instance indépendante et composée de citoyens insiste alors sur la nécessité de "positiver" la Zone à Faibles Emissions, " de renforcer la communication, de sensibiliser" tous les acteurs, habitants, associations, communes, mais aussi associations et entreprises.

Il semble essentiel de positiver la ZFE et de rendre désirable à toutes et tous des modes de déplacement alternatifs à la voiture autosoliste.

Cécile Villemagne

membre du Conseil de Développement

La ZFE, et les changements de mode de vie qu'elle engendre, peut "générer de fortes résistances, voire des blocages", indique également les porte-paroles du CdD.

"Au vu des changements que la ZFE induit, la contrainte et la sanction ne peuvent suffire", est-il expliqué aux conseillers. Pour se faire, l'Agence des mobilités doit être dotée de moyens supplémentaires. Un point de vue que semble partager le président du groupe communiste et républicain, Pierre-Alain Millet : "la sanction ne peut pas être l'outil central de la ZFE, sauf à aggraver terriblement les ségrégations territoriales".

Pour les CSP- , la mobilité est liée à 60% à l'emploi. Pour les CSP+, elle est a plus de 50% liée aux loisirs. Voilà qui interroge sur l'équité de traitement d'une ZFE qui ne fait pas la différence entre les motifs de déplacement.

Pierre-Alain Millet

Conseiller métropolitain, président du groupe communiste

Pour le CdD, il s'agit aussi d'attirer l'attention des élus métropolitains sur "les populations les plus impactées par l’irruption de la ZFE". "Il faut garantir aux citoyens une évaluation multicritère de l'impact de la ZFE. Une évaluation juste et complète", a estimé le porte-parole du Conseil de Développement. Cette évaluation doit être régulière, conduite sur plusieurs années et commencée avant fin 2023, selon le Conseil. En clair : plus de transparence. 

L'instance redoute notamment les "impacts sociaux" et "un creusement des inégalités selon le lieux d'habitation". Le CdD alerte : "les impacts sociaux et sociétaux" ne doivent pas être négligés, il en va de l'acceptation même du dispositif.

Alexandre Vincendet n'a pas de mots assez forts pour dénoncer une "écologie punitive", évoquant une ZFE "mal ficelée, trop radicale, pourvoyeuse d'inégalités", "qui fait du centre de la métropole, une citadelle inaccessible" et "un outil de ségrégation et d'assignation à résidence des populations les plus pauvres".  

Plan de circulation et vision globale

Voies lyonnaises, ZFE, apaisement de la presqu'île... Le CdD a également déploré des études qui semblent menées "en silos", et qui ne concernent "qu'un seul mode de déplacement à la fois, ignorant les impacts ". "Il semble manquer un plan global de circulation portant une vision transversale et partagée de toutes les mobilités (voiture, transports en commun, train, vélo et marche)".

La majorité répond "obligation légale" et "amélioration de la qualité de l'air". "On est bien en train d'élaborer une vision globale des mobilités", se défend Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole et 1er vice-président du Sytral, qui a rappelé que la création de la ZFE a été imposée par la législation, et notamment la loi climat et résilience de 2021. "La ZFE est un enjeu de santé publique, la Métropole de Lyon a lancé il y a deux ans une grande réflexion avec de nombreuses scènes de concertation", ajoute-t-il. 

La ZFE est imposée par la loi à une soixantaine de grandes agglomérations. On aimerait bien que le gouvernement nous soutienne dans la mise en place de ces ZFE, notamment en communiquant.

Jean-Charles Kohlhaas

Vice-président de la Métropole de Lyon, écologiste

Le CdD se veut le garant d'"une évaluation citoyenne de la ZFE". Ainsi, il demande à être "associé" aux processus d'évaluation de cette zone à faibles émissions. L'exécutif a répondu positivement aux demandes du CdC. Les différents groupes ont également approuvé les demandes du Conseil de Développement d'être associé plus largement au processus d'évaluation et à l'évaluation de ses critères.

Crit'Air 2, deux ans de sursis... 

Pour circuler dans la ZFE, la vignette Crit’Air est obligatoire. Elle classe les véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques.

Si les véhicules dotées d'une vignette Crit'Air 5 ne peuvent plus circuler depuis le 1er janvier 2023. L’interdiction des véhicules Crit’air 4 devrait intervenir au plus tard le 1 er janvier 2024. Normalement, à partir de 2025 ce sont les véhicules dotés de vignettes Crit'Air 3 qui seront interdits dans le périmètre de la ZFE. Quant aux véhicules Crit'Air 2, ils ont obtenu un sursis dans l'agglomération lyonnaise. La Métropole écologiste de Lyon a confirmé en février le report de la mesure d’interdiction des voitures Crit’Air 2 à 2028, au lieu du 1er janvier 2026.  

Appelé à prendre la parole au nom du groupe "Inventer la Métropole de demain", le conseiller métropolitain Christophe Geourjon pointe du doigt "le revirement" de Bruno Bernard et l'interpelle. "Il y a encore quelques mois, vous nous expliquiez que ne pas interdire les Crit’Air 2 au 1 er janvier 2026 était criminel ! Aujourd’hui ce n’est semble-t-il plus un problème de santé publique". 

Pour le conseiller métropolitain Laurent Legendre, président du groupe "Métropole Insoumise, Résiliente et Solidaire", cet "ajustement" de calendrier par l'exécutif métropolitain ne change rien. "L'impact social de la ZFE n'est pas résolu (...) 30% du parc de véhicules reste concerné à l'horizon 2025 dont 150000 véhicules de Crit'Air 3". Faut-il aller plus loin ? La solution pour une amélioration de la qualité de l'air selon Laurent Legendre : une réduction de "l'autosolisme" et du nombre de véhicules individuels.

La gratuité des transports revient sur le tapis

Comment réduire la part de la circulation automobile en ville ? A l'instar de Laurent Legendre, certains élus métropolitains sont ainsi de fervents militants de la gratuité des transports. L'interdiction progressive des véhicules les plus anciens et les plus polluants a d'ailleurs remis le sujet sur la table fin 2022.

La gratuité des transports en commun : l'idée a un temps été écartée par Bruno Bernard, également à la tête du Sytral. Un groupe transpartisan va finalement être constitué au sein de la Métropole de Lyon pour étudier cette question. C'est Vincent Monot, président de la commission déplacements et voirie de la Métropole de Lyon et vice-président de Sytral Mobilités, qui présidera les travaux de ce groupe. Ils seront lancés à partir d’avril. Les conclusions devraient être présentées avant la rentrée de septembre.

Le développement des voies lyonnaises pourrait être une autre piste. Une piste qui fait également débat.

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