Prostitution à Lyon : les travailleuses du sexe menacées d'expulsion

Chassées il y a une vingtaine d'années du centre-ville de Lyon puis du quartier de Perrache, les prostituées qui se sont installées dans le secteur de Gerland vont devoir quitter les lieux. Un arrêté préfectoral pourrait être pris en cette fin avril. En cause : la prochaine Coupe du monde de rugby.

"On ne sait pas où aller, on n'a pas de solution. (...)  Au moins, si on nous laissait jusqu'à fin juillet, on pourrait trouver un autre endroit. Mais là, c'est impossible, on a une famille à nourrir, on a une vie, nous aussi,", explique Maria. Cette travailleuse du sexe parle à visage découvert et ne cache pas sa colère contre la décision de la préfecture du Rhône. Un avis d'expulsion risque d'entraîner une plus grande précarisation des travailleuses du sexe, selon les intéressées et les associations qui les soutiennent.

Des prostituées "au pied du mur"

Visages dissimulés pour certaines derrière un masque, vendredi 21 avril 2023, en fin d'après-midi, une petite cinquantaine de travailleuses du sexe se sont réunies à l'occasion d'une manifestation à Gerland. Elles protestent contre une décision préfectorale leur demandant de quitter le quartier prochainement. L'arrêté pourrait être pris d'ici à la fin de semaine. Alors depuis deux semaines, ces femmes multiplient les manifestations.

Dans ce quartier du 7e arrondissement de Lyon, les All Blacks auront leur camp de base lors de la Coupe du monde de rugby. L'événement sportif aura lieu à la fin de l'été. La préfecture a pris les devants et anticipé. Les Jeux Olympiques de 2024 justifieraient aussi ce départ forcé des prostituées de Gerland.

"Nous mettons en œuvre un plan de sécurisation sur l'ensemble de la métropole de Lyon. Celui-ci intègre des sites qui accueilleront des animations ou des événements. Gerland est inclus dans cette stratégie", indique la préfecture.

L'association Cabiria soutient les prostituées et porte leur voix devant la préfecture. "La préfecture nous a prévenus il y a deux semaines. L'idée était d'être prévenu en amont, qu'on puisse préparer le départ avec les femmes, les informer et qu'elles trouvent une autre solution avant de se trouver au pied du mur. Mais le délai est court", expliquait vendredi Antoine Baudry, animateur de prévention de l'association Cabiria.   

Qu'est ce qu'on va devenir ? Qu'est ce qu'elles vont faire toutes ces femmes ? Elles ont une famille et des enfants à nourrir.

Maria

Travailleuse du sexe

Les femmes demandent un délai supplémentaire de deux mois, le temps de pouvoir s’organiser. "Qu'on nous laisse au moins un délai de trois mois. La Coupe du monde de rugby, c'est fin août !", s'exclame Maria. Elles n'envisageraient pas de partir avant fin juillet. Certaines femmes avaient même proposé, afin de pouvoir rester, de ne venir travailler qu'à partir de 23 heures et d'adapter leurs horaires. Proposition rejetée par la préfecture, selon Antoine Baudry.

Chassées des centres-villes

Certaines de ces travailleuses du sexe dénoncent une situation qui se dégrade au fil du temps. "La solution, c'est de nous rejeter de plus en plus loin", s'exclame Maria. De la prostitution exportée loin des centres-villes avec une insécurité croissante pour les travailleuses du sexe, le sujet n'est pas nouveau : "pour nous, c'est de plus en plus dangereux. On est obligées d'être à deux si on part dans les campagnes". Dans le quartier de Gerland, ces femmes disent se sentir plus en sécurité. 

 Une présence qui dérange

"Beaucoup de clients pensent que toutes les filles qui travaillent ici travaillent pour un proxénète. Moi, je travaille seule. C'est mon camion", explique Elena. Elle travaille depuis 10 ans sur ce secteur dans sa camionnette blanche. Elles sont quelques dizaines, garées en file indienne, rue Jean Bouin, allée Pierre de Coubertin ou encore quai Fillon, tout près de la plaine des jeux et du stade de Gerland. Leur présence dérange.

Depuis un an, ces prostituées sont même au centre d'une polémique. Début novembre, une pétition contre leur présence dans le quartier a été lancée sur les réseaux sociaux. Elle a rassemblé plus de 3 400 signatures. Riverains et parents sont montés au créneau. Chaque mercredi, près de 800 enfants s'entraînent près des camionnettes. "Depuis 7 mois, on alerte sur les dangers pour nos enfants liés à la prostitution. La plaine des jeux est un endroit pour les enfants. Notre combat n'est pas contre la prostitution, mais pour la protection de l'enfance", explique le collectif des parents.

Du côté de Cabiria, on ne comprend pas. "Elles sont installées là depuis deux ans et demi. Pendant plus de deux ans, il n'y a pas eu de plaintes de parents au sujet de la sécurité de leurs enfants et on a mis en place une médiation", explique Antoine Baudry, animateur de l'association.  

 Aujourd'hui, les travailleuses du sexe se demandent où elles vont pouvoir exercer en sécurité.

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