A Saint Fons, près de Lyon 11 camionnettes ont été évacuées par la police. Une opération de tranquillité publique réussie. Plus de fourgons, mais les femmes, elles, n'ont pas disparu. En quête de solutions, elles ont récupéré leurs véhicules pour se garer ailleurs.
Onze véhicules de type fourgonnettes aménagées ont été envoyés à la fourrière jeudi 20 janvier 2022, vers 09heures du matin, à Saint Fons, dans la Métropole de Lyon. Ces camions étaient stationnés depuis plusieurs semaines boulevard Lucien Sampaix. Cet axe reculé mais très accessible depuis l'autoroute, constitue un emplacement stratégique pour de nombreux concessionnaires automobiles installés sur place.
Officiellement, l'enlèvement est justifié par le non-respect des règles de stationnement longue durée. Mais la Mairie estime également que l'image de Saint-Fons ne peut pas à long terme être associée à la présence de prostituées installées dans ces camionnettes.
Un enjeu de tranquillité publique
"Au-delà de l’action ponctuelle, c’est le fruit d’un travail quotidien réalisé par les agents de la police municipale qui est récompensé", explique la municipalité dans un communiqué. "Il s’agit aussi d’être investi et de faciliter le travail que mène la Police nationale dans la lutte contre l’exploitation sexuelle et la traite des êtres humains" précise le maire (DVG) Christian Duchêne, ajoutant qu'il fait de la lutte contre l’exploitation de prostituées "une priorité".
Un discours que peine à entendre l'association Cabiria, qui accompagne chaque année 1500 personnes. Un des salariés regrette notamment que " ce qui importe c'est la tranquillité publique et de ne pas passer pour des laxistes"
"Ce qui est dur c'est la misère humaine"
En effet, une des entreprises riveraines souligne qu' "on ne peut que se féliciter de voir des élus mobilisés et efficaces dans leurs actions". Un des concessionnaires décrit de nombreuses difficultés d'accès pour sa clientèle, d'autres reconnaissent "qu'elles ne dérangeaient personne". " Mais ce qui est dur, c'est la misère humaine. Quand on va manger et qu'on passe devant ces vitres on imagine des situations très difficiles" commente une salariée.
Et c'est précisément ce paradoxe que pointe l'association Cabiria. "D'un côté on les présente comme des victimes mais de l'autre on ne les traite pas du tout comme des victimes."
Que sont devenues ces femmes et leurs camionnettes?
Au cours de notre échange téléphonique avec ce salarié qui préfère rester anonyme, une des femmes dont la camionnette a été enlevée passe la porte.
Elle a rendez-vous pour demander de l'aide en vue de déposer une demande de logement. Sa camionnette, stationnée il y a encore quelques jour à Saint-Fons lui sert de lieu de vie et de repos mais elle exerce ailleurs.
Il faudra attendre plusieurs mois avant que son dossier de demande de logement soit examiné.
Quelques solutions d'urgence existent mais à la marge. "On a un budget de quelques milliers d'euros pour mettre des femmes à l'abri en cas de violences par exemple, mais avec 1500 personnes accompagnées on est très vite limités" regrette-t-on à Cabiria. "Et pourtant on est débordés par les appels. Tous les jours on a au moins deux ou trois agressions"
Agressions quotidiennes
Le 05 avril dernier, une jeune femme est décédée dans l'incendie d’une camionnette à Meyzieu, à l’Est de Lyon. Des attaques au mortier, des vols à répétition, des viols sont signalés quotidiennement aux associations locales. Mais aucune plainte n'est déposée et donc aucune suite judiciaire.
Depuis 2002, la mise en place d'arrêtés anti-camionnettes à Perrache, Gerland, et Confluence a éloigné les prostituées du centre de Lyon.
Désormais souvent installées autour de l'aéroport Saint Exupéry, ou dans les communes de Saint-Fons et Vénissieux elles font encore régulièrement l'objet de verbalisation.
Avec plusieurs autres femmes, celle qui a poussé la porte de Cabiria cinq jours après l'enlèvement de son fourgon, l'a récupéré puis a trouvé un autre endroit où s'installer dans une commune voisine.