Psychiatrie à Lyon : "on priorise en fonction du nombre de tentatives de suicide des patients"

Le ministre de la santé François Braun est venu découvrir un centre d'accueil en santé mentale créé par le professeur lyonnais Nicolas Franck. Un service de semi-urgence qui permet une prise en charge plus rapide, mais qui n'efface pas le malaise dans le service d'urgences saturé du Vinatier.

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C'est un point d'étape pour le ministre de la Santé François Braun, venu observer une structure lyonnaise dans le cadre d'un comité stratégique sur la santé mentale lancé en 2018. Cette structure, c'est Cadeo (centre d'accueil, d'évaluation et d'orientation en santé mentale). Un nom qui promet d'offrir aux patients un accueil plus rapide aux personnes atteintes de troubles psychiques. Le professeur Nicolas Franck, créateur de ce projet, nous reçoit dans les locaux de Cadeo, adossé au CMP Villette dans le 3e arrondissement, où il travaille. "J'ai créé Cadeo car le CMP (centre médico-psychologique) n'était plus en mesure de donner des rendez-vous. Priorité était donnée aux patients déjà suivis." Créé en juin 2020, Cadeo reçoit environ 1000 patients par an. "Et ça a augmente, assure le père de Cadeo. Ici, c'est une sorte de service de semi-urgences. Le patient qui se présente est reçu dans les jours suivants, sans aucun filtre, grâce à une équipe de psychiatres, psychologues et infirmières."

Cadeo, un cadeau pour le privé?

Par une étrange douceur hivernale, ils sont une dizaine de manifestants à attendre devant le CMP la Villette pour accueillir leur ministre. Infirmière au Vinatier et déléguée Force Ouvrière, Géraldine Museo est loin d'être séduite par le projet. "C'est l'outil politique de destruction de la psychiatrie publique. Cadeo sert à trier. Mais les patients ont besoin de soins, pas d'être triés. 75% des patients se présentant à Cadeo sont envoyés vers le privé".

"Pas vrai!", rétorque Nicolas Franck, "on ne s'oriente pas plus dans le privé qu'avant. Seulement maintenant on a des chiffres qui permettent d'analyser la part de consultation entre privé et public."

"Les lits de psychiatrie, c'est le passé."

Les moyens humains alloués à Cadeo ont été prélevés sur les effectifs du site du Vinatier. Ce qui s'est traduit par une baisse du nombre de lits. "Pendant la crise Covid, le Vinatier a mis 83 patients à la rue. Les moyens mis dans Cadeo, ce sont des patients qui ne sont pas soignés. En plus, onze structures ont fermé en Nord-Isère. Leurs patients sont renvoyés vers le Vinatier, déjà à l'agonie."

Nicolas Franck assume. Son pôle est passé de 150 à 76 lits en privilégiant les soins ambulatoires. "Je crois à ce dispositif pour que chacun puisse être orienté. Les lits de psychiatrie, c'est le passé. Les patients ont besoin de soins, pas de murs. On oriente vers tous les dispositifs, notamment libéral, mais aussi les associations, les point écoute accueil en mairie ou les centres de psychothérapie."

L'optimisme affiché de Nicolas Franck dans ses locaux rénovés du 3e arrondissement pour aider le CMP peine cependant à masquer le malaise des personnels soignants restés dans l'enclave du Vinatier. Même si son service est censé "court-circuiter les urgences".

Des effets qui ne se font pas sentir aux urgences du Vinatier. Une psychologue qui souhaite garder l'anonymat "veut des lits pour l'hôpital" et s'inquiète pour le personnel soignant. "On a un métier où les risques de burn-out ou de suicide sont réels. La direction a même cessé de nous transmettre le nombre de postes infirmiers vacants."

Des urgences saturées

Cette psychologue observe une forte détérioration de la prise en charge des patients. "Depuis le Covid, on a trois fois plus de demandes pour des troubles anxieux et dépressifs chez les adultes et adolescents. Ça me fait mal de vous dire ça, mais on priorise en fonction du nombre de tentatives de suicide des patients. C'est dur." Elle constate une saturation des urgences psychiatriques. Il y a trois semaines, elle est dans le cabinet lyonnais où elle pratique en libéral. "Un de mes patients de Grenoble avait des envies suicidaires. Il a appelé le SAMU et a attendu 45 minutes avant de se décider à prendre le train pour venir me voir. Il a fait une TS (tentative de suicide) par strangulation dans ma salle d'attente. J'ai appelé les urgences du Vinatier, elles ne pouvaient pas le prendre et me demandaient de l'envoyer à l'hôpital de Saint-Egrève, près de Grenoble!"

Nouvelle porte d'entrée: le numérique

Le ministre de la Santé François Braun a rappelé qu'il ne pouvait pas trouver 10.000 médecins et 100.000 infirmières "en claquant des doigts". Dans la même idée que Cadeo, il a annoncé une enveloppe de 25 millions d'euros pour "donner la possibilité aux personnes qui ont des symptômes qui les inquiètent, d'avoir une porte d'entrée qui va pouvoir les écouter" en encourageant la téléconsultation.

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