"C'est le martyre de Lyon" : l'émotion après le suicide de l'étudiant iranien Mohammad Moradi

Un étudiant iranien s'est suicidé lundi 26 décembre, en se jetant dans le Rhône à Lyon. Mohammad Moradi avait publié une vidéo expliquant la raison de son geste : attirer l'attention sur la répression "violente" des manifestations contre le pouvoir dans son pays. Deux jours après le drame, les Iranien de Lyon se confient.

Quand vous regarderez cette vidéo je serai mort [...] je choisis cette voie sans stress, sans tristesse."  C'est dans une vidéo testament de 3 minutes, qu'on découvre le visage de Mohammad Moradi. Assis au bord du fleuve, il se présente comme un étudiant iranien, vivant à Lyon depuis 2019. 

Il explique vouloir se jeter dans le Rhône, pour alerter sur la situation dans son pays d'origine. En Iran, depuis la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, jeune Kurde iranienne de 22 ans, un mouvement de contestation secoue l'Iran, se heurtent à la répression des forces de l'ordre.  "La police attaque les gens, on a perdu beaucoup de fils et de filles, on doit faire quelque chose", affirme d'une voix calme l'homme dans cette vidéo postée sur plusieurs réseaux sociaux, avant de commettre l'irréparable.

"On doit faire quelque chose, je décide de me suicider dans le fleuve Rhône, pour montrer que nous, Iraniens, sommes très très fatigués de cette situation.

Mohammad Moradi

 

L'étudiant en histoire a été retrouvé noyé lundi 26 décembre, en fin de journée. Malgré l'intervention des pompiers, il n'a pas pu être réanimé. Le parquet de Lyon a annoncé mardi à l'AFP avoir "diligenté une enquête en recherche des causes de la mort, afin de vérifier l'hypothèse d'un suicide au vu notamment des messages postés par l'intéressé sur les réseaux sociaux annonçant son intention".

"Je ne veux pas qu'il ait donné son corps pour rien"

"Son espoir, c'était qu'un jour le régime islamiste disparaisse, confie une connaissance de Mohammad, qui préfère rester anonyme. Il était content que les Iraniens manifestent ensemble, il a même pris la parole par deux fois lors des manifestations à Lyon: la première fois, il était très ému, il n'a pas réussi à beaucoup parler, la deuxième fois, il avait écrit un texte."

"Je n'ai jamais pu imaginer qu'il se suiciderait, il était très intellectuel, calme, gentil, il avait la certitude que le régime finirait par partir."   

Une connaissance de Mohammad Moradi

"Il ne savait pas nager, se rappelle-t-elle. Je suis encore choquée, son visage est toujours devant mes yeux. Il adorait sa vie. Il a voulu montrer son message, j'espère que ça attira l'attention des gouvernements, je ne veux pas qu'il ait donné son corps pour rien." 

"Il a rallumé la flamme"

Sur les réseaux sociaux, le suicide et la vidéo testament font réagir en France, mais aussi à l'international. "Au début, je me suis dit que ça ne servait à rien, et puis j'ai reçu de nombreux messages d'amis vivants aux Etats-Unis, raconte Anaïs, militante iranienne de Lyon. Ça nous donne l'énergie de repartir, il a rallumé la flamme".  

Anaïs, espère que ce sera un vrai coup de projecteur sur la situation en Iran. Là-bas, son cousin a été condamné à 5 ans de prison, pour une vidéo. "Je vois ma tante se consumer de jour en jour, on est impuissant. Je ne sais pas si ça va changer les choses, mais ça fait parler : Mohammad Moradi, c'est le martyre de Lyon."

"En Iran les gens se battent, même s'ils vont être condamnés à mort, mis en prison, ils se sacrifient. Mohammad, il s'est sacrifié à Lyon, pour que l'on parle de nous."

Hadis, arrivée d'Iran il y a 14 ans

"Je me sens très triste, profondément touchée, confie Hadis, la voix chargée d'émotion. Je comprends très bien le sentiment de culpabilité vis-à-vis de notre peuple et en même temps le sentiment d'être sans défense face au régime iranien. C'est un geste tellement fort, tellement important."

Cette ancienne journaliste, arrivée d'Iran il y a 14 ans, se mobilise depuis trois mois à Lyon, pour soutenir les manifestants en Iran . C'est là qu'elle a eu l'occasion de rencontrer Mohammad Moradi. "C'était quelqu'un d'assez discret.", se rappelle-t-elle.

"C'était quelqu'un de bien"


"Je l'ai vu plusieurs fois dans les manifestations de ces trois derniers mois, il avait pris la parole au mégaphone, raconte Alex Keyghobadi, militant iranien. C'était quelqu'un de bien, d'intelligent, de très patient."

Il espère que l'événement tragique fera bouger les lignes. "J'ai toujours espoir qu'on gagne contre ce régime fasciste, dictatorial. On a besoin que le monde entier nous comprenne, il faudrait que la France ferme l'Ambassade d'Iran pour faire pression sur le régime. On ne peut pas combattre dans la rue, pendant que le gouvernement iranien signe des contrats d'armement avec d'autres pays."

Un rassemblement Pont Gallieni

Un rassemblement sur les lieux du drame a été organisé mardi soir, sur le pont Gallieni, entre les 7e et 2e arrondissements de Lyon. "C'est la moindre des choses qu'on puisse faire, on est solidaire, explique Eve, pharmacienne arrivée d'Iran il y a 43 ans. Il ne faut pas juger, à chacun sa méthode pour lutter contre la barbarie." 

"Mohammad venait de la même ville que mon père, il était kurde, ajoute la pharmacienne qui a apporté une rose. Le suicide n'a pas la même signification pour les kurdes, vous savez en Iran ils n'ont rien à perdre. Je pense que pour Mohammad, c'est une façon de donner sa vie pour son pays, une sorte de harakiri, de sacrifice, pas un abandon, il en faut du courage. 

Devant de nombreux journalistes, une quarantaine de personnes ont déposé bougies, bouquets de roses et photos du défunt sur la rambarde.

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