REPORTAGE EXCLUSIF. "Polluants éternels" : une école polluée aux PFAS au sud de Lyon

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Des parents s'inquiètent pour la santé de leurs enfants ©France TV /E.Rosso et D.Pajonk

La pollution aux perfluorés au sud de Lyon, près de l'usine Arkema touche une cour d'école dans la commune d'Irigny. France 3 Rhône-Alpes a pu consulter des analyses qui affichent des taux préoccupants de "polluants éternels" dans les sols de l'établissement.

C’est une information devenue récurrente, dans le sud de Lyon. Un sol, pollué aux perfluorés. Mais cette fois, elle concerne une école, située à Irigny. Son sol contient 33 μg /kg de PFAS, des polluants éternels et toxiques pour la santé.

Pour les rares parents d’élèves qui sont au courant, cela suscite beaucoup de questions:

"Je savais qu’il y avait des PFAS du fait des études réalisées sur Pierre Bénite, mais au niveau de l’école, je n’en savais  rien. Je me doute bien que s’il y a des sites pollués pas très loin, il peut y en avoir d’autres", s'inquiète Pascale, une mère d'élève. 

"Ça pose des questions, on se dit  que nos enfants qui ont grandi là ont passé des années dans cette école, ceux que je garde maintenant et que j’amène à l’école, on ne sait pas quelles répercussions cela peut avoir sur leur santé. "

La cour de l’établissement est goudronnée et par conséquent, l’exposition reste relative mais les enfants de la maternelle possèdent un potager expérimental ainsi que des poules.

"Il n’y a pas de danger immédiat pour les enfants, il ne faut pas affoler les gens", temporise Pauline, une autre mère d'élève ajoutant : "les enfants ne sont pas obligés de manger les œufs du poulailler de l’école. Pareil pour le portager, c’est pour apprendre à faire des plantations".

Elle aimerait cependant obtenir plus d'informations de la part des pouvoirs publics. "Il ne faut pas s’alarmer mais parler du problème quand même ! C’est important. Il faut surtout que les pollutions cessent immédiatement". 

Une pollution connue depuis le mois d'octobre 

Il y a quelques jours déjà, la préfecture recommandait, par communiqué, à tous les habitants de la commune de ne plus consommer les œufs des particuliers. "La présence de ces PFAS dans les œufs s’expliquerait par la contamination des sols : en picorant, les poules se contaminent et contaminent ensuite leurs œufs", expliquait alors la préfecture.

La pollution des sols de l’école d'Irigny est connue depuis le mois d’octobre. A la suite des révélations faites par l’émission « Vert de rage » concernant la pollution aux PFAS dans le sud de Lyon, les maires des communes limitrophes avaient diligenté une enquête indépendante. Des prélèvements avaient été faits dans plusieurs endroits d’Irigny, d’Oullins, de Saint-Genis Laval et de Pierre-Bénite.

Si le rapport a été diffusé sur internet par les mairies concernées, les parents n'ont pas été informés de son contenu. Pourtant, le laboratoire à l'origine des analyses y recommande "de poursuivre les investigations et d’évaluer les risques en considérant en particulier les usages, les cibles et les voies d’exposition pour chaque site", et également "de se rapprocher des autorités compétentes afin de leur demander leur avis sur la conduite à tenir".

Des analyses aux frais de la commune 

"On attend toujours", répond amèrement la maire d’Irginy, Blandine Freyer qui a participé à l’automne dernier à ces analyses indépendantes : "je me suis retournée vers les services de l'Etat pour savoir ce qu'il fallait faire, comme il n'y a pas de cadre règlementaire, tout ce qu'ils nous ont dit c'est qu'on ne fermait pas l'école, on ne fermait pas le stade. Mais en revanche personne ne creuse plus, on se sent vraiment seuls..." 

On a attendu et attendu... Qu'est-ce qu'il faut faire ? Est-ce qu'on va plus loin ? Je ne suis pas technicienne, j'attends une aide extérieure

Blandine Freyer, maire d'Irigny (Divers centre)

Depuis le début du scandale sanitaire, l’entreprise Arkema, située à moins de 4km de l’école d’Irigny, est dans le collimateur des autorités. Difficile d'affirmer que l'entreprise est responsable de la pollution du sol du groupe scolaire, mais les molécules quantifiées sont les mêmes que celles utilisées par l'industriel dans le passé.  

Ce sont aussi les mêmes que celles qui ont été retrouvées dans le sol du stade du Brotillon, à proximité immédiate de l'usine et qui a avait été fermé pendant plusieurs jours à la suite des révélations journalistiques.

Des points de comparaison en Europe 

Les taux de PFAS retrouvés à Irigny dépassent par ailleurs les valeurs de référence au Danemark, qui permettent de garantir que l’accès libre au sol pour certains usages, notamment des jardins d’enfants, soit sans danger pour la santé. Elles sont également trois fois supérieures aux valeurs de référence du Pays-Bas et cinq fois supérieures à celles d'Hawaï.

Pour comparaison, à Anvers, en Belgique, où le scandale 3M a fait beaucoup de bruit et forcé les pouvoirs publics à légiférer, les sols contenaient en moyenne 70 μg de PFAS par kilo. 

Pour le professeur Jacob De Boer, qui étudie la toxicité de ces molécules : "les niveaux retrouvés à Irigny sont sérieusement élevés, et c'est d'autant plus étonnant que cela soit dans le sol d'un jardin d'école. Je ne sais pas quel est l'âge de ces enfants, mais s'ils sont petits, le risque c'est le contact main-bouche".   

Les molécules détectées en plus grande quantités sont le PFUnA et surtout, le PFNA. Un composé moins étudié que le PFOA mais qui reste l'un des perfluorés considérés comme les plus dangereux au niveau européen. Il est surtout connu pour affecter le système immunitaire. 

"Les enfants sont plus vulnérables à ces substances tout simplement parce qu'ils sont toujours en développement et plus exposés aux doses toxiques car ils sont plus légers. A ce niveau d'exposition, le risque principal c'est  l'impact sur l'immunité, sur les défenses de notre corps. Cela veut juste dire que les enfants seront moins protégés par les vaccins. Et plus le taux d'exposition est élevé, plus le risque est grand d'attraper toutes sortes de maladies " 

Je recommande que les petits enfants soient tenus à l'écart de ce jardin dans l'école et les œufs contaminés ne doivent vraiment pas être consommés

Jacob De Boer, professeur de chimie environnementale et toxicologie à l'Université libre d'Amsterdam

Sollicités par notre rédaction, les pouvoirs publics préfèrent attendre les résultats de leurs propres prélèvements avant de commenter. Ils devraient être publiés courant février. En attendant, la commune d’Irigny a décidé de faire procéder à de nouvelles analyses sur les œufs de particuliers de la commune.  

Samedi 4 février, la première manifestation contre la pollution aux PFAS aura lieu place Bellecour, à Lyon à partir de 10h30.

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