Jérôme est un commercial d'un genre un peu particulier. Il vend du matériel d'hygiène aux travailleuses du sexe. Mais pas seulement. Au fil des décennies, il est devenu leur confident, leur ami, celui qui crée du lien. Dans son film "Le capotier de ces dames", la réalisatrice Véronique Lhorme l'a suivi dans ses tournées. Un road movie sur les routes de Lyon et alentours et des rencontres poignantes.
Il dit de lui qu'il est comme les épiciers ambulants. Utile et humain dans le service rendu. Sauf que lui ne fait pas dans l'alimentation. Seulement dans les produits d'hygiène : rouleaux de papiers pour matelas, gels intimes et préservatifs. Ses clientes sont des travailleuses du sexe (des TDS). Lui, c'est Jérôme, l'unique "capotier" de France. D'ailleurs le mot "capotier" n'existe pas. C'est un de ses fils qui lui a soufflé le mot. Un joli mot pour un drôle de métier.
Jérôme est devenu "capotier" un peu par hasard. De son premier job dans le social, il a gardé la bienveillance et l'écoute. Les filles l'appellent affectueusement " Jérôme chéri" et lui connaît le prénom et le parcours de chacune.
Avec moi elles peuvent parler...
Jérôme, le capotier
"Quand elles me voient arriver, elles sont contentes parce qu'avec moi elles peuvent parler. Pour la plupart d'entre elles, venues de loin, Afrique, Amérique du Sud, les familles restées au pays ne savent pas ce qu'elles font en France. Quant aux clients... ce sont des clients. Moi, je les écoute et dans la mesure du possible, je les aide. Elles savent que je fais aussi le lien avec les associations. Avec moi, on parle de tout. J'ai une place à part et quand j'arrive elles ont le sourire !"
Les journées de Jérôme se suivent et se ressemblent : la nuit dans les rues de la ville, le jour sur les départementales. Il fait le tour des camionnettes avec la sienne et s'assure que tout va bien. " Il aide beaucoup les filles, notamment pour leur santé, dit Maria. Parce qu'elles ont honte d'aller à la pharmacie demander une boîte de 144 capotes."
Il y aurait en France entre 30 000 et 50 000 travailleurs du sexe. Des femmes pour la plupart, âgées de 25 à 44 ans. On en croise quelques-unes dans le film. Des indépendantes. Elles travaillent en camionnettes ou via les réseaux sociaux avec pour moteur, l'argent. Celui qu'elles envoient au pays pour aider les familles, payer les études de leurs enfants et vivre en France. Élisa, escort-girl a commencé à se prostituer à 18 ans parce qu'elle avait faim. Elle continue par choix. Comme Léa elle aussi, escort-girl qui confie : " Quand j'ai besoin d'argent, je travaille. Ce n'est pas de l'argent facile mais c'est de l'argent rapide".
Ces femmes sont des invisibles parce que la société ne veut pas les voir.
Véronique Lhorme, réalisatrice
Les femmes aux camionnettes rencontrées par la réalisatrice ne semblent pas avoir les mêmes conditions de travail. Elles aussi sont indépendantes. Elles n'appartiennent à aucun réseau. Elles se sont retrouvées à Lyon parce qu'elles connaissaient des filles qui connaissaient des filles etc. Certaines n'ont pas de papier. " Ce sont des invisibles, dit Véronique Lhorme, la réalisatrice. Invisibles parce que la société ne veut pas les voir. Avant de faire ce film, j'avais le regard basique de celle qui ne connaît rien à ce milieu. Mon regard a changé. Je n'ai rencontré que des femmes fortes et courageuses qui travaillent pour nourrir leurs familles. Elles exercent dans les paradoxes de la loi française ." ( Pour mémoire, le travail du sexe est légal en France. Ce sont les clients qui sont pénalisés).
Jérôme le capotier a pris sa retraite. C'est un autre Jérôme qui le remplace pour le compte d'une association. Mais on ne se sépare ainsi de ses clientes devenues amies. Alors, régulièrement l'ancien capotier va saluer les filles.
" Le capotier de ces dames " de Véronique Lhorme coproduit par France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et Nomade productions est à découvrir le jeudi 14 mars à 22h45 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes dans la case documentaire La France en Vrai et sur france.tv