Sexisme et violences, les zones rurales ne sont pas épargnées. Dans les monts du Lyonnais, un collectif entend le faire savoir à grand renfort de collages féministes. Ces militantes opèrent la nuit, à visage découvert, pour faire passer des messages chocs qui invitent à la réflexion et au changement des mentalités.
"Ras la cup", "protégeons les zones humides", "On veut des droits, pas des droites". Des slogans qui claquent et qui bousculent. Ce n'est qu'un petit exemple des mots percutants qui s'affichent régulièrement, mais nuitamment, sur les murs des petites communes des monts du Lyonnais. Des affichages sauvages au gré des humeurs, des coups de gueule des militantes, mais aussi de l'actualité. L'objectif étant de faire prendre conscience au grand public que les violences faites aux femmes concernent tout le monde, et partout. Les zones rurales ne sont pas épargnées.
Collages militants
Ces messages ont un ton revendicatif, parfois volontairement provocateurs. De temps en temps à double sens. Tous viennent à chaque fois appuyer un constat, celui des violences faites aux femmes et aux minorités de genre. Intolérables pour les militantes des "Collages des monts du Lyonnais". Le jeune collectif compte aujourd'hui une quinzaine de femmes, âgées de 25 à 35 ans. Il s'est constitué au début de l'été 2021.
Ce collectif s'exprime notamment au travers de collages sauvages réalisés de manière anonyme dans l'espace public. Ces mots sont étalés en lettres capitales sur les murs de différentes communes des monts du Lyonnais, autour de Saint-Symphorien sur Coise ou encore de Saint-Martin-en-Haut. Leur rayon d'action englobe une trentaine de petites communes, à cheval sur la Loire et le Rhône. Ces collages militants de papier sont ensuite pris en photo et publiés sur les réseaux sociaux. Dans les clichés, le collectif a pris le parti esthétique du noir et blanc. "Ces collages, c'est un moyen de s'exprimer et de faire entendre sa voix. Mais c'est illégal," indique Coline (* prénom d'emprunt), membre du collectif. Jointe par téléphone, la jeune femme a préféré rester discrète. Si ces collages dans l'espace public sont illégaux, les militantes refusent pour autant de masquer leur visage lors de leurs actions.
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"Éveiller les consciences"
Pourquoi avoir choisi une zone rurale pour cet affichage subversif ? "Parce que les violences sexistes et sexuelles sont partout. Parce que les zones rurales ne sont pas épargnées par les questions de violences et de sexisme. Mais aussi parce qu'il y a moins de moyens d'expressions en campagne, moins de lieux de parole, moins de collectifs féministes", explique Coline.
Ces collages ont vocation à "amener à une réflexion" et à "éveiller les consciences". "C'est un moyen d'expression", martèle la jeune femme. En zones rurales, ces collages passent difficilement inaperçus, mais ils sont la plupart du temps très rapidement décrochés, au grand dam des militantes. "Posés à minuit, décrochés à 6h du matin", ironise Coline. Une suppression systématique alors que certains tags, racistes ou homophobes, peuvent parfois rester plusieurs semaines à la vue de tous. "Tout dépend aussi de l'endroit où sont installés les collages ou les tags. Sur une route départementale, ils ont plus de chance de rester en place plus longtemps," tempère Coline. Une question de réactivité des services techniques des communes.
Le message "On te croit", parle à beaucoup de personnes. Il a été affiché devant un collège et un lycée. Des parents nous avaient dit merci.
Coline (*prénom d'emprunt)Collectif Collages Féministes MDL
Prendre ces collages militants en photos permet de garder une trace de ces actions symboliques. "On ne sait pas forcément ce que les gens pensent de ces messages, mais ils ont le mérite d'ouvrir le débat. Ils permettent à des parents de parler de certains sujets avec leurs enfants", assure-t-elle. La militante explique avoir eu des échos positifs à la suite de collages devant des lycées ou des collèges.
Des chiffres imparables
Ces slogans, qui expriment aussi de la colère ou de l'indignation, entendent dénoncer "une société patriarcale qui tue et qui blesse tous les jours", explique la jeune femme au bout du fil, chiffres à l'appui. "Les chiffres parlent. Il y a un viol toutes les deux minutes, la moitié des femmes ont déjà subi des violences sexuelles", assène-t-elle. Ces chiffres sont largement rendus publics par le collectif "Nous Toutes".
Il y a urgence. Il y a urgence à prendre le problème du sexisme à bras-le-corps. Le sexisme est partout et touche toutes les classes sociales.
Coline (* prénom d'emprunt)Collages Féministes MDL
Certains chiffres sont édifiants : "1 femme sur 6 fait son entrée dans la sexualité par un rapport non consenti et désiré", "dans 91% des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent les agresseurs", assure le collectif #NousToutes sur les réseaux. "Près de 80 % des femmes handicapées sont victimes de violences. Les femmes handicapées sont quatre fois plus susceptibles de subir des violences sexuelles que le reste de la population féminine", dénonce #NousToutes
Des collages du collectif des monts du Lyonnais dénoncent aussi viols et féminicides. "Des femmes meurent tous les jours, des enfants sont victimes d'incestes, des vies sont cassées. Les violences peuvent toucher des enfants, des adultes, mais aussi des personnes âgées", explique Coline qui pointe du doigt violences quotidiennes.
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IVG : rester vigilante
Depuis deux ans et demi, ce groupe de femmes a investi les murs des monts du Lyonnais pour porter des messages féministes. Force est de constater que la galerie photo des "Collages des monts du Lyonnais" s'étoffe sur Instagram au fil du temps et des actions.
Les slogans sont aussi très souvent des réactions à l'actualité et aux scandales qui font régulièrement surface. L'inscription de l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution était l'une des demandes du collectif. "Inscrivons l'IVG dans la constitution" clamait un message de ce collectif en octobre 2022, sur un mur de Chazelles-sur-Lyon.
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Elles ont fini par être entendues. Une satisfaction pour ces activistes rurales ? "C'est une avancée, une belle victoire, mais il ne faut pas s'arrêter là. Ce n'est pas fini. Il faut continuer à apporter du soutien au Planning familial, aux associations de femmes, et plus globalement des moyens à la Sécurité sociale et aux hôpitaux", déclare Coline. La question de l'accès à l'IVG reste posée pour ces militantes. La vigilance reste de rigueur sur cette question aussi.
Pour cette journée du 8 mars, ces militantes des monts du Lyonnais, vont-elles se livrer à un nouveau collage ? Le mystère est entier à l'heure de la rédaction de cet article.