"Si l'aidant flanche, le maintien à domicile n'est plus possible" prévient Henri de Rohan-Chabot, de la Fondation France Répit

Henri de Rohan-Chabot a perdu sa fille, âgée de 16 ans, après une maladie grave. Il a décidé de mettre son expérience à profit pour mener des actions en soutien des personnes qui accompagnent les proches malades, handicapés ou âgés. Dans ses combats, la création de maisons du répit dans toute la France

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Ils et elles sont de plus en plus nombreux en France –environ 10 millions- et un peu moins ignorés qu’avant. On les appelle les aidants. Ce sont ces personnes qui soutiennent, quotidiennement, un proche, soit en situation de handicap, malade, ou tout simplement d’une personne âgée.

Henri de Rohan-Chabot est co-fondateur et délégué général de la Fondation France Répit, dont le but est d'apporter du soutien aux aidants. Son engagement personnel est lié à une expérience douloureuse, qui a frappé sa famille.

Avec des racines familiales ancrées en Bretagne, Henri a passé son enfance dans le Morbihan. « C’est un endroit où je me sens bien, où j’ai de très bons souvenirs d’enfance. » Issu d’une illustre famille de militaires, il s’est ensuite implanté dans la région Rhône-Alpes pour y fonder une agence de communication, basée à Lyon.

Devenir aidant sans le savoir

En 2006, un coup de massue vient assommer le destin de ce papa de quatre enfants. Sa fille Jeanne, âgée de 12 ans, se voit diagnostiquer une tumeur cérébrale. « C’est d’abord la vie qui bascule. On n’est pas préparé à ces événements de vie qui surviennent brutalement alors que rien ne le laisse penser. Il y a d’abord le tsunami de cette nouvelle terrible qui est difficile à intégrer. Cette maladie grave, qui n’est pas une maladie d’enfant, s’était présentée avec un diagnostic peu favorable. » Très vite, c’est la nécessité de se battre qui prend le dessus. C’est ainsi qu’il devient un aidant. « Oui, mais sans le savoir. Comme la plupart des gens qui s’occupe d’un de leurs proches. On est d’abord son parent. Et on a du mal à se rendre compte qu’au-delà du lien affectif, on est aussi un aidant. »

Aidant… On le devient sans doute naturellement. « L’aide à un proche est quelque chose de très naturel. Et, en même temps c’est une sorte d’obligation. On est entre la contribution volontaire et une forme d’obligation », analyse-t-il. « Cela survient pour différentes raisons. Cela peut aussi se produire à l’occasion d’un accident de voiture, ou cardiaque, avec des séquelles importantes. Beaucoup de personnes accompagnent leur conjoint âgé. Et de nombreux adultes le font pour leurs parents âgés, dont le nombre ne fait que croître, en France. Tout cela peut aussi bouleverser la vie. »

une fatigue difficile à évaluer par les aidants eux-mêmes

Le quotidien d’un aidant est très variable, en fonction de la situation ou de la pathologie de la personne accompagnée. Cela peut aller de quelques heures dans la semaine pour accomplir quelques taches ménagères, ou faire les courses… jusqu’à une surveillance- et donc une présence- permanente, 24 heures sur 24. « Cela peut devenir très usant pour les aidants. C’est une fatigue difficile à évaluer par les aidants eux-mêmes. Lorsque l’on est engagé au service de son proche, on a un peu tendance à s’oublier soi-même. Avec le cumul de fatigue, les inquiétudes génèrent des troubles psychiques. Il est vrai qu’au bout de quelques temps, beaucoup d’aidants craquent, parce qu’ils n’ont pas été suffisamment accompagnés. »

Les travaux de recherche développés par la Fondation France Répit montrent qu’environ 20% des aidants, soit environ 2 millions de personnes en France- consacrent plus de 50 heures par semaine à leur proche. « C’est au-delà d’un temps plein, qu’il faut assumer avec beaucoup de système D. Même si, heureusement, les aidants sont mieux reconnus par la société aujourd’hui. Beaucoup de dispositifs commencent à se mettre en place, pour leur donner du répit régulièrement.»

Ce qui est ennuyeux, ce n’est pas de s’épuiser. C’est qu’il n’y ait pas de solution pour pouvoir souffler

De son expérience personnelle, notre interlocuteur reconnaît qu’il n’avait pas vraiment conscience de toute cette fatigue, lorsqu’il s’agissait de soutenir sa fille. « Nous étions des parents-aidants, simplement focalisés dans le prendre-soin, et essayant surtout de rester debout. Dans ces moments, on a tendance à ne pas s’écouter. On donne le meilleur de soi. C’est comme ça. Ce qui est ennuyeux, ce n’est pas de s’épuiser. C’est qu’il n’y ait pas de solution pour pouvoir souffler. C’est là-dessus qu’il faut travailler », insiste-t-il.

Création de la première maison du répit à Lyon

Lorsque sa famille a besoin de souffler, c’est dans le Morvan que Henri de Rohan-Chabot passe un moment avec les siens. « Le mot répit vient du verbe respirer. La difficulté des aidants provient du fait que leurs tâches s’enchainent en permanence sans répit. » Malheureusement, ni son investissement ni ces éventuels moments pour souffler, n’ont empêché la disparition de Jeanne, en 2010 à l’âge de 16 ans.  Après cette expérience très difficile, il quitte son entreprise et décide, avec des médecins du centre Léon Berard, et des Hospices civils de Lyon, de fonder la Fondation France Répit. « Et surtout de créer une maison du répit, qui, à l’époque, était un concept inédit. »

L’aidant n’a plus que des bons moments à passer avec son proche

Dans cette maison deux modalités sont proposées. « Soit les aidants nous confient leur proche malade ou handicapé et récupère du temps pour souffler au domicile, pour prendre des vacances, dormir. Soit les aidants viennent avec la personne qu’ils accompagnent pour un séjour plus familial. Les professionnels de santé interviennent pour les soins. L’aidant n’a plus que des bons moments à passer avec son proche. Et on profite de ces temps pour faire le point sur leur situation. Voir ce que l’on peut faire pour que ce qui a conduit à l’épuisement à la maison puisse être amélioré. »

Le financement de cette institution privée, qui est une première en France, est assuré par des fonds publics. « Nous avons assuré l’investissement de cette maison médico-social grâce à des mécènes, et en particulier l’Institut Mérieux. C’est l’Agence régionale de santé et la Sécurité sociale qui en gèrent le fonctionnement.»

Intervenir auprès des pouvoirs publics

Ce sera donc l’un des rôles de cette fondation France Répit. Créer des maisons de répit dans toutes les régions, comme elle existe déjà à Lyon et bientôt à Paris. « On a aussi des activités plus scientifiques. De la recherche, de l’enseignement universitaire et des congrès. Enfin, nous intervenons auprès des autorités de santé, des pouvoirs publics et politiques afin que cette question du répit des aidants soit mieux reconnu», explique son fondateur.

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"Vous êtes formidables" en Aura ©présenté par Alain Fauritte

Parmi les difficultés croissantes affrontées par les aidants, la hausse du nombre de maladies neurovégétatives. Face à ce défi, Henri de Rohan-Chabot estime que l’Etat a bien saisi l’enjeu. « C’est assez récent. Nous avons en France une stratégie nationale « Agir pour les aidants » avec une politique publique dédiée. On compte dans ce pays 1,5 million de personnes âgées de plus de 85 ans. Dans trente ans, elles seront un total de 5 millions. Il va falloir gérer ces situations de perte d’autonomie et les ehpads ne pourront pas accueillir tout le monde. » Selon notre interlocuteur, c’est donc au domicile que les gens vont rester. « Cela veut dire qu’il faudra des aidants pour les soutenir. La condition, c’est d’organiser un soutien à ces aidants. »

On compte dans ce pays 1,5 million de personnes âgées de plus de 85 ans. Dans trente ans, elles seront un total de 5 millions

En 2015, la Fondation a créé un diplôme universitaire pour former les professionnels à l’accompagnement des aidants. « Les soignants ont l’habitude de s’occuper de la maladie et de s’adresser aux patients. Alors que, dans ces situations de soins à domicile, on a tout intérêt à avoir une approche plus globale. C’est-à-dire une dimension à la fois thérapeutique pour le patient, sans négliger que l’aidant est un élément important du dispositif. Et que, si ce dernier flanche, il n’y a plus de maintien possible à domicile. Il faut donc décentrer son regard sur ces situations», avertit Henri de Rohan Chabot.

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