Témoignage - Gilets jaunes : les parents de N., blessé à la mâchoire à Lyon dénoncent des violences policières

EXCLUSIF. N., 16 ans, a été gravement blessé à la mâchoire samedi 7 mars, lors des heurts entre CRS et gilets jaunes place Bellecour. Ses parents ont déposé plainte. Ils ont accepté de témoigner pour France 3 Rhône-Alpes. L'opération a eu lieu lundi 9 mars.

Place Bellecour, samedi 7 mars vers 14h., des heurts éclatent très rapidement entre des groupes de gilets jaunes, des black blocs, des casseurs et des CRS qui ont utilisé leur canon à eau et beaucoup de gaz lacrymogène.
 

"Tout le monde est menacé en étant juste dans la rue"


N. est un jeune militant écologiste, membre de "Youth for Climate" à Lyon. Il participe aux marches pour le climat depuis le début de ce mouvement. Ce samedi, il se retrouve gravement blessé à la mâchoire, à priori à cause d'un tir de LBD.

Il se faisait appeller Lucas ce week-end et jusqu'à ce lundi matin, par souci d'anonymat. Mais après réflexion il préfère que les médias donnent la première lettre de son vrai prénom, nous l'appellerons donc N. à sa demande.

Sa mère a publié quelques photos dans la soirée de samedi 7 mars sur les réseaux sociaux, pour montrer les blessures de son fils. "Mon fils ne faisait rien, il était seulement présent. Ces tirs sont tout autant disproportionnés et inexcusables" nous a-t-elle confié. "Il va assez bien mais reste très choqué. Aujourd'hui, tout le monde est menacé en étant juste dans la rue" nous dit-elle.
 
 

Un jeune homme très engagé


Le jeune lycéen est membre de l'association écologiste "Youth for Climate", avec qui il a participé aux premières manifestations pour le climat dans les rues lyonnaises. Il était présent à cette manifestation de gilets jaunes "à titre personnel", avec une amie et d'autres militants. Selon sa famille, le jeune lycéen, engagé, s'intéresse de très près à toutes les questions sociétales: les retraites, la réforme du bac etc. Pour lui, la cause du climat est directement liée aux grandes causes sociétales.
 

"Une balle de LBD me frappe sur la joue droite"


N. a envoyé un courriel au journaliste David Dufresne, spécialisé dans les violences policières.

Il raconte la scène: "Deux policiers ont un LBD 40. Celui à côté de la pharmacie vise la tête des manifestants, dont moi et mon amie plusieurs fois. Il le pointe aussi du doigt. Les sommations sont faites, des jets de projectiles arrivent sur les policiers. Je commence à reculer avec mon amie, et alors que je me tournais pour partir, une balle de LBD me frappe sur la joue droite (...). Il devait y avoir 15 mètres de distance entre moi et le policier. Il m'a vidé délibérément. Ce n'est pas un tir raté. Il n'y avait personne devant moi. Je n'avais rien fait à part être présent (...). Quand les pompiers arrivent, je suis obligé de traverser toute la place pour aller jusqu'aux pompiers car les policiers ne les laissaient pas passer le cordon qu'ils avaient formé (...). Le policier qui a tiré ne portait pas de RIO ou alors il était caché car les journalistes présents n'ont rien vu".

 

"Il s'est fait tirer dessus"


Le père de N. nous a confirmé ces éléments, en fonction des premiers témoignages qu'il a pu recueillir :
"Très rapidement, il y a eu beaucoup de gaz lacrymogène envoyé vers les manifestants. N. a été tellement gazé qu'il s'est dit c'est dangereux, et il a voulu partir en faisant demi-tour. C'est à ce moment là qu'il s'est fait tirer dessus. Les gazs empêchaient de bien voir. Mais il a vu, avant, des policiers ou des CRS mettre en joue, à hauteur du visage, lui-même et d'autres manifestants, pas du tout en-dessous du torse. Il n'a rien fait d'illégal ou de dangereux, il n'a rien jeté."
 

Une grosse fracture de la mâchoire


N. a été opéré lundi 9 mars au matin. Selon son père, "il n'articule que quelques mots, et il est très vite fatigué. Il est encore choqué, et très en colère d'être venu manifester pacifiquement et d'avoir pris ce tir. Il va avoir des plaques plusieurs mois à la mâchoire. On espère qu'il n'y aura pas d'autres surprises. Il va s'alimenter avec une paille plusieurs semaines."
 

Une plainte déposée, l'IGPN saisie


Des policiers sont venus à l'hôpital samedi soir pour proposer aux parents de N. de déposer plainte, ce qui a été fait: "on est choqués de vivre dans un pays où l'on peut mutiler des gens, leur tirer dessus, juste parce qu'ils sont présents à une manifestation." Selon son père, qui a recueilli plusieurs témoignages lui aussi, les pompiers auraient bien été bloqués par les policiers pour porter secours à N. Ce sont des street-médics (des secouristes de manifestations) qui auraient amené le jeune blessé au camion de pompier.

Une enquête a été ouverte et confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). 
 

D'autres violences policières?


Le parquet a par ailleurs identifié quatre autres blessés sérieux au cours de cette manifestation. Selon nos informations il y aurait, parmi eux, un autre jeune homme blessé place Bellecour, vers 17h. Et un street-médic qui aurait été, lui, gravement blessé à la joue.

Deux banques ont également été dégradées dans une rue piétonne.

Au total, 24 policiers ont été blessés selon la préfecture. Côté manifestants, un "Comité de liaison contre les violences policières" a recensé 20 blessés, en se basant sur des informations de street medics. Sept personnes avaient été interpellées et placées en garde à vue dont deux mineurs. Une garde à vue a été levée pour raison médicale. Les autres se poursuivaient dimanche, précise encore le parquet.

 



 
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