Témoignage. Journée Internationale des droits des femmes : "n'enlevez pas vos culottes", de l'IVG au droit de vote, 3 Lyonnaises reviennent sur leur date clé

Publié le Écrit par Jean-Christophe Adde
partager cet article :

Du droit de vote à l'inscription de l'I.V.G. dans la constitution, les droits des femmes évoluent au fil des années. Des personnalités lyonnaises livrent leurs anecdotes et leurs dates sur ces années de lutte.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

La question est restée la même au fil des recherches. À chaque femme interviewée, une date. "La journée des droits de la femme, c'est le 8 mars. Et vous, vous retiendriez quelle date ?"

Début du XXe siècle : les "suffragettes"

Renée porte bien ses 75 ans, toujours active. Bien connue pour sa gouaille : "oh… Moi, je suis commerçante, je ne sais pas si je suis légitime pour parler de ces sujets. Mais, je dirai que les suffragettes, c'est une bonne chose. Je suis ravie. Mais il reste beaucoup à faire, croyez-moi". Et puis, elle s'arrête. Elle a du travail. "Parlez-moi Saint-Marcellin, là, je prendrai le temps de vous répondre" dit-elle pour conclure en s'excusant.

1944 : le droit de vote

Le 21 avril 1944, une ordonnance accorde le droit de vote pour les femmes en France. Elle sera signée par le Général De Gaulle. Les images retiendront le premier vote, en 1945. Mais, le droit de vote des femmes est un long parcours. Bien avant cette date, les femmes avaient manifesté, au Royaume-Uni notamment, avec les "suffragettes". Il aura fallu convaincre l'opinion, surtout les hommes, et surmonter les obstacles. 

1963 : "un curetage sans anesthésie"

Michelle est gynécologue. Elle pourrait avoir fait valoir son droit à la retraite depuis bien longtemps. Mais elle continue. Elle s'est spécialisée dans l'accompagnement des femmes ménopausées. Elle se souvient de ses débuts à l'Hôtel-Dieu.

Un médecin m'a demandé de procéder à un curetage suite à un avortement mal fait. Il m'a dit de faire l'intervention sans anesthésie parce qu'elle devait payer pour ce qu'elle avait fait. J'ai refusé. Mais quelqu'un d'autre a obéi.

Michelle, gynécologue

"N'enlevez pas vos culottes"

Pendant ces années d'étude, Michelle va délicatement faire changer les mentalités. "Les tables de consultation avec les étriers étaient toutes orientées vers les portes battantes, à la vue de tous. En une nuit, on a inversé toutes les tables, on les a placées devant les fenêtres." Personne n'a remis en cause "le déménagement". Elle a aussi instauré le principe simple, et désormais acquis, du déshabillage dans le cabinet du médecin. "Avant, on plaçait toutes les femmes ensemble en leur demandant d'enlever leurs culottes en attendant la consultation, je leur ai dit : n'enlevez pas vos culottes !".

Son engagement date de cette période. "Je suis une militante de l'ombre". Michelle reste discrète. Discrète, mais efficace.

1966 : première femme à courir un marathon

Sophie est connue sur la place lyonnaise. Elle organise tous les ans "courir pour elles". Une course pour soutenir les femmes atteintes de cancer. Des milliers de femmes courent pour la bonne cause, pour se sentir bien, pour relever le défi. Pour vivre, tout simplement.

Sophie a spontanément pensé à l'année 1966. "La première fois qu'une femme courait un marathon, c'était alors interdit". C'était à Boston, aux États-Unis. Roberta Gibb va participer à la course en mettant au point un stratège. Elle se cache dans un buisson, près de la ligne de départ, elle va attendre que la moitié du peloton passe devant elle avant de s'élancer à son tour. Elle réussira la totalité du parcours, devant un public masculin surpris. "On disait que sur cette distance, les femmes risquaient de perdre leur utérus". Sophie parle aussi des années qui ont suivi : "on a empêché des femmes de courir pour des raisons complètement stupides." Fervente militante, elle invite toutes les femmes à la rejoindre le 8 mars sur la place Bellecour pour "danser pour elles" à partir de 18 heures.

1974 : "pas de boogie-woogie avant la prière du soir"

Anne n'est pas lyonnaise. Mais elle est venue visiter Lyon. Elle s'étonne devant la fresque des Lyonnais :"je ne savais qu'il y avait autant de femmes lyonnaises célèbres". Née un hiver 54, elle a à peine 20 ans quand elle se marie. "Il fallait être marié pour faire l'amour. La vie en couple sans être marié, c'était impossible". Pour elle, la grande avancée dans les droits, c'est l'accès à la contraception. Là encore, pas de mariage, pas de pilule. "On se débrouillait" ajoute-t-elle.

La religion avait beaucoup de poids, elle a perdu de son influence et libéré des tabous. Porter le pantalon, par exemple, c'était impensable. Les lois sur le mariage ont fait bouger les choses. J'avais un chéquier à mon nom.

Anne

 En 1967, Brigitte Bardot fait sensation, elle se rend à une invitation de l'Élysée ... en pantalon. 1968 arrive, "les choses évoluent, mais il faudra attendre les années 75-80 pour que l'on commence à voir le changement." Anne le reconnaît, quand elle parle de cette époque avec ses filles, "on a l'impression de parler d'un autre temps, pourtant, on l'a vécu".

1974 : première femme sapeur-pompier

Naïma est médecin colonelle au SDMIS (Service Départemental et Métropolitain d'Incendie et de Secours de Lyon et du Rhône). "Je suis désolée, je pars en intervention. L'urgence, c'est mon quotidien". Et à son retour, elle prend le temps. Issue d'un milieu modeste de la banlieue de Lyon, elle décide très tôt de s'engager. Engagement auprès de ses concitoyens, elle devient médecin. Engagement dans la vie, elle a trois enfants. "Pour moi, il y a deux dates que je retiens : 1875 et 1974". Presque un siècle les sépare. En 1875, Madeleine Brès soutient sa thèse sur l'allaitement. Elle obtient la mention "extrêmement bien", elle devient ainsi la première femme Française docteur en médecine.

Naïma en est admirative : "vous imaginez la volonté de cette femme pour passer les obstacles ?"  Comme elle, Naïma ne s'est pas découragée. "J'aime bien l'idée de ces femmes qui se battent. C'est la preuve qu'il ne faut pas s'arrêter, c'est possible quand on a envie". 

"Ne dites pas pompière"

Elle poursuit en expliquant que sa deuxième date, c'est 1974, Françoise Mabille devient la première femme sapeur-pompier volontaire. "Ne dites pas pompière" insiste Naïma en souriant. Il faudra attendre 1976 et un décret pour que la profession s'ouvre aux femmes.

On disait qu'elles n'avaient pas les capacités physiques. Pourtant, aujourd'hui, on voit bien certaines femmes plus menues que des hommes peuvent se faufiler plus facilement pour aller secourir des victimes.

Naïma, médecin cheffe SDMIS de Lyon et du Rhône

2024 : l'I.V.G. inscrit dans la constitution

La loi Veil en 1975 marque une étape importante pour le droit à l'avortement. Plus récemment, le 4 mars dernier, son principe a été inscrit dans la constitution.

8 mars : pour toutes… et tous

La Journée internationale des droits des femmes a été instaurée par l'O.N.U. en 1977. Mais, au-delà de ce symbole, chaque femme possède son histoire. Chaque année ses misères. Chaque récit ses mystères. Il aura fallu se plonger dans la chronologie des faits, des décrets, des lois et des luttes pour constater que Les droits des femmes s'acquièrent au fil du temps, des modes, des révoltes. L'histoire n'est pas lisse, elle est faite de soubresauts. Elle est émaillée de nuances et d'ombres. Le chemin reste long pour l'équité parfaite.

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité