8 décembre 2020 à Lyon, la Fête des Lumières annulée pour cause de Covid-19, s'est voulue un hommage aux soignants avec des milliers de lumignons. Charylène Sahnoune est infirmière en réanimation au Médipôle de Villeurbanne. Comment traverse-t-elle cette interminable crise sanitaire ? Témoignage.
C'est le rituel de la prise de service : un passage des consignes avec l'équipe soignante de la nuit, et un point sur l'état des malades dont Charylène aura la charge pour la journée. "Petit à petit, il récupère, il lève un tout petit peu la main, c'est tout ce qu'il fait" indique-t-on à l'infirmière de 26 ans. Ce lundi de décembre, la jeune soignante doit s'occuper de trois malades, dont deux Covid+.
Très vite il faut s'habiller, revêtir avec son binôme aide-soignante, les protections d'usage : charlotte, masque, surblouse... "Ça prend du temps, oui... Pour ne pas nous contaminer nous, parce que ça, ça fait flipper", lâche Charylène, de manière toute naturelle.
Au début, très honnêtement, quand on nous a parlé du Covid, j'avais pas pris conscience que c'était quelque chose d'important. Mais on l'a très vite senti venir, quand la réa a commencé à prendre des patients, prendre des patients, et se remplir.
"Faire tout ce qui est en notre pouvoir pour sauver les patients"
Première visite auprès d'un malade. Première porte siglée d'un rectangle rouge. Derrière : un patient Covid. Charylène entre avec énergie, tout en lançant un petit "bonjour, bonjour". Sans attendre de réponse, l'infirmière et l'aide-soignante s'activent. Contrôle des machines, et les premiers soins de la journée. Gestes de toilette. Injection d'anti-coagulant. Le malade est bardé de tuyaux. "La réanimation, c'est prendre en charge un patient dans un état vital et grave. Et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour le sauver, entre guillemets, quand c'est possible."Lundi 6 décembre 2020, le service de réanimation du Médipôle de Villeurbanne compte 16 patients Covid. Un autre est décédé dans la nuit. Mais pour les soignants, il faut faire abstraction. Charylene se présente au malade suivant. Lui parle, lui indique qu'elle est son infirmière du jour. Et lui demande tout simplement si ça va.
"Oui... des fois j'en ai ras-le-bol"
Charylène Sahnoune est mariée depuis octobre 2019. Son mari est préparateur de commandes, travaille de 3h à midi. "C'est un peu compliqué pour se voir. On se croise", confie l'infirmière. Sa passion en dehors du boulot ? Le sport, "ce qui me permet d'échapper un peu au travail et à la pression qu'il y a".La pendule affiche 13h45, l'heure de la pause. Charylène rejoint ses collègues dans la salle commune. Pour se poser. Manger. Et échanger.Des fois, je le dis, que j'ai passé une mauvaise journée. Mais, en fait, on se rattache à tout et n'importe quoi. ça peut être un patient qui va me dire merci. Et je pense que dans ce métier, que ce soit en temps de pandémie ou comme tous les autres jours, et bien, ouais, ça renforce le fait qu'on a envie d'être infirmière, et c'est pourquoi on est là et que l'on se réveille tous les matins.
"Être infirmier, c'est pas facile. Je ne le conseillerais pas forcément..."
Ce métier de soignant, Charylène l'a choisi. En a toujours voulu. "Depuis toute petite, je veux être infirmière. Je me souviens des feuilles d'entrée au CP ou au CE1 et que l'on nous demandait quel métier tu veux faire ? Moi, c'était infirmière. Et pour moi, c'était évident que ce soit la réanimation".
Mais la jeune femme reconnaît que tout le monde n'est peut-être pas armé pour affronter les différentes situations qui se présentent dans un tel service de soins intensifs. "Être infirmier, c'est pas facile. Je le conseillerais peut-être pas forcément, parce qu'on vit des choses difficiles, et je pense que tout le monde ne peut pas faire ce métier"..
Comme une angoisse avec les fêtes de fin d'année
La tournée des malades reprend. "Je pense que l'on peut s'habiller à la lumière de l'éclair". Rires au sein du binôme de soignantes. Dernière visite : "ouvrez les yeux". Charylène poursuit son travail, aide les patients à revenir. L'épidémie de Covid-19, la crise sanitaire peut déjà paraître interminable alors que se profile la perspective d'un déconfinement pour les fêtes de fin d'année.
C'est une fierté d'avoir contribué à cet épisode, qui j'espère, ne va pas durer. Je pense qu'on ne peut pas empêcher Noël, le jour de l'An, et je pense que peut-être on aura une troisième petite vague. Mais je ne la souhaite pas en tous les cas, et j'espère que ce ne sera pas le cas. Mais après... On tient le coup, on n'a pas le choix, on est là pour ça, et puis, on fera ce qu'il faut.
Fin du service, Charylène peut rentrer chez elle. Elle quitte le Médipôle de Villeurbanne, passe devant un sapin de Noël auquel est accroché une boule où est inscrit "Merry Christmas"... Joyeux Noël. C'est tout ce que la jeune soignante peut souhaiter à tous. En attendant, demain, elle remettra le réveil, reprendra le chemin du boulot, et du service réanimation avec ses patients Covid.