Témoignage. Violences entre policiers et manifestants : "à 2 cm près, je perdais mon œil" raconte Clément

Publié le Écrit par Arnaud Jacques

Jeudi 23 mars, Clément se trouve à 10 mètres derrière la tête de la manifestation contre la réforme des retraites à Lyon. Devant lui, des manifestants tirent des projectiles sur la police qui réplique avec une grenade de désencerclement. Clément est touché sous l'œil.

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Six jours après avoir été blessé, Clément ressent du dégoût et de la colère. Pourtant, jeudi 23 mars, il est serein lorsqu'il rejoint une amie vers 11 heures pour la manifestation contre la réforme des retraites. Clément a 22 ans, est étudiant de 3e année en géographie et environnement et compte bien entrer en master. Il n'est pas un habitué des manifestations, mais travailler jusqu'à 64 ans lui est inimaginable. Alors il défile.

Un début de manifestation paisible

Avec son amie, ils partent avec le cortège depuis la Manufacture des tabacs. "Ça s'est bien passé au début" même si "ça commençait déjà à gazer au niveau de Saxe". Le cortège s'engage ensuite sur le pont de la Guillotière, en direction de la place Bellecour. A la sortie du pont, comme à chaque manifestation, la rue de la Barre est bloquée par les forces de l'ordre, échauffant les esprits des manifestants, obligés de passer par la place Antonin Poncet. Clément est à une dizaine de mètres derrière la tête du cortège. Il se souvient que "ça a vraiment chauffé. Des gens ont caillassé des CRS avec des pavés. Il y a eu une première charge des policiers, ils ont ensuite battu en retraite, et il y a eu une deuxième charge et ils ont tiré une grenade de désencerclement avant de battre en retraite." Il n'y a alors pas d'échappatoire selon Clément. "On était coincé, on ne pouvait plus reculer".

Le chaos de la grenade

Clément observe la tête de cortège. "Je vois que ça panique. Il y a un gros flash orange". La grenade explose. Elle projette un éclat de caoutchouc dans la pommette de Clément. "Je tombe. Je touche, c'est rouge. A 2 cm près, je perdais mon œil". Des street medics (secouristes dans les manifestations) accourent. Ils accompagnent Clément à l'écart de la manifestation. "Ils m'ont mis de la glace. Mon œil s’ouvrait. Ils m’ont laissé car il y avait beaucoup de blessés."  Un street medic nous a confirmé qu'ils avaient aidé une vingtaine de blessés et qu'il n'y en avait pas eu autant depuis le début des contestations contre la réforme des retraites à Lyon.

Choqué mais déterminé à manifester

Aujourd'hui, Clément est amer et ne comprend pas. "Je suis loin d’être contre les policiers qui font leur boulot mais ils sont équipés, armés et pas nous. Quand je vois le gouvernement qui donne des messages de soutien aux forces de l'ordre et aucun message pour les manifestants, je suis dégoûté." Il avait pour seule protection un masque chirurgical contre les gaz lacrymogènes. "Je n'avais ni masque de ski, ni lunette car je ne pensais pas que ça pouvait m'arriver".

Lors de l'examen clinique de Clément, le médecin a constaté un état de choc, une "lésion de brûlure de 2cm de diamètre", un œdème périorbitaire, une hémorragie sous-conjonctivale et une contusion rétinienne. Clément doit se présenter aux urgences en cas de trouble ou de tâches blanches dans son champ de vision. Le médecin lui a fixé une ITT de 10 jours.

Malgré le choc et sa blessure, Clément est retourné manifester mardi, avec son père. "La justice sociale, c'est une cause qui me tient à cœur. Tant que le peuple ne sera pas écouté, j’irai."

L'étudiant compte aller porter plainte en espérant que l'IGPN ouvre une enquête.

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