Après les émeutes de juillet, certaines boutiques du 2ème arrondissement de Lyon connaissent de nouvelles dégradations et des tentatives de vol à répétition. Particulièrement touchés, les commerçants de la rue de la Charité, à côté de la gare de Perrache, attendent une réaction des autorités.
Une fin d'année sans sérénité pour les commerçants du quartier. Le phénomène n'est pas nouveau, mais en ces derniers jours de 2023, les cas se seraient multipliés : depuis septembre, la petite délinquance s'attaque aux commerces de proximité de l'hypercentre. Fabrice Bonnot, président de l'association commerçante "Charité-Bellecour" peine à cacher son agacement : " Nous avons des vols en pleine journée, dans la nuit, parfois à plusieurs, des attaques au couteau, des personnes qui se font renverser dans la rue violemment."
Serrures forcées, voitures fouillées
À la franchise de la maison Mons, on ne veut pas en faire tout un fromage : sur deux tentatives d'intrusion, rien n'a pu être dérobé. " Cela devient pénible de travailler", ironise malgré tout nerveusement Séverine Tisserand, son affineuse en chef. Surtout quand les tentatives d'effraction engendrent des frais inutiles. Et Xavier Maucourt de surenchérir : "On a des dégradations continuelles, tous les jours. Cela devient très inquiétant." L'architecte a reçu cette année un cadeau de Noël dont il se serait bien passé : une serrure à changer. Dans la nuit du 25 au 26 décembre, le verrou de son agence a été arraché, la seule trace du passage des malfaiteurs.
Sa voisine quant à elle aura eu moins de chance trois nuits plus tôt, au 70, rue de la Charité. Même mode opératoire et 800 euros de préjudice pour la marchande de livres. "Les cambrioleurs ont agi très rapidement. Il y avait le fond de caisse, plus les espèces de la veille que je n'avais pas eu le temps de déposer à la banque", se remémore, désabusée, Morgane Le Brise, gérante de la librairie Adrienne.
Beaucoup de portes abîmées, mais pas seulement, rappelle Fabrice Bonnot. "Ils passent par les toits : par n'importe quelle ouverture, ils essayent de rentrer." Désormais, tous les corps de métier sont concernés. "Les restaurants, les salons de coiffure, ce sont des commerces qui n'étaient pas du tout visés jusqu'à présent", analyse le chef gastronomique. Mais les magasins ne constituent pas l'unique cible des malfaiteurs. Lili*, une consœur restauratrice, n'a pas eu à attendre le petit matin pour découvrir la mauvaise surprise qui l'attendait, à la nuit tombée.
La commerçante s'affaire aux dernières tâches de la journée, en ce vendredi de fin novembre. "Le dernier client venait de partir, le temps de ranger, nettoyer, tout éteindre et fermer... Une fois dehors, je vois ma voiture grande ouverte. Au début, je ne pensais pas que c'était la mienne. Un homme était en train de fouiller", se remémore-t-elle, médusée.
"Je lui demande alors : qu'est-ce que vous faites dans ma voiture ? Il se met à courir." Le voleur en oublie un "gros gant de ski", laissé sur le siège passager, et se fait rattraper par le mari de Lili. Sa femme nous rejoue la scène : "Je n’ai rien fait, je n'ai rien fait ! Alors comment votre gant s'est retrouvé dans ma voiture ?" Ce soir-là, l'histoire s'arrête ici et le larron d'une cinquantaine d'années, pris sur le fait, ne sera pas confronté. "Il était tard, nous étions très fatigués. Je n'avais pas envie d'appeler la police et d'attendre des heures."
La police municipale en " manque criant d'effectifs"
En rénovation, le commissariat de la rue de la Charité est fermé depuis mai 2022. Sinon Lili nous l'assure, elle aurait porté plainte et ramené le contrevenant au poste. "On a hâte qu'il rouvre", poursuit Fabrice Bonnot. En journée, les commerçants s'alertent au besoin dans une boucle WhatsApp pour signaler au plus vite les incidents aux forces de l'ordre.
Jean-Stéphane Chaillet, premier adjoint (LR) au maire du 2ᵉ arrondissement, chargé de la sécurité, assure réclamer "sans cesse" à Mohamed Chihi, son homologue à la mairie centrale, des policiers municipaux supplémentaires. "Rien que pour notre arrondissement, sur le papier, il y a quinze agents. En réalité, nous n'en avons que six ou sept : la moitié au poste et les trois autres qui tournent sur le terrain."
Un renforcement des patrouilles devrait être mis en place dans les prochains jours. Selon nos informations, la municipalité lyonnaise n'aurait toujours pas pourvu 73 postes d'agents municipaux sur les 365 de l'effectif cible prévu pour l'ensemble des arrondissements. Il en manquerait une quarantaine de plus, à en croire Jean-Stéphane Chaillet.
L'élu estime que l'installation de caméras de vidéoprotection pourrait changer la donne et faciliter le travail des forces de l'ordre. "Il va falloir que Grégory Doucet, le maire de Lyon, prenne à bras-le-corps ce problème d'insécurité du quotidien, de proximité." La préfecture a de son côté reçu les commerçants, il y a trois semaines, mais en ce week-end prolongé de la Saint-Sylvestre, le poumon économique du centre-ville redoute toujours d'être le dindon de la farce.
* Par souci d'anonymat, le prénom a été modifié.