A Lyon au théâtre des Célestins, le metteur en scène Michel Raskine adapte le texte de Laurent Mauvignier, "Ce que j’appelle oubli". L’histoire est tirée d’un fait divers qui avait marqué les esprits en 2009. La mort d’un jeune homme étouffé par quatre vigiles dans une grande surface.
Le fait divers avait particulièrement choqué en décembre 2009 à Lyon. Un jeune homme de 25 ans est mort dans les réserves du Carrefour de la Part Dieu, étouffé par quatre vigiles. Son crime, avoir ouvert et bu une canette de bière dans les rayons du magasin. Voilà c’est tout. Toute l’histoire dont s’était emparé l’écrivain Laurent Mauvignier deux ans plus tard, dans un court texte de 60 pages, d’un seul tenant, d’un seul souffle, d’un seul dernier souffle.
le vrai scandale, ce n'est pas la mort, c'est juste qu'il n'aurait pas fallu mourir pour ça, une canette, pour rien
Laurent MauvignierCe que j'appelle oubli
Pour la version scénique, les deux personnages entrent comme par effraction dans le jeu, en courant. Le comédien prend le texte au vol. Pas de préambule. « Mourir pour une canette de bière ce n’est pas acceptable ». Le narrateur reprend en ouverture les propos du procureur de l’époque. Et l’histoire se met en place. Le récit s’adresse au frère de la victime. Il donne chair à cette personne sans relief. Un jeune homme qui lorsqu’il entre dans la grande surface ne sait pas encore ce qu’il vient y faire. Il a peu de ressources, mais il vit de quelques petits contrats, loge dans un foyer. Des parents, un frère, des amis, un procureur se croisent dans cette histoire. L’acharnement des vigiles. L’absence de raisonnement de leur part. La peur du jeune homme, puis le retournement de la peur. Face au cadavre, elle gagne la conscience de l’un ou l’autre tortionnaire.
Un monologue percussif
Monologue ponctué par les interventions sonores d’un percussionniste. Il se sert à la fois d’une caisse claire, d’un disque métallique et de tout accessoire de décor ou des corps présents sur le plateau. On reconnait la sobriété et l’efficacité des choix de Michel Raskine dans la mise en place de l’espace de jeu. Son souci de bien faire entendre le texte passe par cette économie de décor. Un portique roulant auquel sont suspendus des lattes de plastiques signifie l’accès à la réserve de la grande surface, une lampe verte « sortie » y est accrochée,… sortie définitive pour la victime. Tout autour du plateau des canettes de bière froissées. Plus en avant une canette collée là bien droite objet de tous les malheurs. Celle sur laquelle le percussionniste frappe et frappe encore. Suivez sa baguette, métaphore des coups de poings sur le jeune homme.
Michel Raskine explique qu’il a choisi ce texte pour eux, ses deux interprètes. Thomas Rortais, comédien fidèle et talentueux des spectacles du metteur en scène lyonnais. Louis Domallain, jeune percussionniste issu du CNSMD de Lyon tout en à-propos sonore. Le duo fraternel donne au texte et à la mise en scène, un air chorégraphique. Une danse de la mort autour d’une vie minuscule.
CE QUE J'APPELLE OUBLI de Laurent Mauvignier, mise en scène Michel Raskine. Avec Thomas Rortais et Louis Domallain. Au théâtre des Célestins (Lyon) jusqu’au 6 février.