La réunion publique qui s'est tenue lundi soir à l'Espace Tonkin, a rassemblé près de 400 personnes. Cédric Van Styvendael est allé à la rencontre des riverains pour faire le point sur les actions engagées et les difficultés rencontrées. Un nouveau rendez-vous avec les habitants du Tonkin est prévu dans six mois.
Un quartier gangréné par le trafic de drogue, des fusillades en pleine journée à proximité d'écoles. Les habitants du Tonkin à Villeurbanne sont excédés. Une réunion publique s'est tenue lundi soir, 27 novembre, à l'initiative de la mairie. Dans la salle, pleine à craquer, certains sont venus pour demander des comptes, d'autres pour écouter. Dans l'assemblée, certains sont aussi venus exprimer leur refus de voir le Tonkin tomber aux mains des dealers de drogue. Tous réclament aujourd'hui des actions concrètes de la part des pouvoirs publics.
Colère et angoisse
Quid dans six mois ? Combien de points de deal seront fermés ? L'angoisse des riverains est palpable et les questions dans l'assemblée sont concrètes.
Au début du mois de novembre, trois fusillades en moins d'une semaine ont éclaté près d'une école élémentaire, dont deux en pleine journée. Leur point commun : le trafic de drogue. Comme il l'avait annoncé le 10 novembre dernier, le maire de Villeurbanne est allé ce lundi soir à la rencontre des riverains pour parler des actions engagées en matière de sécurité au Tonkin.
Cédric Van Styvendael a aussi voulu jouer la transparence en évoquant les difficultés rencontrées sur le terrain pour faire obstacle aux divers trafics qui ont fleuri dans le quartier des dernières années. À ses côtés, il a réuni l'adjoint à la sécurité, la préfète déléguée à la sécurité du Rhône, mais aussi le directeur académique du département et le commissaire, chef de la sûreté de la division Est.
Ici tout le monde s'exprime, mais ça fait cinq ans que ça dure. La drogue prend de plus en plus de place dans notre quartier. Ce qui est regrettable, c'est voir des jeunes, des adolescents de 13 ans dealer en bas de nos immeubles", explique en aparté une habitante du Tonkin. Si cette dernière souligne l'importante mobilisation du jour, c'est le sentiment de danger qui domine. "On n'a jamais eu ce sentiment d'insécurité. Ce n'était pas ça avant, Villeurbanne. On n'avait pas ce sentiment de méfiance en sortant de chez soi," déplore-t-elle.
"Certaines réponses sont intéressantes, certaines ont été apportées ces dernières années, mais ce n'est pas suffisant. Il faut une présence policière permanente", insiste de son côté, un autre habitant. "Les points de deal sont nombreux dans le quartier. Il faut travailler sur l'ensemble du problème, agir sur ces points de deal et peut-être sur les acheteurs," avance-t-il.
Si les habitants ont pu s'exprimer lors de cette réunion, les réponses sont encore loin de convaincre ces Villeurbannais qui demandent notamment plus de présence policière. "Je ne trouve pas qu'il y a un plan concret et précis. Je souhaite qu'ils nous proposent des choses concrètes", explique un habitant.
"Rapport de force"
Le maire de Villeurbanne, à la rencontre des parents d'élèves de l'école Nigritelle Noire le vendredi 10 novembre, au lendemain d'une fusillade, avait interpellé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin sur la situation dans ce quartier. Depuis trois ans, l'élu demande que le quartier soit classé "reconquête républicaine". "Ça permet d'avoir une brigade de sécurité territoriale : une vingtaine d'agents dédiés au quartier et dédiés au trafic de drogue. Il faudra que le ministre me réponde sur cette possibilité d'avoir ou non une vingtaine de personnes sur un des principaux points de trafic de cette agglomération", explique le maire de Villeurbanne
Mais Cédric Van Styvendael affirme ne pas se cacher derrière cette demande à Gérald Darmanin.
Une des conditions pour mener certains travaux, c'est que le quartier soit sécurisé. Sitôt qu'on veut intervenir sur des parties communes, pour limiter le passage d'un immeuble à l'autre, les équipements sont vandalisés, car ils entravent le trafic de drogue.
Cédric Van Styvendaelmaire de Villeurbanne
Aujourd'hui, le maire de Villeurbanne n'exclut pas d'aller vers "le rapport de force" avec le ministre de l'Intérieur. "Parfois, il faut en passer par là, les habitants ont commencé, je les accompagnerai dans ce rapport de force, car ce quartier mérite cette attention et ces effectifs. Cette ville a fait tout ce qui lui était demandé pour être en capacité de l'obtenir".
"Ce soir-là, on a dit stop, ça suffit !"
Pour faire barrage aux trafiquants, Tonkin Pai(x)sible, un collectif de citoyens, a vu le jour un soir de juin 2020, après une fusillade qui avait fait plusieurs blessés dans ce quartier de Villeurbanne. Lors de la réunion, l'une des membres de ce collectif est revenue sur la genèse du collectif.
Pour tenter de déloger des trafiquants, ces habitants du Tonkin ont récemment mené une action filmée qui a été diffusée sur les réseaux sociaux. Sa médiatisation a mis un coup de projecteur sur la situation du quartier. Toujours en novembre, les membres du collectif ont enfoncé le clou en lisant publiquement une lettre ouverte à Gérald Darmanin. Autant d'actions qui se multiplient pour demander une plus grande implication des pouvoirs publics.
Ces initiatives ne manquent pas de faire réagir le maire. "Ce qui était déjà exceptionnel, c'est qu'ils descendent sur l'espace public pour organiser des activités, pour dire : ce quartier est à nous et hors de question qu'on le laisse aux trafiquants de drogue. Ils se mobilisent depuis plusieurs années. Là, il y a eu une forme de colère très importante qui les a conduits aussi à se mettre en danger. La police a dû intervenir pour les protéger, ce n'est pas jouable de recommencer ce genre de chose, mais force est de constater qu'ils ont réussi leur pari (...) Je suis à leur côté et on va continuer cette mobilisation pour obtenir ce que nous demandons depuis trois ans", a expliqué le maire, partagé en inquiétude et soutien.
"Opération place nette"
Après la fusillade du 9 novembre, la préfète avait annoncé le renfort temporaire de CRS et des interventions quotidiennes des forces de l'ordre dans le secteur. Hasard du calendrier, au matin de cette réunion publique, un coup de filet a eu lieu au Tonkin. "Une opération place nette", déclenchée à la demande de Gérald Darmanin. Plus de 200 agents de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Rhône, "assistés par une unité du RAID, de la CRS 83 et de plusieurs équipes cynophiles" sont intervenus dans le quartier du Tonkin, a détaillé le parquet de Lyon dans un communiqué.
Quinze personnes ont été interpellées et placées en garde à vue pour "trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment". Ces individus sont suspectés d’être les organisateurs, nourrices, livreurs et revendeurs d’un important trafic de stupéfiants implanté au niveau du 1-3 rue Jacques Brel à Villeurbanne. La garde à vue peut durer jusqu'à 96 heures.