Partis s’expatrier à Marrakech il y a un an, Lina Benferhat et son mari Mourad, tous deux originaires de Villeurbanne ont vécu le séisme dans leur appartement avec leurs deux enfants. Comme des milliers de personnes, ils attendent de trouver un nouveau logement.
La connexion téléphonique est mauvaise, mais la voix hachée de Lina Benferhat trahit surtout son extrême fatigue. Cette maman de deux enfants de 2 et 8 ans a peu dormi ces deux dernières nuits.
"Mes parents à Lyon m’appellent tous le temps pour qu’on rentre. Au début, mon mari me disait de prendre le premier vol disponible avec les enfants, mais je ne veux pas me séparer de lui. On doit rester ensemble", explique-t-elle. La famille a abandonné son logement situé au sud de Marrakech, devant le gigantesque chantier du futur "Morrocan mall", le centre commercial qui devait devenir le plus grand d'Afrique. Les fissures strillent leur résidence et leur appartement situé au deuxième étage. Aujourd'hui, le couple et des voisins ont trouvé refuge dans une maison excentrée, "de plain-pied" précise Lina. Elle leur a été prêtée par la tante de leurs voisins qui réside à Paris.
"On a tout quitté, pieds nus, en pyjama ou à peine habillés, on a pris la voiture et on est partis." La famille se rend d'abord au milieu de la nuit dans la villa d'amis sur la route d'Amizmiz. C'est hier soir, qu'ils ont dû trouver un nouveau logement.
Sa famille côté maternelle est à Casablanca, mais Lina ne voit pas non plus l’utilité de s’y rendre. “Et puis, je peux mourir n’importe où. Les catastrophes naturelles ont lieu partout dans le monde, à quoi bon fuir ? Je ne peux pas échapper au destin."
"Le sol était comme du sable mouvant"
Vendredi soir, Lina et ses deux enfants étaient réunis dans le salon quand le tremblement de terre a commencé. Son mari fumait une cigarette dans la cuisine. Et un bruit assourdissant fait d'abord croire au couple que le centre commercial en travaux s'est effondré.
Le sol était comme du sable mouvant, le carrelage bougeait tellement que les lignes se déformaient et créaient des vagues.
Lina Benferhat
À en perdre l'équilibre. Le couple se réfugie d'abord sur le balcon puis décide de sortir de la maison. Sa fille de 30kg sur le dos, descendre les escaliers qui séparent le deuxième étage de l'extérieur devient une épreuve interminable pour Lina. Son mari garde leur fils dans ses bras. "Je me disais que nous n’allions pas y arriver. Je n’étais même plus paniquée, j’avais accepté de mourir" confie la jeune femme. Finalement, le bâtiment ne s'est pas effondré et la famille est rejointe dehors par leurs voisins, heureux d'être en vie. Mais sa fille de huit ans est traumatisée. "Elle pleurait beaucoup, elle était persuadée qu'on allait tous mourir, c'était terrible."
Difficile de rassurer les enfants. La directrice de l’école de son aînée a prévenu : les classes resteront fermées jusqu’à nouvel ordre. “De toute façon, j’avais trop peur d’envoyer ma fille à l’école”, concède-t-elle. Conscients de leur chance, Lina et son mari achètent des vivres et de l’eau pour tous les Marocains qui n’ont plus de toit. “Le plus important aujourd’hui, c’est d’être solidaires.”
Le bilan de ce séisme s'élève à plus de 2100 morts ce 10 septembre.