On pourrait croire qu'il s'agit d'une simple yourte. Mais derrière cette construction dans le 8ᵉ arrondissement de Lyon se trouve un projet qui réunit quatre associations et six universités européennes. Le lieu est au cœur d'une vaste étude sur l'intégration des personnes exilées.
Visseuses et scies à la main, une dizaine de personnes s'activent autour de la future yourte. Pour le moment, il faut un peu d'imagination et un croquis pour se représenter à quoi va ressembler cette tente circulaire utilisée à l'origine par les peuples nomades d'Asie centrale.
Au milieu des maisons et des immeubles
"Là, appuie bien sûr le bois. Tu veux que je surélève ? On peut commencer à installer le parquet." Sur le terrain en terre battue du 173 rue Bataille, quelques riverains sont venus aider les associations pour monter la yourte. La structure de 40 mètres carrés va bientôt se dresser au milieu des maisons et des immeubles du 8ᵉ arrondissement de Lyon.
"J'ai un peu la pression, il faut que je coupe bien droit", sourit Lisa, habitante du quartier, scie sauteuse à la main. Guidée par une bénévole de l'association Être Éco lié, la jeune femme s'attèle à découper les treillis en bois qui vont servir de parois à la yourte.
Inclure les riverains
Cette tente va remplir deux fonctions. Ce sera une salle commune pour les sept tiny houses (petites maisons) qui vont être installées sur le même terrain, pour accueillir des personnes exilées. Et ce sera aussi une salle disponible pour les associations du quartier et les acteurs sociaux. Objectif : créer du lien entre les exilés et les voisins.
Pour favoriser cette rencontre, un chantier participatif est organisé jusqu'au vendredi 15 septembre. "C'est l'occasion de collaborer et d'apprendre des choses", assure Lisa qui vient de terminer la découpe d'un premier pan de mur. Employé de la MJC du quartier, la jeune femme espère mettre en place des activités dans la yourte pour les futurs résidents des tiny houses.
Mariella arrive à son tour sur le chantier, après avoir posé sa fille à la crèche. "Je suis en recherche d'emploi, autant donner un coup de main, explique la jeune maman, favorable à la création de ces logements pour des personnes exilées. Pour que les réfugiés se sentent les bienvenus, c'est bien qu'il y ait des habitants du quartier qui s'investissent."
Sept tiny houses
Pour susciter l'intérêt des riverains et expliquer le projet, des réunions publiques ont été organisées. L'occasion de rassurer, mais aussi de recueillir leurs propositions. "On a déjà une habitante du quartier qui va nous fournir des roses pour le jardin, se réjouit Nancy Ottaviano, architecte de l'association Quatorze, qui co-porte le projet. On recherche des dons de plantes pour aménager le terrain." Pour le moment pas d'arbre, ni de parterre fleuri, mais des tranchées. Des ouvriers et une pelleteuse s'occupent d'installer les réseaux pour les tiny house, qui doivent arriver à la fin du mois de septembre.
"À la grosse différence d'une caravane, une tiny house est isolée comme une vraie maison. Ce n'est pas un préfabriqué habillé en bois, mais un logement digne", détaille l'architecte. Les logements sont adaptés pour accueillir chacun un couple, avec leur salle de bains et leur cuisine individuelle. Sur les sept, cinq serviront pour des personnes exilées sélectionnées par le Foyer de Notre-Dame des sans-abris, tandis que deux sont pour des personnes qui veulent faire partie de l'aventure. "Ça peut être vous ou moi, assure Nancy Ottaviano. Une tiny house, c'est aussi une réflexion sur la façon d'habiter et sur l'écologie."
Un projet européen né à Lyon
L'installation des tiny houses pour des personnes sans-abris ou exilées, le Foyer Notre-Dame des Sans-Abris l'a déjà fait sur deux terrains de la Métropole, pour un total de 42 habitations. Des projets nommés "Cocon". "Plutôt qu'un grand collectif, où les personnes sont un peu les unes sur les autres, ici, elles ont un espace privatif, avec une terrasse et un terrain commun", décrit Mallory Mahout, responsable du pôle Référent accueil.
Le "Cocon" du 173 rue Bataille s'inscrit dans un projet européen intitulé Merging (Fusion), impulsé par l'Université Lyon 3 et l'association Quatorze. Un projet qui rayonne à l'international, avec six universités et quatre partenaires européens.
En parallèle de la yourte et des tiny houses du 8ᵉ arrondissement de Lyon, deux autres projets d'habitat sont mis en place : huit appartements dans le centre historique de Valence en Espagne et une maison flottante à Göteborg, en Suède.
Une étude grandeur nature
Ce sont trois lieux d'études pour les universitaires, qui vont devoir rendre un rapport en avril 2024 à la Commission européenne, qui cofinance l'expérimentation. "On sait déjà l'importance du logement pour l'intégration, ce qu'on veut voir c'est si la coconstruction accélère l'intégration des exilés", explique Noémie Dominguez, enseignante-chercheuse à Lyon. Le rapport contiendra des recommandations pour la mairie du 8ᵉ arrondissement de Lyon, pour la France et pour l'Europe.
À la différence de Valence et de Göteborg, le site de Lyon loge aussi des personnes non-exilées. "On veut voir si ça facilite la venue de voisins ou encore l'apprentissage de la langue", détaille l'enseignante chercheuse.
Un nouveau chantier participatif devrait bientôt être organisé pour la construction du local à vélo et une réunion publique se tiendra le jeudi 21 septembre à la MJC du 8ᵉ arrondissement.