Ils forment des personnes éloignées de l’emploi à travers un parcours d’insertion ouvert et adapté. Une manière innovante de conjuguer la solidarité et le respect de l’environnement. Priscilla Petitjean est directrice des « Ateliers de l’audace », une association lyonnaise dont elle est à l’origine. Elle est venue l'expliquer dans "Vous êtes formidables" sur France 3 Auvergne Rhône Alpes
Créés en 2020, les « Ateliers de l’audace » ont vu le jour à Villeurbanne, à côté de Lyon. Ils ont été articulés autour des « métiers du vélo ». « Et il y en a plein », confirme Priscilla. « Le premier que tout le monde aura en tête, c’est celui de mécanicien(ne)-cycle. Mais derrière, il va y avoir tout ce qui est cyclo-logistique, montage, travail à la chaine sur des flottes de vélos, tout ce qui concerne l’hydraulique, l’électrique, mais aussi les nouvelles technologies embarquées… sans oublier les vélos vintage, qu’il faut bien pouvoir réparer. Tout cela permet d’avoir une multiplicité de postes, qui permettent à plein de profils différents de trouver une place. »
Les bénéficiaires potentiels de ces emplois sont donc des personnes en insertion. « Les critères sont définis par Pole emploi. Leurs parcours sont très disparates. On aide aussi bien des gens en rupture sociale, dont le parcours était à priori tout tracé et, qui, à un moment donné ont été impactés par quelque chose…que des personnes qui, au contraire, ont toujours eu du mal à se faire aux normes et aux codes qui régissent notre société –qui est tout de même assez excluante- »
Et elle ajoute d’autres cas à sa liste « Toutes les personnes porteuses de handicap, issues de l’immigration, ou sujettes à des addictions, et qui nécessitent une phase de transition pour pouvoir s’approprier un savoir-être, et s’insérer dans une société plus inclusive. »
Suivant les profils, le temps de formation à ces métiers peut varier énormément. « On a certaines personnes pour lesquelles, en quelques mois, tout va très bien en terme de logique et de technique… Mais pour lesquelles adhérer à des codes sociaux prend davantage de temps. Et, parfois, c’est le contraire. Cela peut aller jusqu’à deux ans. »
Redonner les codes de la société
Qu’évoque-t-on sous le terme de « codes sociaux » ? Pas mal de choses, en fait. « Comment se tenir, comment se comporter, comment regarder quelqu’un…dire bonjour, au revoir, merci… A quel moment on présente ses excuses…Pourquoi c’est grave d’être en retard, et comment se comporter dans tel cas… Enormément de choses qui, pour nous, sont induites », décrit la jeune directrice. « Pour certaines personnes, il est parfois nécessaire de décortiquer le pourquoi du comment, puis de l’expérimenter, comme un entrainement, pour que la personne puisse s’en saisir. »
Après 6 mois d’activité, l’association a créé deux emplois à Villeurbanne. Puis elle s’est exilée, pour des questions de place, à Vaulx-en-Velin. C’est là que se trouvent les activités, très variées. « A l’atelier, il y a tous les métiers. Quand vous passez la porte de la boutique, vous allez rencontrer Daniel, un salarié en insertion. Il va vous accueillir, vous présenter l’association, et faire un diagnostic technique de votre vélo. Vous aurez des renseignements pour acheter un vélo, dons des relations clientèles très humaines. Et puis toute la partie mécanique, la partie stock, la facturation, la vente sur le net et les réseaux sociaux. Tous ces savoirs de base, qui, d’ailleurs, ne serviront pas uniquement aux métiers du vélo, mais aussi à n’importe quel autre emploi », explique Priscilla.
Ces emplois sont évidemment rémunérés. Ce sont des CDDI, soit des contrats à durée déterminée d’insertion. « Oui, tout le monde est rémunéré. Je trouve que c’est absolument nécessaire, quand on travaille. » Le financement bénéficie d’aides publiques et d’un régime fiscal obligatoire. « Nous ne pouvons pas faire + de 40% d’autofinancement. On est obligés, chaque année, de faire appel à 60% de subventions. »
Cette activité pourrait tout à fait être viable, à condition de se développer énormément. Mais ce n’est pas le premier objectif de l’association. « Notre priorité, c’est de prendre soin des gens, pour le moment. Et ensuite, si possible créer de l’emploi, et, pourquoi pas, développer d’autres modèles où plus de personnes trouveraient leur place. »
Selon les dernières statistiques, le prix moyen d’un vélo est de 707 euros en France
Les vélos, issus de ces ateliers, sont proposés à des prix très abordables. « C’est très important. Il existe, de nos jours, une tendance hyper culpabilisante, qui consiste à dire aux personnes qui ont des difficultés à aller à l’emploi faute de moyen de transport, de s’acheter un vélo, en allant le payer peu cher sur internet. Sauf que rien ne garantit leur qualité » explique cette spécialiste.
Pour elle, la réalité est ailleurs : « Le marché des vélos d’occasion représente en fait une faible offre par rapport à la demande qui est énorme. Selon les dernières statistiques, le prix moyen d’un vélo est de 707 euros en France. Conclusion : le développement actuel de la pratique du vélo en France n’est pas inclusif. Il y a donc une vraie nécessité de proposer des modèles à des prix abordables par tous. »
On explose littéralement les délais. Vous déposez votre vélo et, en 3 jours, il est réparé
Les Ateliers de l’audace sont installés à Vaulx-en-Velin. Les clients potentiels, vivant dans le cœur de Lyon, avaient du mal à s’y déplacer. Il a été nécessaire d’ouvrir une boutique ailleurs, dans le 3ème arrondissement. « On est tous prêtes à consommer différemment. A mettre du sens dans notre quotidien, même si cela implique un surcoût. Il était important de créer une vraie zone de rencontre, au cœur de la Part-Dieu. Cela nous a permis d’avoir plus de 600 nouveaux clients depuis janvier. »
Peut-être que les vols diminueront lorsque chacun aura les moyens de s’acheter un vélo ?
Au total, 32 emplois ont été créés, dont 25 salariés en insertion. « Je crois que nous sommes la seule structure de Lyon qui dispose d’autant de mécaniciens. Grâce à cela, on explose littéralement les délais. Vous déposez votre vélo et, en 3 jours, il est réparé. Et vous n’avez pas besoin de prendre rendez-vous », résume fièrement notre interlocutrice, qui estime tout simplement que l’insertion est un label de qualité.
L’autre problématique liée au vélo est celle du vol. Avec la difficulté évidente d’y remédier. « Peut-être que les vols diminueront lorsque chacun aura les moyens de s’acheter un vélo ? » avance Priscilla. « Il faut aussi davantage d’infrastructures permettant de garer son vélo en toute sécurité. Et puis recevoir un vrai conseil concernant les antivols. Et puis, dernièrement, on peut bénéficier de deux initiatives : le BC code et le gravage du vélo. »
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