Sébastien Pagani, chef d'entreprise basé à Villefranche-sur-Saône, a bien failli perdre 270.000 euros. Le PDG d'Avona a été visé par une "arnaque au président" début avril 2021. Il a porté plainte. Il a surtout lui-même traqué les escrocs agissant depuis la Hongrie.
L'arnaque consiste à usurper l'identité d'un chef d'entreprise, puis de prendre contact avec son service comptable pour obtenir des transferts de fortes sommes d'argent. Sébastien Pagani, responsable d'une entreprise basée à Villefranche-sur-Saône, a bien failli en faire les frais début avril 2021. Il aurait tout simplement pu perdre 270.000 euros s'il n'avait pas eu le réflexe de jouer lui-même les enquêteurs.
Le PDG d'Avona raconte son histoire dans un quotidien régional, puis à l'AFP. Tout commence le 8 avril lorsque la responsable comptable d'Avona reçoit un courriel semblant provenir de son patron. "Me Bertrand vous a t-il contacté ?" Quelques minutes plus tard, coup de téléphone du prétendu membre d'un cabinet de conseil réputé. Il lui demande d'effectuer une opération bancaire "urgente" en vue de l'achat d'une entreprise hongroise.
"Il l'a mise en confiance : il connaissait parfaitement le fonctionnement de l'entreprise. Il lui a affirmé que je l'avais mandaté", raconte Sébastien Pagani.
"Arnaque au président" : l'identité de chef d'entreprise usurpée
La comptable en discute ensuite par mail avec la personne qu'elle croit être son patron, qui valide évidemment la transaction et lui demande de n'en parler à personne d'autre. L'arnaque est en place.
Dans ce type d'arnaque, la transaction est toujours non planifiée, urgente et confidentielle. Au préalable, les escrocs font une enquête très poussée sur l'entreprise pour que tout paraisse crédible.
Le lendemain, quand son banquier l'informe des deux virements de 135.000 euros vers la Hongrie, le chef d'entreprise croit d'abord à un piratage informatique. Mais sa comptable soutient que c'est bien lui qui les a ordonnés. Sébastien Pagani comprend alors qu'il est victime d'une "arnaque au président". L' escroquerie en vogue dans les années 2013-2014 en France, connaît un regain depuis la crise Covid.
Ingénieur informatique de formation, il lance la traque
"Grâce à la réactivité de sa banque", le chef d'entreprise parvient à bloquer les virements et à récupérer ses fonds. Mais Sébastien Pagani ne va pas s'arrêter là. Il demande à sa comptable de continuer à échanger avec les escrocs pour récolter un maximum d'informations. Il prend contact avec la Police, mais "tombe des nues" lorsqu'il se voit répondre qu'une procédure en flagrant délit ne peut être déclenchée sans le feu vert d'un magistrat.
"On agit en fonction de ce que l'on peut faire légalement. Les infiltrations sont très encadrées", explique à l'AFP, Judicaële Ruby, cheffe de la division de lutte contre la criminalité financière à Lyon.
J'ai envoyé des virus et des mouchards par mail pour les localiser. Ce sont des méthodes désuètes mais c'est toujours mieux que rien...
S'il est aujourd'hui à la tête d'une société de prêt-à-porter féminin d'environ 80 employés, il faut aussi savoir que le Pdg d'Avona est ingénieur en informatique de formation. Et il réussit à identifier l'entreprise utilisée par les escrocs en Hongrie. Ces informations ont été transmises au commissariat de Villefranche-sur-Saône, où sa plainte a été enregistrée, dans l'attente du dépaysement du dossier vers une juridiction mieux armée contre ce type de criminalité. Plainte a également été déposée en Hongrie.
"Je ne veux pas les lâcher. Je ne supporte pas les tricheurs, et quand je vois que l'arbitre ne fait pas son travail, j'utilise des moyens privés pour le faire", explique-t-il. De son côté, la Police Judiciaire assure que ces affaires demandent une coopération internationale "compliquée", rendue encore plus délicate par les "techniques d'anonymisation minutieuses" utilisées par les escrocs. "Ce que l'on fait c'est surtout de la prévention, pour dire au comptable d'être très attentif parce que la faille est humaine avant d'être technique", souligne la cheffe de la division de lutte contre la criminalité financière à Lyon.
Depuis cette tentative d'arnaque, Sébastien Pagani a installé un nouveau système informatique pour protéger son entreprise. "Au delà du préjudice financier, il y a un préjudice moral", souligne l'entrepreneur en indiquant que sa comptable était "toujours sous le choc".