La tradition du 1er avril n'est plus aussi populaire, à l'heure des fausses informations et de l'intelligence artificielle de moins en moins de médias se prêtent à un jeu qui peut remettre en question leur crédibilité.
Le 1er avril, à la télévision, dans les journaux a longtemps été l'occasion d'inventer des histoires parfois jugées invraissemblables et pourtant... Quand on se plonge dans les archives de l'INA, Institut National de l'audiovisuel, on découvre des pépites étonnantes.
- En 1972, le journaliste annonce "l'interdiction de fumer, dans les cafés et chez tous les commerçants, aussi bien en terrasse qu'à l'intérieur".
_"Dans les cafés?" s'étonne un client, accoudé au comptoir d'un bar.
_"Mais pourquoi???"
_"Pour ne ne pas déranger les autres consommateurs" répond le journaliste, un peu amusé. La réponse est directe et semble absolument évidente :
_ "Les autres, ceux qui sont gênés s'en vont ", mais oui vu comme ça, ça saute aux yeux.
Depuis le 15 novembre 2006, un décret impose l'interdiction totale de fumer dans tout lieu public, y compris les entreprises.
- En 1986, on retrouve dans un reportage un poisson d'avril qui fera date. Trois personnes se succèdent dans une petite voiture en ville : "pour les utiliser c'est très simple", dit le commentaire , il faut introduire dans une fente une carte bleue qui débloque le système. A partir de ce moment là vous pouvez conduire cette voiture 5 kilomètres pour 20 francs." L'autopartage et les voitures en libre service déployées dans de nombreuses villes en France a eu raison de l'imagination de l'époque.
- Les années 80 toujours... la pollution commence à se faire visible, le brouillard dans les grandes ville bouche l'horizon de plus en plus grisâtre, à l'heure où la voiture est encore reine. La mesure dit le journaliste sera appliquée dès le week end prochain : " c'est la plaque minéralogique de votre véhicule qui servira de repère" . La réaction d'un automobiliste, dont on ignore s'il s'agit de quelqu'un qui joue le jeu du 1er avril ou d'un vrai micro trottoir, illustre la frilosité de l'époque quant à ce qu'on appelle aujourd'hui "Venez pas me raconter des conneries! je n'admets pas du tout ce genre d'histoire!"
Cette tradition n'existe plus sur les antennes de France 3 et de France Télévisions, dans sa case info. Diffuser de fausses informations, même sous couvert de l'humour à la télévision peut être risqué. "Le fait qu’une chaîne publique ne souhaite plus participer à mélanger le vrai du faux pose fondamentalement la question de l’inégalité des publics face à la réception des indices des faux discours" indique l'INA dans sa revue des médias, citant Marie-France Chambat-Houillon Maîtresse de conférence à l'université ParisIII Sorbonne Nouvelle.
Une tradition à l'épreuve des fake news
Les canulars et autres poissons d'avril se font cependant beaucoup plus rares en 2024. Ce 1er avril, les gendarmes de l'Ardèche ont lancé un avis de recherche pour un lapin qui a disséminé des oeufs, Eric Piolle, le maire de Grenoble annonce rojet de tremplin de saut à ski XXL sur les pentes de la Bastille en plein centre-ville. Des policiers annoncent un escape game dans un commissariat. Toutes ces publications ont un point en commun, elle sont diffusées sur les réseaux sociaux, et le plus souvent sur X (Ex Twitter). Elles apparaissent donc sous la même forme que l'ensemble du flux auquel les internautes sont confrontés et peuvent être perçues sur le même registre.
"À la différence des dispositions humaines qui peuvent démêler le vrai du faux et permettre l’exercice du doute comme du sens de l’humour, l’algorithme, lui, ne connaît qu’un seul et unique régime épistémique" explique Marie-France Chambat-Houillon.
L'éducation aux médias constitue donc un enjeu de taille pour être en mesure de distinguer une blague et une manipulation. A l'heure de l'intelligence artificielle, la transformation des images et notamment des vidéos peuvent donner lieu à des scénarios invraissemblables et parfois viraux.
Autant d'explications de la raréfaction des poissons d'avril dans l'actualité, même si certains journalistes, par le passé, ont été visionnaires.