Depuis le mois de septembre, l'église aux deux clochers est entrée en phase de restauration. Il en coûtera 3,3 millions d'euros à la Ville de Lyon dont une partie du budget est prise en charge par la Direction des Affaires Culturelles sous forme de subvention. C'est la "convention patrimoine" entre l'Etat et les villes.
Le visiteur est souvent interloqué par ses deux flèches asymétriques, que les Lyonnais, eux, connaissent bien.
L'église Saint Nizier, au cœur de la presqu’île de Lyon date du 14e siècle mais elle porte toujours fièrement ce petit signe distinctif qui a fait son identité.
L'édifice n'avait pas connu de grosse restauration depuis le 19e siècle. À l’intérieur, les différents éléments d'architecture sont noircis par la pollution et aussi la fumée des cierges. En septembre 2023, les restaurateurs ont commencé leur long travail de décrassement dans la partie latérale sud qui comprend 5 chapelles, ainsi que dans la crypte.
Sur les échafaudages, à une quinzaine de mètres de hauteur, des agrafes métalliques datant du 19e siècle, qui ont servi à soutenir la voûte, vont être remplacées par des pierres de Bourgogne.
"Même s’il n’y a pas de menace, il est important de consolider cette structure pour passer les siècles à venir", explique Guillaume Fornoni responsable des travaux de réhabilitation de la Ville de Lyon.
Le cœur bourgeois et politique de Lyon
Pour Guillaume Fornoni, le style de Saint Nizier correspond à son rôle historique :
"Cette église de la Renaissance jusqu’au 17e siècle était le cœur bourgeois et politique de la ville. Elle a permis à la bourgeoisie d’afficher son pouvoir même dans son style, le gothique flamboyant du Moyen Âge jusqu’au style renaissance, notamment sur sa façade. Au 19e siècle, au moment des grands bouleversements urbains de la Presqu’île, l’église a été restaurée et une grande partie des décors peints antérieurs ont été enlevés. Et on a aussi construit le 2e clocher. Depuis le début de la restauration on a découvert des décors peints qui ont survécu au décapage du 19e siècle. Et aussi des médaillons qui étaient présents au niveau des clés de voûte mais dans un état épouvantable.
En fait, on redécouvre le patrimoine y compris pas mal de détails architecturaux assez fins et qui étaient totalement cachés par les traces de pollution.
Guillaume Fornoni, responsable des réabilitations à la Ville de Lyon.
La Convention Patrimoine, exemple de coopération entre les villes et l'Etat
Pour pouvoir restaurer cette église, la mairie de Lyon a signé une convention patrimoine avec l'Etat. La ville de Lyon s'est ainsi engagée à l'entretien et la réparation de ses 50 monuments historiques dont 13 églises.
"Cinq de ces églises ont fait ou feront l'objet de restauration sur le mandat", précise l'adjoint au patrimoine, Sylvain Godinot : "Saint Bruno, Saint Bonaventure, Saint Irénée, Saint Nizier ainsi que l'orgue de Saint François de Salles."
Et pour une ville, c'est un véritable engagement de longue durée.
“La Ville se projette sur le temps long pour une restauration complète du bâti monument historique. On est obligés néanmoins de procéder par tranches pour gérer à la fois le volume d’engagement financier que cela représente. Dans ce mandat-ci, ce sont 14,5 millions d’euros que la Ville engage pour la restauration de ses monuments historiques aux côtés de la DRAC, la direction régionale des affaires culturelles. Ce sont des chantiers longs, des chantiers importants. Ici nous faisons une partie importante de la restauration de St Nizier. Elle restera à finir, il faudra y revenir ultérieurement. Malgré tout, la question de la finition des chantiers est une priorité pour la Ville. Pour l’église St Bruno, on a souhaité l’achèvement complet des travaux.”
Les travaux de la partie latérale sud se termineront fin 2025. L'église reste ouverte pour les fidèles.
La première révolte des prostituées... à Saint Nizier
On se rappellera aussi qu'il y a près de 50 ans, l'église des bourgeois du 17e fut choisie par une centaine de prostituées lyonnaises pour exprimer leur exaspération.
Le 2 juin 1975 ces femmes investirent l'église pendant 10 jours pour protester contre les procès-verbaux de la police et réclament la décriminalisation de leur activité ainsi que le droit à la sécurité sociale. Ce mouvement marquera pour longtemps la mémoire des Lyonnais et des Français. Et les associations qui défendent leurs droits obtiendront beaucoup plus tard une journée internationale des luttes des travailleuses du sexe, fixée le 2 juin.