Âgés parfois de quelques mois seulement, des enfants arrivent en France pour subir une chirurgie du cœur. Une opération de la dernière chance à cause de malformations cardiaques. Impossible sans la générosité et la mobilisation de l'ONG "La Chaîne de l'Espoir" et de familles d'accueil.
"J'ai un problème de cœur. Si je cours, je peux le sentir", a expliqué la fillette fin octobre avec sa toute petite voix. Gracia est âgée de 11 ans. Elle est arrivée du Tchad, souffrant d'une grave pathologie cardiaque, pour être opérée à Lyon. Elle a été hébergée dans la Drôme par Viviane Vial et son époux Bertrand. Le couple est famille d'accueil, bénévole pour l'ONG "La Chaîne de l'Espoir". Ils ont veillé sur l'enfant comme si elle était leur propre petite-fille.
Engagement longue durée
Cet engagement auprès de ces enfants et de La Chaîne de l'Espoir loin d'être anecdotique. "Ça signifie s'engager pour deux à trois mois. On va chercher les enfants à l'aéroport et après, on les suit tout le temps, jusqu'à leur départ. Y compris pendant l'intervention. On les prend complètement en charge à la maison", a expliqué Viviane Vial.
Gracia a été le sixième enfant accueilli par ce couple. Des liens forts se tissent à chaque fois. D'ailleurs les enfants appellent Viviane et Bertrand, "maman et papa d'accueil". Chaque enfant hébergé chez les Vial a aussi laissé une forte empreinte.
"La première, c'était Verna. Elle est arrivée, elle avait onze mois. La voilà en photo", raconte Viviane en tendant un cliché du nourrisson au moment de son arrivée. "Et la voilà maintenant !". Viviane arbore fièrement la photo d'une fillette souriante qui a bien grandi et semble en pleine forme.
Il n'y a aucune contrainte. Quand on connaît les pathologies, ça aide, c'est certain, mais on peut très bien être hors du milieu médical pour assumer un accueil. Il n'y a pas de souci.
Bertrand VialAccueillant pour La Chaîne de l'Espoir
Viviane et Bertrand accueillent des enfants depuis une dizaine d'années. Aujourd'hui retraités, ils exerçaient tous deux des professions médicales. Lui était cardiologue et elle, infirmière. Mais nul besoin de venir du milieu médical pour accueillir un enfant, le couple l'assure. "Ça se passe très bien, avec toutes les familles", assure l'accueillant.
Manque cruel de familles d'accueil
Gina Martinez est la représentante de La Chaîne de l'Espoir à Lyon. Elle fait le lien avec les familles qui se proposent d'héberger ces enfants atteints de cardiopathies. Une épreuve aussi pour ces petits malades qui quittent leurs proches. "C'est un peu le parcours du combattant. C'est surtout un déracinement total pour eux. En plus, il nous manque des familles. On voudrait absolument que les gens se mobilisent pour accueillir ces enfants. Sans familles d'accueil, on ne peut pas les accueillir," explique Gina Martinez. Un cercle vicieux : pas d'accueil, pas d'opération pour ces enfants en sursis.
À Lyon, La Chaîne de l'Espoir manque "cruellement" de familles d'accueil, selon Gina Martinez. "Il faut que les gens se mobilisent et nous aident pour qu'on puisse continuer à opérer tous ces enfants", explique-t-elle. Pas de profil type pour accueillir un enfant, mais il faut être disponible, être véhiculé, ne pas habiter à plus d'une heure de Lyon et avoir un casier judiciaire vierge.
Urgence médicale
Chaque année, Gina Martinez accompagne les 10 à 15 petits malades qui sont opérés à l'hôpital cardiologique de Lyon. Tous ont été choisis en fonction de l'urgence médicale de leur dossier.
En ce qui concerne la petite Gracia, sa pathologie aurait dû être traitée depuis longtemps, mais elle a été découverte tardivement. Cette cardiopathie est d'ordinaire dépistée chez des nouveau-nés. "C'est rare d'opérer cette maladie à 11 ans", constate Nicolae-Cristian Bulescu, Chirurgien cardiaque pédiatrique à l'hôpital cardiologique de Lyon. "La maladie de Gracia, la plus fréquente qu'on opère, est généralement découverte à l'âge de 2 ou 3 mois. Il faut opérer les enfants entre 6 et 8 mois, c'est le moment optimal. Parfois si on attend jusqu'à l'âge d'un an, ils deviennent inopérables. Gracia a eu de la chance, elle a une forme anatomique plutôt favorable. Beaucoup n'ont pas la même chance", explique le chirurgien.
Maillon essentiel
L'hôpital cardiologique de Lyon est centre d'excellence de cette chirurgie si minutieuse. La cardiopathie de Gracia et toutes les autres formes nécessitent un plateau technique et médical inexistant dans les pays pauvres. Mais la famille d'accueil est aussi un maillon essentiel pour sauver ces enfants, comme l'explique Roland Henaine, chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital cardiologique de Lyon. "Cette chaîne qu'on déploie — les médecins et la structure — nécessite la famille d'accueil. Plus vite, on a une famille d'accueil et plus vite, on peut être réactif. Plus vite, on peut accepter un dossier qui nous est présenté et déclencher tout le processus qui prend du temps à cause des formalités". Des formalités qui rallongent les délais pour une intervention de la dernière chance.
Les enfants arrivent une bonne semaine avant l'intervention et restent toute la période qui suit l'intervention "au minimum un mois après la sortie de l'hôpital, pour voir si tout va bien et s'il n'y a pas de complications tardives qui peuvent apparaître", selon le chirurgien.
Ces familles font très attention à l'état de santé de l'enfant. Ceux qui ont de l'expérience et qui ont déjà accueilli plusieurs enfants ont l'habitude des signes d'alerte.
Nicolae-Cristian BulescuChirurgien cardiaque pédiatrique, Hôpital cardiologique de Lyon
Le chirurgien précise : "Ils nous appellent si la situation de l'enfant se dégrade. Souvent, ils ont raison et ils nous aident". Ce dernier loue l'engagement de ces bénévoles. "Ces familles d'accueil sont des gens altruistes qui sacrifient une partie de leur temps et de leurs projets pour pouvoir accueillir des enfants qui viennent d'ailleurs et qui ont besoin d'une prise en charge médicale qui ne peut être assurée dans leurs pays ", assure le docteur Nicolae-Cristian Bulescu.
"Tristes et heureux"
Gracia a bien été opérée à Lyon. Son intervention a été couronnée de succès. La fillette a finalement pu regagner son pays et retrouver sa famille, au Tchad, avec un petit cœur tout neuf. En laissant derrière elle, Viviane et Bertrand Vial, à la fois "triste et heureux". "Quand ils partent, c'est compliqué, pour eux et pour nous aussi parce qu'on s'est attachés forcément. Mais on se dit aussi, c'est mission accomplie parce qu'ils sont guéris. C'est merveilleux comme aventure", conclut Viviane Vial. Le couple compte bien accueillir un autre enfant prochainement, après un temps de "récupération".
Grâce à La Chaîne de l'Espoir, soixante-dix enfants sont ainsi opérés chaque année en France, dont 15 à Lyon.