Cyrille Isaac-Sibille, député de la 12° circonscription du Rhône, dans laquelle se trouve la ville de Pierre-Bénite, une des plus touchées de France par la pollution aux perfluorés, vient de faire voter un amendement pour repousser les normes des rejets en France. Cyrille Isaac-Sibille s'était toujours présenté comme un acteur de la lutte contre les "polluants éternels".
Alors que la rédaction de France 3 Rhône-Alpes vient de révéler la contamination aux PFAS de certains de riverains de l'usine de Pierre-Bénite, au sud de Lyon, le député du Rhône, Cyrille Isaac-Sibille a fait voter, le 31 mai dernier, en commission, un amendement pour reporter la limitation des rejets de PFAS dans l'environnement de 2024 à 2026.
"Le présent amendement a pour objectif de reculer la date d'entrée en vigueur de cette interdiction, afin de pouvoir recenser les données scientifiques et techniques nécessaires à l'élaboration de valeurs limites de rejets de substances polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles en milieu naturel. Si le principe de précaution est nécessaire en la matière, l'évaluation de l'impact sanitaire et environnemental de chaque substance chimique exige du temps, qu'une interdiction dès 2024 ne permettrait pas", peut-on lire dans l'exposé de son amendement qui a été adopté.
Cet amendement a été adopté en commission dans le cadre d'une loi déposée par le groupe LIOT, visant à limiter la contamination par les substances PFAS dans l'environnement. La loi n'a pas été adoptée, elle sera discutée demain à l'Assemblée.
"C'est pas le tout de fixer des seuils... Encore faut-il qu'on ait l'information scientifique qui nous dise quel PFAS il faut aller surveiller (...). Ce n'est qu'une fois qu'on aura l'ensemble des informations que l'on pourra avoir une politique convergente française et européenne. C'est pour cela qu'il faut repousser la date à 2026", l'entend-on s'expliquer sur la retransmission de la commission.
Le député de la 12° circonscription du Rhône, qui comprend la ville de Pierre-Bénite s’est également opposé à un amendement du député EELV Nicolas Thierry demandant l’interdiction des PFAS en tant que famille. Cette proposition est actuellement portée par 5 pays au niveau de l’Union Européenne. "Je réinsiste. Des PFAS, il y en a plus de 4000 ! Ce qu'il faut, c’est connaître. Les seuils, ceux qui sont toxiques, les études d’imprégnation. Moi je le vois au niveau de mon territoire, les industriels, ils ne vont pas attendre l’interdiction... ils vont anticiper. Ce qui est important c’est le message, c’est la prise de conscience", s’exprime-t-il. Il n'a par ailleurs pas voté deux autres amendements, l'un demandant l'obligation de chercher les PFAS dans l'eau potable, le deuxième exigeant une contribution financière de l'industriel aux opérations de dépollution.
Des interventions qui pourraient paraître contradictoires avec la position affichée par le député. Cyrille Isaac-Sibille était en effet, en septembre 2022, demandeur d'une commission d'enquête "pour mieux connaître" les effets de substances dans l'environnement. Il a précisé sur notre antenne que cette commission permettrait d’avoir "une réponse nationale" face à la pollution aux PFAS. Par communiqué, il indique être "resté fidèle à sa position en ayant fait adopter quatre amendements (...) permettant d’aligner ce texte aux dispositions votées en octobre et de le rendre concordant au droit européen". Il ajoute également, "une nouvelle fois, nous affirmons notre engagement en faveur de la lutte contre les PFAS et envoyons un signal fort à nos voisins européens : celui que la France est prête et déterminée à mettre en place des interdictions communes !"
Dans le cadre de la même loi, le député a également fait voter un amendement élargissant le champ des produits concernés par l'interdiction des PFAS. Elle concernait, en première mouture, uniquement les emballages alimentaires. Cyrille Isaac-Sibille y a fait rajouter "les ustensiles de cuisine, les auxiliaires technologiques utilisés par l’industrie agroalimentaire durant la préparation ou la transformation d’aliments, les jouets, les articles de puériculture, les couches pour bébés et les produits de protection d’hygiène intime".
Des propositions paradoxales, dénoncées par le député Nicolas Thierry, du groupe EELV. "En voulant se caler sur la restriction européenne, qui n'interviendra pas avant au moins 2033, on a l’impression que le député était en mission pour gagner du temps. C’est exactement la stratégie qui a été appliquée aux Etats-Unis", affirme-t-il.
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