Chaque année, depuis 1995, le département du Rhône organise, pour des collégiens de 3ème, un voyage de deux jours à Auschwitz-Birkenau. Un voyage vers le plus grand cimetière de l’humanité, un voyage psychologiquement éprouvant pour les quelques 120 jeunes. Nos journalistes les ont suivis. Reportage.
Dans la grisaille d’un matin polonais, des collégiens rhodaniens sont parmi les premiers à franchir la porte de la mort. “Les juifs de toute nationalité venaient ici, parfois pour quelques heures, et trouver la mort dans des chambres à gaz”, explique la guide, en préambule. “Là j’ai des papillons dans le ventre, on m’a souvent répété que c’était assez violent, du coup je suis quand même assez stressée”, témoigne Sophie, élève au collège Hector Berlioz de Communay.
L'appréhension d'un voyage difficile
Entrer dans le camp de concentration et d'extermination de Birkenau et fouler, à leur tour, cette terre de martyr où fut mise en œuvre la solution finale, ces 120 élèves de 3ème prennent peu à peu la mesure de ce voyage... “J’appréhende un peu parce que c’est un lieu très dur mentalement, on sait ce qu’il s’y est passé, et c’est inimaginable”, ajoute Nolan, du collège Champagnat de l'Arbresle.
Découvrir ce lieu emblématique de la Shoah où un million et demi d'hommes de femmes et d'enfants essentiellement des juifs d'Europe ont été méthodiquement assassinés par les nazis, c'est un voyage de mémoire que le département du Rhône continue d'organiser tous les ans depuis 1995 pour des collégiens de 3ème. Totalement pris en charge par la collectivité, essentiel pour le travail de mémoire, il a aussi pour objectif de participer à la prise de conscience des risques engendrés par le racisme et la xénophobie. Dans l’académie de Lyon, environ 350 collégiens et lycéens font le voyage chaque année. “Il est important que nos jeunes soient les porte-paroles et les témoins de ce qu’il s’est passé ici, et il n’y a qu’ici que l’on peut se rendre compte de l’atrocité de ce qu’il s’est passé”, explique Jean-Jacques Brun, conseiller départemental du Rhône à la citoyenneté.
Mettre des mots sur l'horreur
Avec appréhension mais aussi avec beaucoup de respect, les jeunes adolescents découvrent les vestiges des chambres à gaz où jusqu'à dix mille personnes par jour étaient méthodiquement exécutées et les baraquements de ceux qui échappaient, momentanément, à la mort... “C’est très émouvant, ça me fait vraiment de la peine et je me rends compte de ce qu’il s’est vraiment passé, avant je ne me rendais pas compte, en fait”, raconte Lena, du collège Hector Berlioz de Communay. “J’ai pris en photo les fresques que dessinaient les détenus, j’ai pris des photos des lits... Je vais les garder précieusement pour raconter à ma famille, comment ils étaient traités ici...”, assure son camarade Farhel.
Arbeit macht frei, "le travail rend libre", l'emblématique et cynique slogan trône au sommet du portail d'Auschwitz. C'est ici qu'ils pénètrent l'après-midi, dans les bâtiments de briques transformés en musée et où s'entassent les preuves matérielles du traitement infligé aux juifs. “La plupart des enfants sont morts et les photos qu’on voit là, c’est... c’est affreux”, s’exprime Julie, élève au collège Hector Berlioz de Communay. Entre incrédulité et stupéfaction, ils essayent de mettre des mots sur l'horreur... “C’est surtout déguelasse, ça me dégoûte, que des humains soient capables de pareilles choses, avec d’autres humains”, s'exprime encore Sophie.
Ils quittent le complexe de désolation, accablés par l'émotion, par la responsabilité aussi de porter la charge du devoir de mémoire...