Alors qu'il manifestait, à Lyon, contre la réforme des retraites, Arthur Naciri avait été victime de violences policières en décembre 2019. Les deux fonctionnaires de police ont été condamnés à douze mois de prison. Ils lui ont cassé neuf dents ce jour-là. Un jugement qui va au-delà des réquisitions.
Le jugement était attendu. Il a été prononcé ce 24 novembre 2022. Les deux fonctionnaires de police sont condamnés à douze mois de prison pour violences volontaires "en réunion", une circonstance aggravante, selon le tribunal. Un jugement qui sera allé au-delà des réquisitions : le procureur de la République, lors de l'audience en septembre dernier, avait demandé dix mois.
Le tribunal dans son jugement note également que les deux policiers ne sont pas exonérés d'une inscription au casier judiciaire.
Ils sont également condamnés à verser solidairement la somme de 20 000 euros (environ) à la victime et réparer le préjudicie moral et corporel.
"Je suis très content de la décision qui les reconnaît coupables. Ca fait du bien. Ca fait deux ans et demi qu'on me questionne, qu'on ne me croit pas quand je parle. Cette fois la décision a été prise. Je ne peux que m'en féliciter", a déclaré devant la presse Arthur Naciri, 26 ans, en sortie d'audience.
"Les juges, on les abuse pas, on ne peut pas leur raconter n'importe quoi quand c'est filmé, quand on est en plein air, quand on est Place Bellecour, quand il y a un jeune homme avec la bouche en sang", a réagi à ses côtés son avocat Me Thomas Fourrey, se félicitant "d'une décision forte".
L'avocat de la défense a déjà annoncé qu'ils feront appel de cette décision.
Un procès que la victime a attendu
Après quatre renvois, les deux prévenus, membres de la brigade anticriminalité (BAC) lyonnaise, ont comparu le jeudi 22 septembre 2022, pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique". Arthur Naciri, alors âgé de 23 ans, avait obtenu pour ces faits une ITT de plus de huit jours.
De passage à Lyon et présent selon lui "par hasard" au sein du cortège réunissant plus de 10.000 personnes, le jeune saisonnier avait eu 21 jours d'ITT, ainsi que des milliers d'euros de frais dentaires.
"Une interpellation n'est pas synonyme de matraquage", les mots du procureur dans son réquisitoire ont été sans appel. "Cette technique d'interpellation n'est pas nécessaire, et elle est grave."
Ce qui m'est arrivé est anormal
Arthur Naciri, victime présumée de violences policières
Arthur Naciri a expliqué, lors de l'audience, qu'il rêvait du procès depuis des années. "Ça fait du bien de vider son sac et de voir qu'il y a consensus sur le fait que ce qui m'est arrivé est complètement anormal".
Des images accablantes
L'avocat du plaignant, Maitre Fourrey, s'est appuyé sur les 180 photos et vidéos prises par des témoins, et diffusées au procès, pour démontrer comment Arthur a été agrippé par un policier et ensuite relâché la bouche ensanglantée.
Aucun des prévenus n'a reconnu les faits durant l'audience, l'un expliquant ne pas avoir porté de coup, l'autre démentant avoir frappé la victime au visage. "Je suis désolé de vous le dire, mais je ne sais pas comment M. Naciri a perdu ses dents", a ironisé le conseil des prévenus spécialisé dans la défense des forces de l'ordre, Me Laurent-Franck Liénard, en plaidant la relaxe.
C'est après la diffusion dans la presse de photos et de vidéos prises par des témoins montrant le jeune manifestant la bouche ensanglantée que le parquet de Lyon avait ouvert une enquête et que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait été saisie.
Un procès renvoyé à de multiples reprises
Initialement prévu en décembre 2020, le procès a été renvoyé en février 2021, à cause d'un audiencement trop chargé et de l'indisponibilité de l'avocat de la défense, Me Laurent-Franck Liénard.
La défense a ensuite demandé un second renvoi pour analyser une photographie produite par la partie civile, montrant que l'auteur des coups n'était pas celui désigné par l'IGPN au terme de son enquête.
L'audience suivante, fin septembre 2021, a été repoussée en avril 2022 - l'expertise des images n'étant pas encore disponible. Puis celle d'avril reportée à nouveau pour un "audiencement trop chargé", dont la partie civile dit avoir été informée la veille.