Les évêques réunis à Lourdes ont évoqué la question de l'indemnisation des victimes. François Devaux et Laurent Duverger, tous deux abusés par le père Preynat et anciens membre de l’association «La Parole libérée» réagissent aux annonces et mesures prises par la Conférence des évêques.
Vente de biens immobiliers, création d’une instance pour indemniser au cas par cas, des groupes de travail pilotés par des laïcs et le Vatican en soutien des diocèses, Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France a exposé les mesures pour lutter contre la pédocriminalité dans l'Eglise et indemniser les victimes, ce lundi 8 novembre.
Une avancée pour celles et ceux qui se battent depuis plusieurs années pour que réparation soit faite. Même s'il reste, selon eux, de nombreux problèmes à régler.
«Le pape est parfaitement conscient de la situation et il se limite à exprimer sa honte»
Après avoir co-fondé l’association «La parole libérée», Francois Devaux, victime du père Preynat, participait, le 25 octobre, à la création d’un nouveau collectif. «De la parole aux actes», c’est son nom, réclame des réponses concrètes et veut mettre la pression sur l’Eglise, notamment sur cette indemnisation. Pour lui, ce lundi 8 novembre marque une étape dans le processus de réparation et dans la prise de conscience des évêques. Pour autant il insiste sur la dimension systémique des problèmes à régler au sein de l’église :
« Il me semble que les évêques commencent à prendre la mesure des travaux à accomplir. Mettre en place une méthodologie, un calendrier qui s’impose c’est une bonne chose même si cela arrive tardivement. C’est ce que je réclame depuis 6 ans. Mais les évêques vont se retrouver rapidement bloqués. Déjà, ils ont eu du mal à reconnaitre et tant qu’on ne règlera pas la dimension systémique les abus perdureront…»
Pour François Devaux, il faut se pencher désormais sur la dimension systémique de l’institution. Il aimerait aujourd’hui une approche globale et internationale des abus au sein de l’Eglise :
« Toutes ces questions viennent de Rome. Ce serait au pape de dire «oui je reconnais la responsabilité de l’Eglise». Le pape est parfaitement conscient de la situation et il se limite à exprimer sa honte… Il y a eu l’Australie, l’Irlande, l’Allemagne, le Chili, Boston etc. Le problème systémique existe dans la religion catholique et il est beaucoup plus international. Il y a un lien de subordination des évêques au pape et des prêtres aux évêques».
«J’aurai trouvé parfaitement scandaleux qu’on demande aux fidèles de mettre la main à la poche»
Laurent Duverger, lui aussi victime du père Preynat et ancien membre de «La Parole libérée», se félicite des annonces du président de la Conférence des évêques de France. «Enfin !». C’est le premier mot qui lui vient à l’esprit. Voilà 6 ans qu’il se bat pour que la responsabilité institutionnelle de l’Eglise soit reconnue :
« On pourrait dire qu’il y a un grand pas qui vient d’être franchi puisqu’il a fallu 6 ans depuis le début de notre combat pour qu’on arrive enfin à cette reconnaissance de responsabilité… Jusqu’à présent, on avait l’impression que cette conférence tergiversait sur les termes mêmes de cette indemnisation. Je ne sais plus quels mots étaient employés mais on ne parlait pas d’indemnisation mais d’un pécule, ou d’un versement… Là, on parle vraiment d’indemnisation et donc de victimes».
Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a déclaré que le fonds d'indemnisation des victimes serait financé par les "biens" de l'Eglise ou un "emprunt". Laurent Duverger approuve et aurait très mal perçu qu’un appel aux dons des fidèles ait été mis en place :
« Moi, j’aurai trouvé parfaitement scandaleux qu’on demande aux fidèles de mettre la main à la poche pour des actes dont ces gens ne sont pas responsables. Il est temps que l’Eglise prenne entièrement ses responsabilités et gère elle-même ces indemnisations».
Laurent Duverger s’étonne tout de même que les évêques aient demandé le soutien du Vatican. Avec François Devaux, ils ont réclamé à plusieurs reprises des audiences au pape et à chaque fois ont été éconduits.