Faute de visibilité sur la reprise d'activité des restaurateurs, un distributeur de boissons de Saint-Symphorien d'Ozon, dans le Rhône, organise une opération de déstockage. Objectif de cette entreprise familiale centenaire: se délester de plusieurs milliers de bouteilles.
"Je préfère me couper la main que perdre mon bras", une petite formule qui en dit long sur la détresse de Nicolas Duchamp. Ce dernier est à la tête d'une entreprise familiale de distribution de boissons qui compte 16 salariés. Une reprise réussie voilà quatre ans pour cette maison créée en 1879 à Saint-Symphorien d'Ozon et qui affiche une belle santé. Aujourd'hui, le représentant de la 5e génération à la tête des "Caves du Centre" se prépare à lancer une grande opération de déstockage. Le besoin de se délester d'une partie de son stock se fait pressant. Une partie arrive bientôt à date DDM (date de durabilité minimale). "Les produits restent consommables après cette date", rassure-t-il. Pour Nicolas Duchamp, il devient impossible d'attendre plus longtemps : "nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre une réouverture pour espérer ne pas perdre nos produits".
Besoin urgent de déstockage : effet collatéral de la crise Covid
Pour Nicolas Duchamp, ce sont 400.000 euros de marchandises et 160.000 euros de consignes qui dorment aujourd'hui dans son entrepôt, en attendant une hypothétique reprise d'activité du secteur de la restauration. Et le jeune chef d'entreprise n'entrevoit pas "le bout du tunnel". Alors que les hôtels et restaurants ont tiré le rideau depuis plus de quatre mois, l'annonce d'une date de réouverture tarde, provoquant inquiétude et incertitude.
"On avait réussi après un premier confinement douloureux à écouler notre stock, mes fournisseurs sont payés ! Aujourd'hui, il y a trop de stock". Nicolas Duchamp se désespère et ne cache pas son amertume. D'autant que les frais fixes plombent les finances de cette entreprise familiale "saine" et centenaire. A-t-il anticipé la reprise avec trop d'optimisme? Fallait-il commander moins de produits en prévision d'un nouveau confinement? Une simple question de logistique répond Nicolas Duchamp : "on ne commande pas une palette après l'autre mais des camions complets".
Hôtels, restaurants mais aussi associations, cette entreprise du Rhône compte environ 400 clients dans Lyon et sa périphérie. Elle assure les livraisons grâce à sa flotte de camions, aujourd'hui quasiment à l'arrêt : l'entreprise est passée de 30 à 2 tournées hebdomadaires. Le distributeur de boissons avait pourtant réussi à surmonter le premier confinement de mars.
Le confinement de mars surmonté
C'est l'été qui s'est révélé une période particulièrement prospère : les commandes ont afflué et ont permis d'écouler le stock de boissons. A noter que 50% du chiffre d'affaires de l'entreprise symphorinoise provient de la bière. Comment expliquer cette période de répit? "Un effet de rattrapage", selon Nicolas Duchamp. Mais l'annonce fin octobre de la fermeture du secteur hôtellerie-restauration a mis un coup d'arrêt brutal à la reprise des entreprises du secteur de la distribution de boissons. Elle met à présent sérieusement en péril l'entreprise rhodanienne. Avec une perte de plus de 85% du chiffre d'affaires, Nicolas Duchamp redoute de voir réduit à néant les efforts de ses parents et de ses aïeux.
Le chef d'entreprise qui explique avoir payé ses fournisseurs, payé ses produits notamment grâce à un PGE (prêt garanti de l'Etat), a aussi le besoin de faire rentrer de l'argent frais dans les caisses afin d'assurer l'avenir. Faute de liquidités pour renouveler son stock et continuer à honorer les factures de ses fournisseurs, il redoute d'avoir à fermer boutique. Une option qu'il ne peut envisager. La vente du stock lui est apparue comme une solution.
Une opération anti-gaspi
Pour ne pas jeter, il a décidé d'ouvrir son dépôt et d'organiser une grande vente aux professionnels mais aussi aux particuliers, le vendredi 5 mars et le samedi 6 mars 2021. "Ce sont près de 30.000 bouteilles de bières, vins, eaux, jus ou encore alcool qui seront vendus. Soit près de 80.000 euros", a expliqué le chef d'entreprise. Avec cette opération, "le but est de proposer des produits de qualité accessibles à tous", résume Nicolas Duchamp. Vins rosés, bières en bouteilles ou encore jus de fruits, les produits arrivant à date avant fin mai seront donc mis en vente, pour la plupart à un prix inférieur à leur prix de revient. L'objectif est donc double : retrouver de la trésorerie tout en évitant le gaspillage.
Le personnel des Caves du Centre sera mobilisé durant les deux jours pour accueillir le public, dans le respect des gestes barrières ... et sans modération.