Bruno Vacelet se prépare à changer de vie après 25 ans dans l'éducation nationale. Il ne se retrouve pas dans les injonctions d'urgence de son institution de tutelle. Sans regrets, il souhaite quitter l'école et se reconvertir. Pour lui, c'est le moment de passer à autre chose.
Bruno Vacelet prépare sa reconversion. Après 25 ans d’enseignement et "avant l’année de trop", il a décidé de jeter l’éponge. Les réformes successives, le manque de moyens, de reconnaissance, de salaire ont eu raison de ses idéaux et des valeurs pour lesquelles il avait choisi ce métier. L'homme est tranquille, serein. Il aspire à une autre vie plus en accord avec ses aspirations, tout simplement.
Pas assez de stabilité, tout change trop vite
Convaincu d'avoir joué le jeu et du devoir accompli, Bruno veut, lui aussi, comme des centaines de ses élèves l'ont fait avant lui, passer le portail de l'école et ne plus y revenir. Il désire aujourd'hui vivre autre chose. Comme beaucoup, il en a pris conscience pendant le confinement. "Durant ce temps qui n'était pas planifié, pas programmé, mon cerveau s'est dit : il n'y a rien à faire comme d'habitude et ça a amené un vide qui s'est rempli par des réflexions". L'heure du bilan en quelque sorte. "Ça fait un certain nombre d'années où les choses s'accélèrent, où on sent qu'on est un peu déconnecté avec les prises de décisions de la part des dirigeants par rapport à ce qui se passe sur le terrain". L'enseignant a peu à peu perdu ses repères.
Je n'ai pas eu de sentiment de colère mais l'intuition que je serais mieux à ma place ailleurs
Bruno Vaceletenseignant
Bruno ne se braque pas contre sa hiérarchie. "Ce que je reproche à l'éducation nationale, je le reproche à la société. J'ai fait mon heure dans une institution pour laquelle j'ai beaucoup de gratitude. Elle m'a apporté beaucoup". Mais aujourd'hui, la grande instabilité, parfois même l'urgence, dans laquelle il se retrouve, ne lui permet plus d'enseigner sereinement. "Avant, on avait un livre avec les programmes. Maintenant, c'est tout sur internet et on apprend par une lettre d'information que ça va changer. Tout s'accélère !"
À quoi bon faire ce que l'on attend de moi, si moi, je ne m'y retrouve pas. Il me faut une grande liberté. J'ai une pédagogie basée sur la découverte des notions, sur l'élève qui prend part pleinement à ses apprentissages. Il a une vraie autonomie dans la classe.
Bruno Vaceletenseignant
Pour ne pas finir aigri
L'air du temps, favorable à la reconversion et au changement de vie, l'a aussi un peu aidé dans ses choix. "À 25 ans, quand j'ai commencé, je me sentais bien à ma place. J'ai vécu des choses incroyables avec les élèves, des émotions fortes, des situations très enrichissantes, dures aussi et un jour, on a envie d'aller voir ailleurs".
La cinquantaine lui a permis de mieux s'écouter, de suivre ses aspirations, tout comme il le dit à longueur de journées à ses élèves pour libérer les émotions et éviter les crises. Un juste retour des choses en quelque sorte. "J'arrive à un âge ou je me demande pourquoi s'infliger des choses qui ne me correspondent pas. J'ai commencé, je n'étais pas père. Aujourd'hui, mon fils a 20 ans. J'ai évolué". Bruno est aussi vigilant sur sa santé mentale. "Il a combien d'enseignants qui finissent leur carrière en étant aigri. Quarante ans avec des élèves, c'est usant. Je n'ai plus autant d'énergie à mettre dans la classe".
"Les enfants, c'est tous les jours. Il n'y a pas de jours où on se dit qu'on va se reposer un peu.
Bruno VaceletEnseignant
De plus en plus de démissionnaires
La situation de Bruno est loin d'être isolée. Chez le syndicat majoritaire des professeurs des écoles, pas une semaine sans recevoir des appels ou des messages de collègues en souffrance ou en quête d’accompagnement. Dans le Rhône, l’an passé, 78 enseignants ont quitté l’éducation nationale. Depuis la rentrée de septembre, ils sont déjà 24 à être partis. Un nombre de démissions multiplié par 5 en 10 ans.