VIDEO. Journée internationale des réfugiés: "J'ai quitté Kaboul avec une valise, deux ou trois vêtements"

Le 20 juin, c’est la journée internationale des réfugiés. Chaque année, l’antenne villeurbannaise de l'association Forum réfugiés organise sa traditionnelle « Marche des parapluies ». Parce que vivre en sécurité et être traité dignement sont des droits non négociables.

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Des bénévoles de l’association Forum réfugiés s’activent, sous un soleil de plomb. « Mettez-vous à l’ombre », crie une bénévole dans un micro. Une représentante du Haut-Commissariat pour les réfugiés de l’ONU est également présente à Lyon, devant la gare des Brotteaux. 

Plusieurs dizaines de personnes agitent des parapluies tous ornés d’une phrase : "Protégeons les réfugiés !". Une autre bénévole dénonce les idées du Rassemblement National.

Au milieu de cette effervescence, deux femmes réfugiées. L’une a quitté son pays natal depuis vingt-cinq ans, l’autre depuis neuf mois. Mais pour Olga comme pour Atifa, l’exil est une douleur de chaque jour, qui jamais vraiment ne s’efface. Pour autant, leurs paroles ne sont pas larmoyantes mais intimes, graves et sincères.

"C'est un peu triste d'être réfugiée"

Elle a les traits fins et une voix fluette. Elle s’appelle Atifa et elle est comédienne. Elle est arrivée en France après la prise de pouvoir des talibans, en août dernier. Elle montre volontiers des photos de ses sœurs sur son Iphone. Il y a neuf mois, elle a laissé toute sa famille derrière elle. "Notre troupe était connue en Afghanistan, on était en danger", explique-t-elle.

Dans son témoignage, Atifa évoque avec une humilité désarmante comment elle est devenue réfugiée en une heure : son départ de Kaboul "avec une valise, avec deux ou trois vêtements", sans dire une dernière fois au revoir à sa famille. Cela fait désormais neuf mois qu’Atifa et sa troupe sont réfugiées à Villeurbanne. Toutes les comédiennes ont repris le théâtre.

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Atifa se confie sur son expérience de réfugiée. ©France TV

"Ce n’est plus possible de penser rentrer en Afghanistan avec les talibans. Si les talibans partent, je retournerai peut-être dans 15 ans ou dans 20 ans. Je pense à mon avenir ici, en France", confie-t-elle.

La jeune femme témoigne très sincèrement de l’ambivalence de l’exil. "C’est un peu triste d’être réfugiée, raconte-t-elle, quand tu te forces à quitter ton pays pour venir dans un pays dont tu ne connais ni la langue, ni la culture, c’est un peu difficile. Mais c’est beau aussi car tu es dans un nouvel endroit, pour apprendre de nouvelles choses".

"Etre réfugiée, c'est toujours une marque"

Autre génération, mais même douleur de l'exil.

Au centre culturel Latinos de Lyon, un groupe de séniors répète des mots en espagnol avec application. "El planeta es tu casa"  ("la planète est ta maison"), lit-on sur le mur.

Madame la professeure s'appelle Olga et elle est franco-chilienne. Elle est arrivée en France en 1977, peu après l’arrivée au pouvoir de Pinochet. Elle a ouvert le centre culturel où elle enseigne l’espagnol. 

Olga se livre, parfois avec la voix qui tremble, sur la douleur de quitter son pays d’origine, sur son arrivée à Paris au beau milieu du mois de juillet 1977, sur son apprentissage rapide du français grâce à son engagement militant, sur le difficile apprivoisement de sa double-identité... Son témoignage est puissant et bouleversant.

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Olga, franco-chilienne, se livre sur son expérience de l'exil. ©France TV

Même si elle a obtenu la nationalité française, la pétillante Olga se définit elle-même réfugiée à vie. La cause des réfugiés est ancrée en elle : "Etre réfugiée, c’est toujours une marque. Je suis très sensible aux autres réfugiés, c’est quelque chose qui me touche profondément. Au fond de mon âme, je serai toujours une réfugiée. Je suis ici parce que des raisons m’ont fait quitter mon pays. Aujourd’hui, le mot réfugié a une connotation plus négative. Avant, il n’y avait pas cette connotation. Aujourd’hui, on voit les réfugiés comme des gens qui veulent profiter d’un pays ".

"Plus de 100 millions de personnes déplacées et plus de 30 millions de réfugiés" 

Jean-François Ploquin, le Directeur général Forum réfugiés nous offre une petite leçon d’histoire des réfugiés… et montre que la seconde moitié du XXe siècle a été marquée par les migrations forcées de masse, en Europe d’abord, puis dans le reste du monde.

"Il y a 40 ans, c’est le début de la mondialisation de l’asile. Le droit des réfugiés, il a été construit pour les Européens à la fin de la Seconde guerre mondiale. Il ne s’appliquait qu’aux Européens jusque dans les années 1960. Et puis on a vu les coups d’Etat dans les pays d’Amérique latine dans les années 1970. On a vu les boat people fuir les camps de Thaïlande. On a vu les personnes fuir les conflits en Afrique, au Moyen-Orient et au Sri Lanka. L’accueil des réfugiés a été en résonnance avec les grands conflits", explique-t-il.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de réfugiés augmente considérablement d’année en année. "Aujourd’hui, on est à plus de 100 millions de personnes déplacées et à plus de 30 millions de réfugiés. Il y a un caractère massif des déplacements forcés. On l’a vu avec le conflit ukrainien, avec le conflit syrien, avec le conflit afghan : les gens sont déplacés par millions. Il y a un grossissement des chiffres depuis 30 ans", déplore Jean-François Ploquin.

L'association villeurbannaise Forum réfugiés a organisé ce lundi 20 juin 2022 la traditionnelle "Marche des parapluies". ©France TV

Et si l’accueil des réfugiés s’est amélioré, on peut faire mieux. "Mais il continue à dysfonctionner car il est toujours en retard d’un cran. On crée des places mais il en manque toujours. Ça reste laborieux", poursuit le directeur de Forum réfugiés.

Récemment la démonstration de solidarité des Français à l’égard des réfugiés ukrainiens a parfois fait grincer des dents. Certains dénonçaient que ce traitement ne soit pas réservé à l'ensemble des demandeurs d'asile qui arrivent en France, quel que soit leur pays d'origine.

"Les réfugiés ukrainiens, c’est tout à fait particulier. Pour la première fois, l’Union Européenne a décidé d’appliquer une directive de 2001. L’explication, c’est que tous les pays européens ont été concernés en même temps et que les pays habituellement réticents à accueillir des réfugiés, comme la Pologne ou la Hongrie, était en première ligne. Et puis ça s’est joué sur le territoire européen, sur notre sol", explique-t-il.

"El planeta es tu casa"...

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