Le 19 octobre 1995, le juge Bernard Borrel était retrouvé mort à Djibouti. La justice locale a conclu à un suicide, alors que la justice française privilégie l'assassinat. Depuis 20 ans, sa veuve, Elisabeth Borrel, -une Savoyarde elle-même magistrate- se bat pour que toute la vérité soit faite.
Un interminable combat judiciaire. Elisabeth Borrel se bat depuis 20 ans pour faire éclater la vérité sur la mort de son mari, le juge Bernard Borrel. Magistrate elle-même, aujourd'hui en poste dans l'Ain, son métier est un atout : le dossier judiciaire remplit désormais des milliers de pages, une quarantaine de classeurs.
Le 19 octobre 1995, Bernard Borrel est retrouvé mort, le corps en partie calciné, à 80 kilomètres de Djibouti. Le magistrat était détaché au titre de la coopération. L'enquête conclut à un suicide. Mais le doute s'installe, malgré les blocages et les pressions. Finalement, en 2003, une expertise médico-légale confirme la thèse de l'assassinat.
En toile de fond : un attentat survenu à Djibouti en 1990 visant des Français et auquel s'intéressait le juge Borel. Il y a aussi l'importante base militaire française. Y aurait-il connivence entre les deux Etats ? En 2007, une perquisition est tentée en vain à l'Elysée. Mais des documents sont saisis aux ministères de la justice et des affaires étrangères. S'y ajoutent des témoignages qui mettent en cause le président djiboutien et son entourage.
En mai dernier, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour atteinte à la liberté d'expression. L'avocat d'Elisabeth Borrel avait été poursuivi pour avoir mis en cause l'impartialité de la justice dans cette affaire.
La Raison d'Etat ne peut pas arrêter la justice"
Vingt ans après le décès du juge, l’instruction est toujours au point mort : aucune mise en examen n’a jamais été prononcée, l’identité des auteurs et commanditaires de l’assassinat n’est pas établie et aucun mobile incontestable n’est avancé pour expliquer l’assassinat de ce coopérant judiciaire manifestement devenu gênant.
Pour sa veuve, "pas question de laisser tomber ce dossier, ce n'est pas tant la condamnation qui m'importe, c'est le fait de savoir. Je sais qu'il y a des ADN qui doivent permettre d'aller jusqu'au bout, et j'irai jusqu'au bout." et Elisabeth Borrel poursuit :" La Raison d'Etat ne peut pas arrêter la Justice concernant l'assassinat d'un magistrat, sinon la justice n'existe pas. Il y a des personnes qui savent, il y a des civils français, et des militaires français qui savent"
Reportage de Xavier Schmitt & Anne Ployart