C’est une histoire de reconversion. Ancien chef de projet chez EDF, Benoit Badin est devenu le premier vinaigrier artisanal en Savoie. Depuis un an, ce passionné rachète des vins savoyards rouges et blancs non-commercialisables pour fabriquer un vinaigre d’exception.
Du vin rouge, il a gardé la robe couleur rubis et le nez parfumé. Après trois mois en fût, c’est la première fois que Benoit Badin met cette production de vinaigre en bouteille, dans son petit atelier de la Biolle, en Savoie.
"Au niveau des arômes, on est sur quelque chose qui nous emmène du côté du vin. C’est le vinaigre à l’ancienne que faisaient beaucoup de familles, dans un tonneau qui restait à la cave. Donc on est sur les bonnes choses d’autrefois" décrit-il tout en embouteillant son précieux liquide.
Quand le vin tourne au vinaigre
Ancien chef de projet chez EDF, Benoit Badin s’est reconverti en vinaigrier. Passionné par les vertus de ce produit naturel et écologique, il dit avoir eu "une révélation" en lavant ses légumes avec du vinaigre un soir. "J’ai ensuite étudié la chose pendant quelques mois, et quand j'ai vu que ça pouvait être viable, j'ai lancé le projet en bonne et due forme".
Depuis un an, il rachète des vins de Savoie issus de cépage Mondeuse et Jacquère. Des productions déclassées, trop acides pour être commercialisés. "Les vins qui ont subi une piqûre acétique partiraient à la distillerie s’il y a des gros volumes, sinon probablement à l’égout. Donc ce projet permet une valorisation territoriale de notre production savoyarde" explique-t-il.
Son vinaigre, il le travaille comme un millésime, et le fait maturer dans des fûts aillant servis à vinifier des grands crus bordelais.
À la tête de l’entreprise Millefaut et Badin, le vinaigrier rachète les stocks déclassés à un prix plus élevé qu’en distillerie, mais il reconnaît que le sujet reste tabou du côté des vignerons : "Il y a trente ans, les vins de Savoie avaient mauvaise presse et aujourd’hui, on a des produits locaux admirables. Donc, après tout ce travail, certains vignerons ne veulent pas que leur nom soit associé à du vinaigre. Mais c’est un frein qu’on arrive rapidement à passer. Car matière première de qualité signifie produit de qualité, et tout le monde est à l’aise avec ce raisonnement-là".
Toutefois, Benoit Badin se garde bien d’indiquer de quels domaines savoyards viennent précisément les vins rachetés. Dans le monde de la viticulture, la discrétion est reine. Même si cette valorisation de fûts déclassés permet d’éviter le gaspillage.
"L’imagination est notre seul frein"
Outre le recyclage, le vinaigrier veut surtout mettre les projecteurs sur une production locale. Dans son atelier, tout vient de Savoie. Même les plantes qui lui servent à aromatiser son vinaigre de vin blanc, comme le génépi, le thym citron ou encore la sarriette.
Son principal fournisseur d’herbes aromatiques se trouve d’ailleurs à quelques mètres de là, de l’autre côté du village de la Biolle. Avec ces nouvelles saveurs, capables de sublimer une vinaigrette ou un poisson, Benoit Badin espère convaincre des restaurateurs en quête de nouvelles recettes.
"L’imagination est notre seul frein, déclare-t-il. L’idée, c’est d’aller ouvrir sur beaucoup d’autres plantes et d’aller chercher des arômes qui sont plus rares et plus spéciaux que le vinaigre d’estragon que tout le monde connaît.
À terme, Benoit Badin espère embouteiller jusqu’à 15 000 litres par an. Unique producteur de Savoie, il rejoint ainsi la courte liste des vinaigriers artisanaux. Seulement une douzaine dans toute la France.