"Il faut vivre la montagne, pas la consommer", Gaëtan Gaudissard, skieur et réalisateur

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Vivre la montagne, pas la consommer
Passionné de ski, Gaëtan Gaudissard, fan de pentes raides, avait à cœur de vivre en harmonie avec la nature. ©France 3 Auvergne-Rhône-Alpes

Gaëtan Gaudissard, Ingénieur dans l’automobile, a délaissé une carrière toute tracée dans ce secteur pour devenir charpentier, une nouvelle activité plus en ligne avec ses valeurs. Passionné de ski, ce fan de pentes raides avait à cœur de vivre en harmonie avec la nature. Déplacements, alimentation, vêtements, logement, il fait aujourd’hui attention à son empreinte carbone dans chacun de ses gestes.

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Très engagé,Gaëtan Gaudissard réalise des films spectaculaires où il mélange descentes vertigineuses et rencontres inspirantes. Il y alerte sur les dangers du dérèglement climatique et réfléchit sur le sens à donner à sa pratique sportive en 2023.

Vivre la montagne, pas la consommer

Ses skis dépassent de la corniche. Le sommet est tellement étroit que ses spatules surplombent le vide. "3 !  2 ! 1 ! Go !" Gaëtan Gaudissard bascule dans la pente et s’élance dans une immense face très raide avec des parties à 45 degrés. En quelques secondes, il a tracé deux immenses S sur la montagne. Six cents mètres plus bas, après avoir sauté au-dessus d’une corniche, il se retourne, crie de joie et vient taper dans la main d’un caméraman.

Ce que j’aime, c’est mêler le ski alpinisme au freeride...

Gaëtan Gaudissard

Le skieur de 28 ans est passionné par la montagne. La neige, c’est toute sa vie. Il glisse presque 8 mois dans l’année, d’octobre à juin. Tout dépend des années et des conditions. "Ce que j’aime, c’est mêler le ski alpinisme au freeride, c’est faire de belles ascensions et derrière arriver à faire du grand ski, à jouer avec le relief sur de belles pentes, essayer d’aller vite, sauter des rochers, profiter d’être en altitude pour me régaler avec de la bonne neige, loin du monde, dans des paysages grandioses" explique-t-il. Pour assouvir sa passion, le reste de l’année, il fait de l’escalade, du VTT. À fond comme avec ses planches de ski. À Sainte-Foix-Tarentaise, au-dessus de la vallée de Bourg-Saint-Maurice, le terrain s’y prête. "Avec le temps que je passe en montagne, même si je suis jeune, je la vois forcément évoluer"  confie l’athlète.

"La montagne, je la ressens de plus en plus souvent triste. Je trouve que de plus en plus souvent elle a un visage qu’elle ne devrait pas nous montrer. Pour moi une montagne triste, c’est quand l’hiver au lieu d’être toute blanche, elle est toute grise, quand l’été au lieu d’être toute verte, elle est toute marron, c’est quant au lieu de voir des glaciers tout bleus, tout brillants, on les voit tout ternes. Ce qui me frappe dans ma pratique, c’est de voir cette montagne de plus en plus triste, quelle que soit la saison."

Changement de vie

Si cette transformation rapide laisse beaucoup de personnes indifférentes, pour Gaëtan, elle a agi comme un "catalyseur". Lui qui passait tous ses week-ends à glisser, insouciant, lui qui jusque-là se contentait de dévaler les faces à toute vitesse sans se poser trop de question, s’est intéressé petit à petit au dérèglement climatique, à son origine et à ses conséquences. Et à force de se documenter, il s’est dit que s’il voulait continuer à profiter de cet univers si fragile qui le nourrissait tant, il ne lui fallait plus qu’il consomme la montagne, mais qu’il vive en harmonie avec elle. Après ses études d’ingénieur en génie mécanique et en plasturgie à l’Insa Lyon, il s’apprêtait à faire carrière dans l’automobile, une industrie plutôt polluante, à l’origine d’une grande partie des gaz à effets de serre. Pour être en cohérence avec ses idées, il a déménagé en Savoie et tout abandonné pour devenir charpentier. 

... nous employons du bois qui a poussé dans la vallée. Entre la pousse du bois et la maison, il y a au grand maximum 50 kilomètres...

Gaëtan Gaudissard

"Je suis passé à quelque chose qui a moins d’impact sur l’environnement et qui a plus de sens à mes yeux" explique-t-il. "Je construis des maisons à ossature bois. Ces logements ne sont pas en béton. L’avantage avec ces habitations en bois, c’est qu’on peut faire un complexe d’isolation, plus respirant, plus performant qui offre un confort sans équivalent. En plus, nous employons du bois qui a poussé dans la vallée. Entre la pousse du bois et la maison, il y a au grand maximum 50 kilomètres. Parfois, les arbres ont poussé sur le versant d’en face, ils ont juste été déplacés et transformés en poutres. C’est plus beau et c’est plus naturel que de faire venir du bois acheté en Scandinavie ou en Chine." 

Mais sa prise de conscience est allée bien au-delà d’une nouvelle orientation professionnelle. Il se soucie désormais de son empreinte carbone à chaque moment de sa journée. "Je trouve que c’est une richesse personnelle de se poser ce type de question dans tous les petits gestes du quotidien et d’évaluer l’impact de notre alimentation, de notre logement, de nos vêtements, de nos déplacements. On en vient à se demander si cela a du sens de faire des kilomètres juste pour aller manger avec un ami. Remettre tout cela en question est très riche humainement, cela amène à plus de simplicité."

Afin d’être en ligne avec ses convictions, Gaëtan a revu complètement sa manière de vivre. Il se rend tous les jours sur son lieu de travail, bien que celui-ci soit situé relativement loin en altitude, avec son vélo électrique. Dans le même esprit, il a trouvé un lopin de terre ensoleillé et il cultive sans pesticides herbes et légumes. Fin octobre, il récolte encore avec délectation des courges et des tomates resplendissantes. Il s’est même lancé récemment dans l’apiculture, "l’happyculture" tant il semble heureux de s’occuper de ses ruches. 

Donner du sens

À côté de cela, Gaëtan est devenu réalisateur. Amoureux de l’image, il essaye de transmettre à travers ses films son amour du ski. "J’ai envie de partager ce que le ski m’a apporté au sens large : le plaisir de la glisse, le bonheur d’être en montagne, mais aussi quelque chose de plus profond, du temps pour nous ouvrir et réfléchir." Ses films bien tournés et bien montés et ses images plutôt léchées. Ses descentes, droit dans la pente, sont spectaculaires et en trois virages, il est en bas… Mais plus que ses performances, ses longs formats détonnent par leurs messages. Il n’y est pas seulement question de sport et d’exploits. "Dans Conscience, mon premier film, je suis allé à la rencontre d’autres athlètes qui sont sensibles à ces questions, nous avons partagé nos questions et nos solutions" confie-t-il. "C’est logique de réfléchir, de voir comment on peut protéger ce que l’on aime et ce qui nous apporte de la joie."

Dans "Conscience", il s’interroge sur la manière de pratiquer son sport en 2023 et sur ce que l’on met derrière le mot performance. Chez lui, point d’avion, d’hélicoptère, juste de la sueur : à vélo pour arriver jusqu’aux villages, les skis sur le porte-bagage, ou en randonnée pour atteindre les sommets. "Pour moi, l’aventure commence dès que je sors de ma maison. Le voyage, c’est un état d’esprit" précise-t-il. "J’ai décidé d’utiliser de moins en moins ma voiture. J’emprunte souvent le train ou le bus. Je les combine au vélo électrique pour me rendre en montagne et après, c'est remonté ou peau de phoque pour monter sur les sommets et pour accéder en départ des lignes. J’essaye de montrer qu’on peut trouver tout ce dont on a besoin pour pratiquer notre sport autour de chez nous. On n’a souvent pas besoin de faire des milliers de kilomètres, d’aller au Japon où je ne sais où pour profiter du ski. Parfois, en regardant autour de nous, on a sous la main de quoi se faire plaisir dans la performance sportive comme moi en tant qu’athlète ou simplement s’amuser dans une pratique plus loisir."

Changer les imaginaires

Son premier grand format où on le voyait deviser avec Tony Lamiche, Victor Galuchot et Liv Sansoz, trois autres sportifs engagés pour la protection de la montagne, a rencontré un franc succès et remporté des prix. Après ce premier opus d’une heure dix, le jeune réalisateur s’est lancé dans une série en huit épisodes intitulée "Conscience, la série". Jusqu’à la mi-mars, il va poster une vidéo d’une vingtaine de minutes où il parlera de l’art du ski en compagnie de Paul Bonhomme, alpiniste chevronné et skieur en pente raide ou de la notion d’engagement et de la prise de risques avec Michel Lanne, guide et secouriste au PGHM. "Le sport aujourd’hui, c’est mon quotidien, c’est ma vie donc j’essaye de le faire avec le plus de sens possible" résume-t-il. "Je pense que le cinéma peut faire évoluer les choses, car on s’inspire tous de ce que l’on voit et je crois qu’à travers les films l’on peut changer les imaginaires. Dans notre milieu, comme dans d’autres domaines, on arrive au bout d’un système, si je peux participer à réinventer un imaginaire qui fait rêver, tant mieux."

>> du 17 au 30 décembre, les trois antennes de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes vont mettre au cœur de leur programmation, la protection de la montagne et ses écosystèmes beaux mais fragiles. #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vu que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.

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