"La montagne m’apprend tous les jours à être une bonne personne", Liv Sansoz défend l’idée d’une pratique vertueuse de la montagne

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Liv Sansoz s’engage avec la même énergie pour la protection de la nature qu’en montagne
Liv Sansoz s’engage avec la même énergie pour la protection de la nature qu’en montagne ©France 3 Auvergne-Rhône-Alpes

Liv Sansoz est une icône pour les fans de grimpe et d’alpinisme : prodige, championne du monde et gagnante de la coupe du monde à plusieurs reprises, auteur de très belles voies. Une icone et une source d’inspiration pour ceux qui s’intéressent à la protection de la montagne puisque depuis de nombreuses années elle défend l’idée d’une pratique plus vertueuse dans la vallée de Chamonix.

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Liv Sansoz est d’une humilité et d’une ouverture d’esprit déconcertantes. Des qualités qui sont l’apanage des grands. Cette grimpeuse s’est fait connaitre très jeune, adolescente en triomphant de voies où la plupart des hommes calaient. Championne du monde cadette puis junior, elle a remporté ensuite tous les titres de gloire chez les seniors, championne du monde d’escalade en 1997 et 1999  et trois fois vainqueur de la coupe du Monde en 1996, 1998 et 2000. Cette athlète hors pair a été une des premières à venir à bout de faces extrêmement techniques notamment aux Etats unis au Mont Charleston avec un passage côté 8C +. Polyvalente aussi à l’aise sur la glace que le rocher, la jeune femme originaire de Bourg Saint Maurice a relevé le défi en 2017 de réussir l’ascension des 82 sommets de plus de 4 000 mètres des Alpes. Cette longévité et ses performances dans cet univers risqué ont fait d’elle la voix et le visage de sa discipline en France chez les femmes. Et plus largement du sport en montagne.

Cette touche à tout passe en effet son temps en montagne à escalader, voler en parapente ou faire du base jump avec son compagnon Zébulon l’été et à faire du ski de randonnée ou de pente raide l’hiver.
" La montagne pour moi, c’est presque tout : c’est mon moteur, c’est mon énergie, c’est ce qui m’anime, c’est ce qui me donne l’occasion d’apprendre" confie-t-elle. " La montagne m’apprend tous les jours à être une bonne personne, à réfléchir, à décider. On y apprend à être des humains, des hommes, des femmes qui doivent être vrais, parce qu’on ne peut pas tricher, on ne peut pas avoir de filtres, on est dans des situations périlleuses qui font que l’on doit être vrai, on doit oser, on doit être courageux, téméraires, et aller de l’avant".

Une montagne qui devient de plus en plus dangereuse

Liv, qui s’apprête à devenir guide en 2023, ne lasse pas de l’observer, de l’admirer. Depuis la terrasse de son chalet des Houches dans la vallée de Chamonix, elle a une vue dégagée sur les aiguilles de Chamonix et en particulier l’aiguille du Midi si caractéristique avec son téléphérique à flanc de paroi. " Il n’est pas beau mon bureau", dit elle en rigolant. Mais en regardant en détails certains séracs, elle devient moins joyeuse. " D’ici, je peux voir la montagne changer. C’est devenu perceptible depuis une dizaine d’années et encore plus cet été avec des glaciers qui ont énormément diminué. Des voies sont devenues beaucoup plus compliquées et donc pas vraiment réalisables. En tant que guide, même si on est des professionnels de la montagne, on est obligé de s’adapter. Certaines courses que l’on envisageait jusqu’à fin juillet, on doit les prévoir au mois de juin, parce qu’en juillet, les couloirs sont trop secs,  les risques de chutes de pierre trop importants".

Agir au quotidien

Très sensible au dérèglement climatique, la Savoyarde s’efforce de réduire son empreinte carbone.  " J’ai dû repenser mes déplacements". explique-t-elle. " Au quotidien, pour des trajets cours, je favorise le vélo. Pour les longs déplacements, je me demande toujours est-ce que c’est un déplacement que je dois vraiment faire, et si c’est le cas, est-ce que je ne peux pas le faire avec d’autres personnes. J’agis ainsi à tous les niveaux de ma vie, en réduisant ma consommation d’eau, ma consommation d’électricité. Pour ma nourriture, c’est pareil. Je fais attention aux emballages des produits, j’achète davantage en vrac. Je suis végétarienne depuis maintenant 32 ans. Je ne mange vraiment plus de viande. Sans demander à tout le monde de devenir végétarien, je pense que diminuer sa consommation de viande  peut avoir un gros impact sur notre environnement".

Comme beaucoup de professionnels toujours en action,  Liv utilise beaucoup de matériel. Les placards et les couloirs de sa maison sont remplis de vêtements, de cordes, de sacs, de skis, de chaussures, de tentes ou de baudriers. Même si ses sponsors ont tendance à lui adresser de nouveaux produits, elle essaye d’en utiliser juste ce qu’il faut et de les faire durer le plus possible. Elle les garde, les fait entretenir ou recoudre dans un atelier à Servoz. Elle fait ainsi réparer ses chaussons d’escalade qui lui reviennent avec une semelle toute neuve, prêts à être utilisés. 

Investie pour faire évoluer certains produits et leur diffusion

Au-delà de sa sphère privée, Liv s’investit pour alerter l’opinion et tenter de changer certains comportements. Elle fait partie de plusieurs mouvements de protection de la montagne comme "Protect Our winters" et elle a participé à la création d’une association qui s’appelle "Une Bouteille À La Mer" et qui a pour objectif de sensibiliser le public sur les déchets  notamment dans le milieu de l’outdoor. "Lorsqu’on va acheter un casque de ski, il va y avoir un carton, du papier, un plastique à l’intérieur. Quand on achète une paire de basket, c’est la même chose. Il y a la boite, le papier pour recouvrir les chaussures, du carton pour les maintenir en forme. On s’est rendu compte que tous ces emballages généraient des tonnes et des tonnes de cartons, de plastiques qui vont  être brulés, recyclés ou jetés. On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire et avec Une bouteille à la mer, on travaille avec les marques pour diminuer toutes ces quantités de packaging. On a déjà discuté avec des grandes marques, surtout celles présentes dans le bassin annécien, qui nous ont répondu qu’elles allaient supprimer le plastique à tel endroit ou tel endroit, pour tel ou tel produit. Au final, sur des milliers d’articles, ce sont plusieurs, des quantités vraiment énormes de plastiques qui ne seront pas produits, qui ne seront utilisées et qu’on n’aura pas à recycler".

La future guide s’implique également dans les phases de conception des produits et essayer de faire en sorte que le matériel que les sportifs utilisent soit le moins impactant pour la planète. Elle encourage ses partenaires notamment textiles à produire en Europe et à employer des membranes plus respectueuses de l’environnement. " On s’est aperçu que beaucoup de vestes très étanches sont conçues avec un produit déperlant toxique qui tombe dans la neige. La neige en fondant va dans le sol, l’eau va elle dans les nappes phréatiques et au final on pollue notre eau et on met en péril notre santé" affirme-t-elle.

Sensibiliser pour entretenir l’espoir

Bénéficiant d’une petite notoriété et d’un certain respect, elle n’hésite pas quand elle le peut, à sensibiliser le grand public ou les personnes qu’elle amène en altitude. "Chez nous, les bouleversements climatiques sont plus visibles qu’en  ville ou en plaine. Dans ces endroits, si on enregistre un degré de plus, on chauffe un peu moins, on s’habille un peu moins. En montagne, on est vraiment impacté par ce bouleversement climatique avec des phénomènes de vent qu’on avait pas du tout avant, avec une hausse des températures, une diminution des glaciers et des éboulements énormes qui se produisent depuis des années et qui vont se produire de plus en plus, et de plus en plus à grande échelle". 
Pour elle, si chacun fait un geste en tant que citoyen conscient et responsable, se rapproche d’une association ou pèse au niveau politique pour influencer certains choix cruciaux, il y a encore un mince espoir.
" Le phénomène est parti sur sa lancée, cela va être difficile  de faire marche arrière". dit-elle très lucide. " Mais on peut au moins ralentir ce phénomène et essayer de préserver un maximum nos montagnes, notre agriculture, notre faune, notre flore, préserver nos glaciers, faire en sorte qu’on puisse encore avoir de l’eau potable et décaler le plus possible dans le temps le moment le très critique où tout va finir par se casser la figure".


>> du 17 au 30 décembre, les trois antennes de France 3 auvergne Rhône-Alpes vont mettre au cœur de leur programmation, la protection de la montagne et ses écosystèmes beaux mais fragiles. #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vue que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.

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