Une page d'histoire méconnue vient d'être dévoilée dans la région du lac d'Aiguebelette, en Savoie. Une association locale vient d'inaugurer un parcours avec des plaques commémoratives rappelant la déportation de dizaines de familles juives au cours de la Seconde Guerre mondiale et l'entrée en résistance de certains habitants.
La maison n’a pas tellement changé depuis août 1942. Alors que la Savoie est en zone occupée, une rafle est organisée par la Gestapo et les gendarmes français sur plusieurs communes autour du lac d’Aiguebelette. Des dizaines de familles juives sont alors arrêtées.
Un père de famille juif, Mathis, se croyant le seul menacé dans sa famille, s’échappe et trouve refuge dans une ferme à Attignat-Oncin. Sa femme est arrêtée et déportée à Auschwitz tandis que leurs deux enfants trouvent refuge chez une tante à Marseille.
Mathis, lui, reste caché par les propriétaires de l’époque, les parents de Danielle Bellemin, qui ont toujours très peu parlé de cet épisode. L'histoire est restée ignorée pendant plusieurs dizaines d'années.
"L'association a fait un gros travail et a sorti cette histoire de l'oubli parce que nous, on l’avait complètement oubliée dans la famille. On est allé de surprise en surprise. Aujourd'hui, je crois que je rends un hommage à mes parents, à tous les anonymes qui ont su accueillir et protéger", témoigne Danielle Bellemin.
Une plaque est dorénavant apposée sur l'ancien corps de ferme. Elle s'intègre dans un parcours comptant plusieurs plaques commémoratives qui viennent rappeler les actes des habitants entrés en résistance. Des dizaines d'adultes et d'enfants ont été cachés pour leur éviter la déportation.
"Personne n'en parlait"
Dans une autre maison, sur la commune voisine de Lépin-le-Lac, c’est une jeune femme de 22 ans, Jeanette, qui a été accueillie pendant un an. "Jeanette était un membre de la famille", sourit Colette Lasherme, membre de l'association Mémoire Août 42, dont les parents et grands-parents ont accueilli la jeune femme.
D'autres familles juives assignées à résidence, vivant dans la crainte de l'arrestation, venaient y trouver refuge. Les résistants locaux pouvaient également s'y ravitailler. Une tradition solidaire pour la famille de Colette qui n'a jamais rien caché de ces actes.
"Il faut connaître notre histoire parce que dans le secteur, personne n'en parlait, soutient Colette Lasherme. Les gens qui ont caché (des Juifs), c'était des héros. Ils savaient ce qu'ils risquaient, mais ils le faisaient parce que c'était pour eux leur devoir. Et en toute discrétion. Nos recherches continuent et je pense qu'on va trouver d'autres lieux où des enfants et des adultes ont été cachés."
Faire écho à l'actualité
Au cours du même mois d'août 1942, deux familles juives ont été assignées à résidence dans une autre propriété d'Aiguebelette-le-Lac, parquées ici par la préfecture pour mieux les contrôler. Quand la rafle a commencé, un père de famille s'est sauvé par l’arrière, puis un jeune garçon de 12 ans. Autant d’histoires locales qui font écho à des actualités du temps présent.
"Ce travail est important si on arrive à faire un lien avec ce qui se passe aujourd'hui, qu'on peut rebondir avec des publics jeunes, leur montrer que les événements d'hier sont des racines qui peuvent produire des événements aussi graves aujourd'hui. Il est question de rejet de l'autre, d'antisémitisme, de racisme. Des choses toutes bêtes qui peuvent induire des séparations entre les personnes et générer de la haine", estime Frédéric Pélisson, président de l'association Mémoire Août 42.
Le chemin de la mémoire est jalonné d’une vingtaine de plaques sur une dizaine de communes tout autour du lac. L’association à l’origine de ce travail étudie une dizaine d’autres sites dans la région. Dans l'espoir de mettre en lumière de nouveaux pans méconnus de l'histoire locale.