Violences familiales : en Savoie, un juge pour enfant témoigne, le confinement n’a pas eu que des effets négatifs

Le confinement, durant la crise du coronavirus, a nourri les craintes d'un bond des violences familiales, mais la réalité est plus nuancée au tribunal judiciaire de Chambéry, où l'on note l'évolution positive de certains enfants et leurs familles pendant la crise sanitaire.
 

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Et si le confinement avait eu des effets bénéfiques pour certains enfants exposés aux violences familiales ? Durant la crise du coronavirus, il a fait craindre une explosion des violences mais la réalité semble plus nuancée au tribunal judiciaire de Chambéry. 

Audience après audience, en assistance éducative, les témoignages surprennent dans le bureau de Myriam d'Halluin, juge des enfants dans la préfecture de Savoie.

Un peu plus de stabilité pour certains

A propos d'Elise (*), 14 ans, placée habituellement dans une maison de l'enfance, mais confinée chez sa mère, un éducateur reconnaît: "le confinement a permis une stabilisation de la situation, par la force des choses".

Tout n'a pas été simple mais "un équilibre est en train de se trouver" près de sa mère, et "Elise a bien travaillé" ses cours à distance.

"Le confinement a fortement aidé" la plupart des familles suivies, estime une éducatrice. "Il a été contenant": les familles ont été "obligées de se faire confiance".

Concernant une famille dont deux enfants sont placés, elle ajoute : "Aujourd'hui, on commence à travailler ensemble".

La mère des garçons admet: il y a eu "des échanges téléphoniques constructifs durant le confinement. On ne se cachait pas; on se livrait, en confiance".

Un rapprochement avec les parents

Lucas (*), lui, a vécu le confinement chez son père.

"Ca m'a un peu rapproché de lui. Il me disait de l'aider à faire des trucs. Moi, je lui proposais de faire des choses avec moi. Comme jouer au foot".

La juge l'interroge: "s'il n'y avait pas eu le confinement, ça ne se serait pas réalisé ?".

"Non, je pense pas", répond le jeune de 17 ans, en rupture avec sa mère et très inquiet pour son père, qui a été violent par le passé mais qu'il considère comme suicidaire.

Période de remobilisation

Pour Arthur (*), cette période a été celle de la "remobilisation". "Son état s'est amélioré à partir du confinement", raconte sa mère qui l'a accueilli pendant deux mois. "J'ai un enfant qui a mûri d'un seul coup".

"Il a travaillé et s'est investi dans sa scolarité", confirme son éducateur. "Ce qu'il a pu montrer durant cette période laisse penser qu'il a des capacités".

Il y a aussi ce jeune placé en centre éducatif renforcé qui, avec le soutien de sa famille, s'est calmé durant le confinement.

Tirer les enseignements du confinement

Pour tenter de comprendre ce qu'il s'est passé et en tirer des enseignements, avec peut-être de nouvelles pratiques de travail, le conseil départemental, chargé de l'aide sociale à l'enfance, a décidé de lancer une étude régionale avec l'Université de Savoie. Les premiers résultats sont attendus en octobre.

Pendant toute cette période, peu de situations ont été jugées alarmantes, à l'exception du "cas marquant" d'un père qui s'est suicidé devant ses deux enfants.

Si les inquiétudes pour les familles suivies se sont en partie apaisées, la période n'en est pas devenue complètement satisfaisante pour l'équipe du tribunal pour enfants.

Entre la grève des avocats et le confinement, environ 200 dossiers n'ont pas été traités, soit autant de situations humaines mises de côté.

Rares sont les enfants à avoir été entendus par les deux juges spécialisés de la juridiction, lors des audiences d'assistance éducative, du fait des conditions sanitaires à respecter.

Aussi par manque de temps: "je suis désolée, mais je suis débordée", dit franchement la juge Halluin à une mère de famille.

Les audiences sont devenues moins nombreuses, en application des textes du ministère. Or, "prendre des décisions uniquement sur la base de rapports, ce n'est pas satisfaisant", relève la magistrate. 

"On a été complètement infantilisé" durant le confinement, regrette-t-elle, en pointant "un manque d'anticipation". "Nous avons été six semaines sans voir les gens" et sans pouvoir prendre des décisions.

"J'ai passé deux semaines et demi à ne faire que du tri de papiers. Je suis désolée d'avoir été payée pour cela... ça me fait douter du crédit que l'institution a pour elle-même".

(*) : les prénoms ont été modifiés

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