Laurent Guillaume, présentateur du Magazine de la Montagne depuis plus de 20 ans, propose tous les jours ses "chroniques d’en haut" en attendant la fin du confinement. Il raconte avec authenticité et parfois humour le quotidien des habitants de sa vallée et porte un regard décalé sur l’actualité.
C’est à Valloire, commune située en Maurienne (Savoie) que Laurent Guillaume passe cette période de confinement, dans un hameau perdu situé à 1 700 mètres au dessus de la station. Ici, l’isolement est dans la nature des choses.
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S’il y a bien une chose dont on puisse être sûr : c’est qu’on ne sait rien. Ou pas grand-chose. Chaque jour qui passe en apporte la preuve et nous montre que la vérité de la semaine dernière n’est plus celle du lendemain. A l’échelle de mon hameau, et du point de vue météo : jamais je n’aurais pensé qu’une journée aussi belle qu’aujourd’hui allait succéder à une journée aussi pourrie qu’hier. Et pourtant la météo, c’est un sujet que je connais bien, mais qui, pour le coup, n’a pas d’autre conséquence que de me faire passer pour un con vis-à-vis de mes potes quand je leur ai dit qu’il allait encore neiger. Depuis quelques jours, la fiction dépasse tellement la réalité qu’on finirait par croire n’importe quoi. Et le plus dingue : c‘est qu’on s’y habitue…
Chaque jour qui passe en apporte la preuve et nous montre que la vérité de la semaine dernière n’est plus celle du lendemain.
L’impermanence des choses n’aura jamais été aussi flagrante que ces dernières semaines. Qui aurait imaginé, par exemple, que de simples masques de plongée serviraient à pallier le manque de matériel dans les CHU de la France du XXIème siècle ? Sans rire… Arrêtons-nous deux secondes sur la tronche de Monsieur Décathlon lorsqu’il a vu, médusé, ses masques de plongée sur la tête de malades placés en respiration assistée. Imaginez le Boss de l’enseigne, aussi incrédule que Jacques François face à Klug dans le Père Noël est une ordure, un œil rivé sur le poste et l’autre vers sa femme, en train de balbutier : Tu vas pas me croire Sophie, mais y’a les hôpitaux qui se servent du masque du petit pour sauver des vies ! Le communiqué de la marque en dit long d’ailleurs sur sa stupéfaction, lorsqu’il rappelle aux médecins que dans les magasins, les vendeurs et les concepteurs de la chose n’ont aucune compétence médicale, mais que tant mieux si ça marche, on vous les donne… Et en effet, ils les ont donnés aux hôpitaux. N’importe quel scénariste débarquant chez Netflix avec une histoire aussi improbable se serait fait jeter aux crocodiles, avec son scénario planté en travers du gosier.
Admettons que le gars survive aux reptiles, et qu’il soit aussi motivé qu’une bande de morpions dans un régiment de légionnaires. Il revient donc, un nouveau scénario sous le bras, chez le Monsieur de la plateforme de divertissement numérique. Et de raconter au patron, peu amène et échaudé par son dernier rendez-vous, l’histoire de la cinquième puissance économique du monde en pleine pandémie. Un pays où les grandes marques de parfum fabriqueraient du gel hydroalcoolique à 3 balles (Cocovid n°19 de Chanel, Covidior J’adore, Rive Gauche Interdite de Yves Saint Laurent… et j’en passe) alors que Renault, Citroën et Peugeot arrêteraient de faire des bagnoles pour construire des respirateurs, pendant que les grands noms de la mode produiraient des masques de protection en coton (Postillon Killer de Louis Vuitton, Hmmmph de chez Lacoste, Le Carré de survie de chez Hermès) et que les citoyens français risqueraient une amende de 200 balles et de la prison en cas de récidive pour être sortis de chez eux sans permission, alors que les malfrats, lassés de ne plus pouvoir vendre de la dope à cause du couvre-feu, se seraient tournés vers le trafic de gants latex, le tout dans un pays en manque de PQ.
Qui aurait imaginé, par exemple, que de simples masques de plongée serviraient à pallier le manque de matériel dans les CHU de la France du XXIème siècle ?
Nul doute que la pointure du pied droit du producteur serait encore profondément inscrite dans le postérieur de notre scénariste, qui, ayant déjà échappé aux crocodiles, aurait cette fois peu de chance d’arriver en vie au rez-de-chaussée du building, surtout en passant par la fenêtre.
Réfléchissez bien. Si on vous avait raconté ne serait-ce que la moitié de ce qui arrive dans le monde sous nos yeux il y a encore quelques semaines : vous auriez bien rigolé, et bu un bon coup avec le gars à qui vous auriez conseillé d’écrire des scénarios moins débiles s’il veut un jour avoir du succès. Y’a des histoires qui sont quand même vraiment pas crédibles. Un peu comme si la Chine avait menti sur le bilan de l’épidémie à Wuhan ! Faut quand même pas déconner.