Une canicule d'une durée exceptionnelle suivie d'intenses précipitations ont contribué à déstabiliser les terrains de montagne, provoquant notamment un éboulement de 700 mètres cubes de roche ce dimanche en Savoie. Le secteur était placé sous haute surveillance, mais les événements se sont enchaînés plus rapidement que prévu.
Des tonnes de roches et de gravats ont déferlé en direction de la route. Un important éboulement s'est produit dimanche à Freney, dans la vallée de la Maurienne (Savoie), provoquant la fermeture de l'autoroute A43 et l'interruption du trafic ferroviaire entre la France et l'Italie jusqu'à nouvel ordre.
"Le mouvement de terrain s'est précipité avec les fortes pluies de ces derniers jours", explique Yvan Gagnières, responsable d'exploitation des routes départementales en Haute-Maurienne et dans la Vanoise. "On s'y attendait mais peut-être pas aussi rapidement."
Ce secteur propice aux éboulements, équipé de filets de sécurisation, était "surveillé en permanence" à l'aide de capteurs. "On savait que les mouvements étaient importants, plusieurs centimètres par jour, et tous les filets de protection étaient au maximum de leur maintien, on savait qu'ils allaient céder à un moment ou à un autre", précise Yvan Gagnières.
Mais l'effondrement est survenu plus vite qu'attendu. Fort heureusement, la RD1006 située au pied de la falaise avait été fermée une demi-heure avant l'éboulement à la suite de la chute d'un premier bloc rocheux.
"Est-ce que la masse instable est complètement descendue à ce jour ? On le saura dans les jours à venir, mais il faut être patient et attendre les conclusions des experts", ajoute Yvan Gagnières. Plusieurs chutes de pierres de moindre ampleur ont été observées sur le site dans la matinée. Des géologues interviennent actuellement sur les lieux pour vérifier les risques puis évaluer les dégâts.
Les raisons de cet éboulement font quant à elles peu de doutes. "Ce qui constitue le facteur de déclenchement, c'est l'enchaînement de deux phénomènes météorologiques", résume Ludovic Ravanel, géomorphologue et chargé de recherche au CNRS.
"On sort d'une période de canicule intense, ce qui a eu pour effet de dessécher les terrains assez profondément. Et d'un seul coup, du fait des précipitations, on a eu beaucoup d'eau dans les terrains. L'eau de pluie circule dans les fissures de la roche et augmente les pressions hydrauliques qui suffisent à déstabiliser des terrains déjà instables", complète-t-il.
Liens "ténus" avec le réchauffement climatique
Car cette pente rocheuse très raide dont le terrain est accidenté constitue en elle-même un terrain favorable aux déstabilisations. Un phénomène spectaculaire mais assez courant en montagne. "Cela fait partie de l'érosion naturelle des Alpes. Ce type d'événements, il y en a des dizaines voire des centaines à l'échelle de l'arc alpin", tempère Ludovic Ravanel, jugeant que "les liens avec le réchauffement climatique sont assez ténus bien que cela se produise à l'issue d'une période de canicule."
Les écroulements rocheux interviennent habituellement à l'automne, à l'occasion de fortes précipitations, ou au printemps lorsque la neige fond. Ils sont donc plus rares à cette période de l'année, en fin d'été, mais "relativement courants dans ce contexte particulier", relève Serge Taboulot, président de l'Institut des risques majeurs à Grenoble.
"On est tout à fait conforme au climat du XXIe siècle avec des canicules hors normes, hors saison. (...) C'est plus fort, plus long et sur un été élargi. C'est un marqueur très fort de notre nouveau climat. Et ce n'est pas près de s'arrêter", estime l'ancien météorologue. Après 13 jours d'une exceptionnelle canicule, la Savoie est placée en vigilance jaune pluie-inondations. Jusqu'à 40 mm de précipitations sont prévus en cumulé ce lundi sur le secteur de l'éboulement.
Ces phénomènes extrêmes risquent de s'intensifier sous l'effet du changement climatique, faisant augmenter le risque d'éboulements dans les secteurs montagneux. "La canicule qu'on a connue est l'un des nombreux exemples de ce qu'on va continuer à subir tous les étés", ajoute Serge Taboulot.
Les risques d'éboulements sont "encore d'actualité en raison des conditions météorologiques" observées en Maurienne, estimait la préfecture de Savoie à la mi-journée. Le retour à la normale pourrait prendre plusieurs jours selon les autorités.