ENTRETIEN. Fonte des glaciers dans les Alpes : "On peut espérer garder quelques bouts de la Mer de Glace"

D'ici la fin du siècle, le réchauffement climatique aura provoqué la disparition d'au moins la moitié des glaciers à travers le monde, selon une étude publiée ce jeudi dans la revue Science. Etienne Berthier, l'un de ses auteurs, en détaille les résultats pour les Alpes.

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C'est une conclusion sans conditionnel : la grande majorité des glaciers alpins sont amenés à disparaître avant 2100. Ce résultat est le fruit d'une étude publiée ce jeudi 5 janvier dans la revue américaine Science et qui s'attache à décrire l'impact de la hausse des températures sur la fonte glaciaire. Etienne Berthier, glaciologue et directeur de recherche CNRS au sein du Laboratoire d'Etudes en Géophysique et Océanographie Spatiales (LAGOS) de Toulouse, en est l'un des co-auteurs. Il revient pour France 3 Alpes sur ce nouvel éclairage.

Quelle a été votre méthode ? En quoi est-elle nouvelle ?

On a utilisé un modèle mathématique qui va représenter la réponse des glaciers à l'évolution du climat future. Par rapport aux études précédentes, on a utilisé des nouvelles observations pour calibrer le modèle, qu'il soit le plus réaliste possible. En particulier, des observations satellitaires au cours des 20 dernières années. C'est une période où les pertes de masses s'accélèrent et le modèle prend en compte cette accélération. On a aussi ajouté deux modules inclure deux mécanismes qui jusqu'à présent n'étaient pas pris en compte. Le premier, c'est le vêlage d'icebergs - c'est-à-dire que les glaciers qui se terminent dans les océans et dans les lacs vont se fracturer au niveau de leur front et libérer des blocs de glace, ce qui contribue à la perte de masse des glaciers. Et un deuxième module pour représenter le fait que les langues glacières, comme par exemple celle de la Mer de Glace, sont de plus en plus sales, couvertes de débris.


L'étude projette qu'au mieux, 49% des glaciers dans le monde sont menacés de disparition d'ici la fin du siècle. Qu'en est-il dans les Alpes ?

Nos projections indiquent que si la hausse des températures n'est pas maîtrisée et si elle atteint 4°C à l'échelle globale, l'intégralité des glaciers de l'arc alpin disparaîtrait. Il restera au mieux 1% des glaciers. En revanche, si on arrive à limiter la hausse des températures à 1,5°C avec des restrictions drastiques des émissions de gaz à effet de serre, on conserve une petite fraction des glaciers alpins, soit 15%. Ce qui montre qu'ils sont très sensibles, très vulnérables et déjà en profond déséquilibre avec le climat. Ça explique ces pertes massives, quel que soit le scénario futur.

Quels glaciers sont plus aptes à subsister ?

Les rares glaciers des Alpes qui vont pouvoir perdurer au-delà de 2100, si la hausse des températures n'est pas trop forte, ce sont les glaciers de plus haute altitude. Typiquement, on peut espérer garder quelques bouts de la Mer de Glace et des bouts de glaciers autour du sommet du mont Blanc ou mont Rose. Donc vraiment les sommets les plus hauts de l'arc alpin, au-dessus de 4000 m. En dessous de ces altitudes-là, tous les glaciers sont condamnés.

Est-il encore possible d'enrayer ce phénomène ?

Pour conserver quelques glaciers dans les Alpes, la seule option c'est d'arriver à suivre des scénarios plus favorables, avec une hausse de la température qui est limitée à 1,5 et 2°C. Après, localement il y a des initiatives pour essayer de protéger quelques bouts de glaciers au niveau des stations de ski. Mais c'est une démarche un peu illusoire qui va concerner des toutes petites surfaces et on est incapables d'aller protéger, par des techniques quelles qu'elles soient, les glaciers à l'échelle de toute une chaîne de montagnes.

Quel est votre sentiment face à ces résultats ?

On est un peu comme un médecin au chevet de son patient. On est là, en tant que professionnels, pour étudier les glaciers. On ne peut pas chaque jour se morfondre des résultats qu'on voit sur nos écrans. La différence avec le médecin, c'est que nous, malheureusement, on est incapables de le soigner. On peut juste porter des messages vers la société pour faire comprendre l'importance de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, maintenir la température à des niveaux pour préserver les quelques glaciers qui peuvent l'être, notamment les glaciers de plus haute altitude ou de régions polaires. Mais c'est vrai que pour nous, c'est fort et un peu poignant de voir des chaînes de montagne, comme les Pyrénées, qui d'ici 10 à 20 ans ne présenteront plus de glaciers. Donc je ne pourrai pas les montrer à mes enfants et mes proches dans un avenir finalement très proche.

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