A l'occasion de la journée mondiale de la maladie d'Alzheimer ce 21 septembre, rencontre avec ces aidants familiaux qui accompagnent au quotidien leurs proches touchés par cette pathologie évolutive. Fatima vit avec son mari en Savoie. Témoignage.
Infirmière, aide à domicile, cuisinière, veilleuse de nuit ou encore comptable : au quotidien, Fatima n'est pas qu'une femme aimante auprès de son mari. Elle épouse tous les besoins de Jacques, atteint par la maladie d'Alzheimer.
Cet ancien pasteur a été diagnostiqué en 2010 et s'il "oubliait des choses" ou "disaient des choses qui n'étaient pas vraies" jusqu'ici, son état s'est rapidement dégradé depuis le début de l'année 2020.
"Il y a eu un événement banal, il voulait aller voir sa soeur. Mais, là, il n'a pas supporté. Sa soeur avait déménagé et il ne reconnaissait plus rien. Et depuis, il est diminué".
"C'est vrai que le quotidien n'est pas toujours facile", confie Fatima avec pudeur. "Depuis quelques semaines, il faut l'aider dans sa toilette, l'aider à s'habiller. Ce matin, par exemple, il avait mis son tricot et il voulait mettre sa veste de pyjama par dessus. Il ne se rend pas compte".
Accepter que celui que l'on aime n'est plus vraiment là
Outre la patience et l'énergie qu'elle doit déployer pour aider son mari, Fatima doit surtout accepter de faire le deuil de la personne qu'était son époux, avant. Un mari qui la confond aujourd'hui avec sa soeur ou sa mère, parfois avec une étrangère.
"Je souffre de le voir dans cet état, mes enfants aussi et lui aussi souffre parce que parfois il ne sait pas où il est, il ne sait pas qui je suis. Cela nous fait mal de savoir qu'il n'est pas en sécurité. Parfois il prépare ses affaires pour partir parce qu'ici, il a l'impression de ne pas être chez lui".
Depuis plusieurs années, Fatima s'est rapprochée de l'association France Alzheimer. Elle s'est formée avec d'autres aidants familiaux pour mieux comprendre la maladie de son mari.
"Ayant eu cette formation d'aidant, ça m'aide à relativiser un petit peu et maintenant ça fait déjà quelques mois qu'il ne me reconnait plus donc je ne me formalise pas plus que ça...enfin, j'essaye".
Mais Fatima n'a que peu de répit. Aider son mari est un travail à plein temps, nuit et jour.
"Il y a encore deux-trois semaines, j'avais l'impression d'être forte. J'avais l'impression que je tenais le coup. Et, là, pour être honnête, depuis deux semaines, je me sens vraiment fatiguée donc j'étais contente qu'il puisse aller à l'accueil de jour ce matin".
Un accueil de jour à Bassens pour s'offrir quelques heures de répit
Quelques matinées, ici et là, Fatima s'offre une respiration et conduit Jacques jusqu'au centre médicalisé de Bressieux, à Bassens. "On a vraiment besoin d'aide", dit-elle timidement.
La structure de France Alzheimer est spécialisée dans l'accueil de jour des malades. Elle peut prendre en charge jusqu'à 11 malades par jour. On compte, en Savoie, 5500 personnes diagnostiquées.
"Dans un premier temps, c'est un peu culpabilisant pour les familles de nous confier leurs proches ne serait-ce que pour deux heures ou pour une journée entière", explique Nathalie Vasseur, psychologue au sein de l'établissement.
"C'est comme s'ils les délaissaient, comme s'ils les abandonnaient. Pour nous, l'objectif c'est aussi de créer un peu d'espace entre eux puisqu'à domicile on sait très bien que les aidants sont phagocytés, sont complètement absorbés par leur proche malade. C'est capital pour eux d'avoir un peu de répit parce que la personne leur prend 300% de leur temps".
5500 malades diagnostiqués en Savoie
Il existe trois centres de ce type en Savoie, à l'initiative de l'association France Alzheimer, pour des personnes aux stades les moins avancés de la maladie.
Les autres sont souvent placés en Ephad ou en maison de retraite, n'étant plus assez autonomes pour continuer à vivre à domicile.
"Cette maladie, que l'on ne connait pas encore si bien que ça, est très contraignante pour les aidants puisque la personne avec laquelle vous avez vécu toute votre vie et que vous aimez, change totalement. C'est très très éprouvant pour l'aidant", conclut Guy Bacou, président de France Alzheimer en Savoie.
L'association cherche désespéremment un nouvel endroit pour accueillir les malades et leurs aidants familiaux, la structure médicalisée de Bressieux devant quitter ses locaux de Bassens.