L'art de la chute : la Savoyarde Nouria Newman, meilleure pagayeuse du monde, bat le record féminin en kayak extrême

Pandémie oblige, la triple championne du monde de kayak extrême s'entraîne à la maison, en Savoie. Elle vient d'être élue meilleure pagayeuse du monde pour la cinquième année consécutive, et première femme à sauter une chute en kayak de plus de 30 mètres. Entretien avec la reine de la discipline.

Elle n'a pas encore 30 ans et pourtant elle a déjà tout fait. Ou presque. Trois couronnes mondiales en kayak extrême, des titres en slalom, des expéditions dans l'Himalaya, en Islande, ou en Equateur, des passages inexplorés à deux pas de la maison et des chutes, beaucoup de chutes. Des chutes qui élèvent Nouria Newman au sommet de sa discipline. 

"J'essaye d'être la pagayeuse la plus complète possible", dit-elle avec toute l'humilité qui la caractérise, alors qu'elle vient d'être élue par ses pairs meilleure pagayeuse du monde pour la cinquième année consécutive. La consécration des Whitewater Awards vaut plus, pour elle, que bien des médailles, car elle récompense sa philosophie du kayak. 

"Les Whitewater awards, ça montre que notre sport existe en dehors de la compétition". Une distinction synonyme de reconnaissance pour des kayakistes qui descendent des chutes, qui font des figures, qui vont chercher une ligne compliquée ou qui réalisent des expéditions, comme Nouria. "Moi j'essaye de faire un peu de tout. J'ai quelques faiblesses sur le freestyle mais j'y travaille. Après, on n'a pas forcément les spots les plus adaptés ici, en France", concède-t-elle.
 

Whitewater Awards ⚔️ FEMALE RIDER OF THE YEAR ⚔️ 2017 -? Nouria Newman 2018 -? Nouria Newman 2019 -? Nouria Newman 2020 -? Nouria Newman 2021 -? Nouria Newman Presented by Red Bull !!

Publiée par Whitewater Awards sur Mardi 27 avril 2021


Un record du monde de chute...l'air de rien

Pas beaucoup de spots de chutes, non plus. Hormis le saut du Doubs, une cascade de 27 mètres, franchi l'an dernier lors de conditions exceptionnelles. "Il faut vraiment avoir de la chance avec les niveaux d'eau, il faut qu'il y ait des crues. Le saut du Doubs, par exemple, pour que ça marche, il faut qu'il pleuve et qu'il y ait pas mal de villages dans le Jura qui aient les pieds dans l'eau".

En début d'année, Nouria est donc partie en Equateur, faire des repérages pour une expédition. Elle a passé une chute de 31 mètres, la cascade de Don Wilo, battant ainsi le record du monde féminin en catimini. Elle le dit du bout des lèvres. Nouria n'est pas du genre à se vanter. 

Une performance réalisée grâce à des semaines d'entraînement dans le froid glacial de l'Islande fin 2020 après des mois passés à être confinée en Savoie, dans sa région natale. 
 


L'Islande pour s'entraîner


"C'était pas évident de ne pas avoir fait de chutes pendant quasiment un an. On perd les automatismes. La chute, c'est très bref et avoir le bon timing c'est quelque chose qu'il faut tout le temps entretenir. Je me suis rendue compte, ces dernières années, que quand j'allais dans un endroit où j'en faisais souvent, après, c'était beaucoup plus facile pour moi d'avoir des bonnes lignes. Mais aussi au niveau de la peur, de l'appréhension, ça te met en confiance. Donc, je me disais qu'il fallait que j'en refasse parce que sinon j'allais perdre tout ce que j'avais fait au cours des dernières années et je risquais de repartir de zéro".

Elle embarque donc Boris Langenstein et Thipaine Duperier, alpinistes -en rade eux aussi dans les Alpes après l'annulation de leur expédition au Népal- dans une expédition givrée en Islande. "Tiphaine et Boris ont abandonné le ski de pente raide pour faire du ski à plat pour traverser le glacier Vatnajökull et sortir en packraft ensuite".
 

Iceland in October can be pretty rough but we were lucky enough to get a few hours of sunshine ☀️ Don’t get fooled by instagram though ? it was still windy and chilly ❄️? . . ? @tiphaineduperier #reykjafoss

Publiée par Nouria Newman sur Mardi 6 octobre 2020

 

Un mois bénéfique sportivement à la kayakiste, pour "se remettre dedans". "L'avantage de l'Islande, c'est que t'as vraiment de tout, donc tu peux commencer avec des chutes de 5, 7, 10 mètres. Technique, ou pas technique", explique-t-elle.

"Pour moi, c'était l'endroit idéal parce que j'avais peur de ne plus être capable de le faire. Mais là, je savais que je pouvais y aller hyper progressivement. Et ça permet de faire de la répétition. Refaire une chute 3, 4 fois d'affilée, ça permet de corriger des détails, des mouvements techniques et donc de progresser vraiment"
 


"Pakidaille", le Pakistan dans les gorges de la Daille, en Savoie


Depuis le mois de février, Nouria est de retour en Savoie, avec une méningite et une leptospirose ramenées d'Equateur. "Une période calme" durant laquelle elle "essaie de sortir un peu tous les jours", à proximité de son village natal du Villaret du Niel.

C'est sur l'Isère, dans les gorges de la Daille, qui mènent au lac du Chevril que la jeune femme prépare les championnats du monde kayak extrême qui auront lieu en Norvège fin juin.

"Les championnats du monde, ce n'est pas juste une compétition. Pour moi, ça va me permettre de savoir si je suis encore capable d'aller vite. Est-ce que j'ai encore des restes de ma carrière en slalom qui vont m'aider à me remettre dedans après une aussi longue période sans chrono et sans départ ?" Un défi personnel de plus pour la meilleure kayakiste française.
 

The quality of the whitewater is marginal but it feels good to be back on the home run. This place is quite something :...

Publiée par Nouria Newman sur Jeudi 6 mai 2021


En attendant, Nouria se fait plaisir à deux pas de chez elle, dans ce bout de rivière qu'elle a surnommé "Pakidaille" pour sa ressemblance avec un spot pakistanais. "C'est un peu cracra mais c'est quand même joli" confie-t-elle à la caméra avant de s'élancer.

Dans ce tronçon en basses eaux, Nouria slalome entre les troncs d'arbres, les carcasses de voiture, les restes de coulées de neige et les rochers aiguisés par les éboulements. "Une section qui ne manque pas de surprises", confie-t-elle.

 


Master de journalisme à Sc Po

"On est bien aussi à la maison. Mon père a gagné une nouvelle colocataire", dit-elle en riant. "Vous avez vu le film Tanguy ? C'est moi !"

On a bien du mal à la croire, elle qui ne cesse de repousser les limites et de vivre sa vie à cent à l'heure. 

On a oublié de préciser : la jeune femme a aussi étudié le journalisme à Science Po Toulouse, tout en menant de front sa vie d'athlète de haut de niveau, avec ce que cela implique de communication, de comptablitié, et de logistique...

Nouria Newman rame et enchaîne les chutes. Elle ne cesse de redessiner sa ligne vers la réussite. 

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