L'affaire avait éclaté l'hiver dernier. Le directeur de la Banque Populaire de Courchevel était soupçonné d'avoir détourné plusieurs millions d'euros à des clients. Depuis sept mois, ces victimes attendent d'être remboursées. Certains s'estiment ruinés.
"On avait une telle confiance en lui", confie Georges Domingos-Debrito. "Quand mon comptable me disait qu'il y avait des problèmes sur mes comptes, je lui disais de voir avec lui". Et des anomalies, il y en avait. Des "trous" qui s'élevaient parfois à 4000 euros. Impensable? "Nous avions tous la tête dans le guidon, on travaille beaucoup", explique cet habitant de Courchevel qui possède deux sociétés, dont un cabinet d'ostéopathes pour clientèle haut de gamme.
Selon un collectif des victimes, qui vient de se former, 42 clients auraient ainsi été spoliés par le directeur de la Banque Populaire de Courchevel. Des hôteliers, des propriétaires de magasins de ski, des restaurateurs (La Cabane ou le Refuge de Lionel), la boutique de vêtements "Wild"... Des proies bien choisies. Des clients souvent aisés aux affaires florissantes et aux comptables confiants.
L'homme avait bien orchestré les choses. En quatre ans, il aurait détourné près de 15 millions d'euros, selon le collectif, sept millions, selon la banque. Le système du directeur arnaqueur était à la fois assez simple, avec des sommes qui disparaissaient, et relativement complexe, avec des comptes fictifs et des prêts réels qui n'étaient versés... "Il avait créé une banque dans la banque", commente Georges Domingos-Debrito.
C'est au mois de janvier que les soupçons étaient apparus. Un des clients s'était aperçu qu'un virement depuis son compte (fictif) n'avait pas été réalisé. Le directeur ne répondait plus au téléphone. Puis, il était en congés maladie. Avant de partir pour de bon.
Le directeur avait tenté de prendre la fuite avec l'argent, avant d'être arrêté et d'être entendu par la police judiciaire de Lyon, fin juin. Il a ensuite été mis en examen pour "escroquerie et abus de confiance", et placé sous contrôle judiciaire.
Un collectif de victimes
Depuis, les victimes ont été reçues par une cellule de crise, au siège de la Banque Populaire des Alpes, à Grenoble. Georges Domingos-Debrito se souvient bien de cette entrevue, l'unique qu'ils auront avec la banque. "Ils nous ont dit: excusez-nous, on va faire le maximum, on revient vers vous très vite, nous sommes autant victimes que vous", raconte-t-il. "Depuis, plus de son, plus d'images"!
D'après lui, la banque se retrancherait derrière l'enquête judiciaire en cours. A ce jour, personne n'a été remboursé des sommes détournées, ni indemnisé.
En attendant, pour certains, les échéances de crédits courent et les victimes continuent à rembourser. Georges Domingos-Debrito a contracté quatre prêts pour un montant total de 200.000 euros, "dès le lendemain, l'argent partait sur un autre compte", explique-t-il. D'après lui, certains clients de la banque ont dû déposer le bilan après cette arnaque, d'autres auraient vendu leur maison. Beaucoup seraient désormais fichés à la Banque de France, pour avoir refusé de payer leurs prêts.
Les victimes se sont regroupées en collectif, ont écrit une lettre ouverte au parquet de Chambéry. A la fin du mois, elles ont décidé de se regrouper devant la Banque Populaire d'Albertville. Des actions sont prévues à Courchevel. "Pour les vacances de Noël, on pourrait bien manifester devant l'agence, au moment où les Russes et les Saoudiens viennent à la banque", imagine Georges Domingos-Debrito.
La position de la Banque Populaire des Alpes
Interrogée en réaction à la création du collectif, la Banque Populaire des Alpes rappelle qu'elle mobilise une équipe de collaborateurs depuis plusieurs mois pour régler cette affaire. "Imaginez, il a fallu passer quatre années d'écritures en revue, pour mesurer l'ampleur des détournements (...) et puis, la procédure d'indemnisation est particulièrement complexe. Nous, en tant que banque, nous sommes aussi victime et n'avons pas, non plus, encore été indemnisés", explique-t-on. Une direction qui affirme ne pas avoir stoppé le dialogue avec les clients lésés, "nous en recevons tous les jours". En revanche, la Banque Populaire prévient: "seules les victimes qui ont subi un réel préjudice seront indemnisées". La banque mesure visiblement le risque d'effets d'aubaine.