Des chèvres qui s’accouplent de manière précoce, qui peinent à se déplacer et se nourrir sous les chaleurs de plus en plus accablantes, qui produisent moins de lait. Dans les Alpes, les animaux souffrent des effets du réchauffement climatiques, cumulés à la hausse des prix. Les répercussions sur l’agriculture du territoire sont nombreuses.
Baisse de la production de lait et de viande, chute de la fertilité, mortalité accrue… Les épisodes de fortes chaleurs, de plus en plus nombreux sous l’effet du réchauffement climatique, sont synonymes de grandes souffrances pour les animaux. Ils représentent également une menace économique pour les éleveurs.
Christophe Travignet est responsable de la ferme des Etroits à Valloire depuis près de 16 ans. Il y élève 12 vaches laitières et 25 chèvres afin d’assurer la production de fromages, de lait et de viande. Depuis plusieurs années, l’agriculteur tente de s’adapter aux bouleversements cumulés du réchauffement climatique et de la crise économique.
Des cycles de reproduction décalés
"Mes chèvres sont en chaleur dès le mois de juin. Avant, c’était plutôt pendant les mois d’octobre, voire novembre. La date avance de plus en plus", explique Christophe Travignet. Les températures excessives agissent sur le métabolisme de ses animaux et viennent modifier leur cycle.
Résultat, les cabris naissent plus tôt dans la saison, le processus de lactation des chèvres débute lui aussi prématurément, le tout, bouleversant la stratégie de commercialisation du fromage. "Avant, on avait des cabris au mois de février et mars. Ça tombait au moment où il y avait beaucoup de monde sur la station. C'était intéressant", souligne l’agriculteur, qui a l’habitude de vendre ses produits directement au consommateur.
"Maintenant, elles commencent à mettre bas en octobre. On ne maîtrise plus rien", ajoute-t-il. Chaque année, il produit près de trois tonnes de fromage, aussi bien des pâtes cuites que de la tomme ou encore du reblochon.
Afin d’éviter les accouplements précoces, il se retrouve contraint d’isoler le bouc du troupeau. "Du mois d’octobre, jusqu'au mois de juillet, il est célibataire. Les anciens le disent, ‘on n'a jamais vu ça’ " ajoute-t-il.
Une production laitière qui s’amoindrit
Des nouveaux cycles inadaptés, auxquels viennent s’ajouter des quantités en baisse. La fonte des neiges modifie la flore des montagnes et par conséquent, l’alimentation des animaux. "On se retrouve avec moins d'herbe par endroits, des terrains qui sont beaucoup plus secs qu’avant, c’est-à-dire que l’herbe va pousser beaucoup plus vite, mais ne va pas rester longtemps", explique l’agriculteur.
Se nourrir devient alors de plus en plus compliqué pour les animaux qui, sous la chaleur, préfèrent l’ombre des arbres plutôt que la recherche d’herbe fraîche. Cette réduction de leur consommation induit une baisse des performances de l’animal. Les chèvres et les vaches vont par exemple produire moins de lait.
Cet été, qui était assez chaud, surtout pendant le mois d'août, on a eu une forte baisse de la production laitière par rapport aux dernières années. Ce n’est pas très grave. Mais il ne faut pas que ça soit comme ça tous les ans.
Christophe Travignet
Faire face à la chaleur : un coût supplémentaire
Car si les ventes diminuent, les dépenses continuent d’augmenter au rythme de l’inflation et de la hausse des températures. "On a un groupe de froid qui se met en route dès qu’il fait chaud et qui permet de maintenir la température dans la cave, autour des 10 degrés, là où il y a quelques années on n’en avait pas besoin. Et avec les chaleurs de cet été, le groupe se mettait en route souvent, trop souvent", explique-t-il.
L’agriculteur a donc fait le choix de stopper la production de fromage cet été. "On s'est tourné vers le Beaufort que l’on ne fabrique pas nous-même. Cet été, on a livré du lait tous les matins à une coopérative qui le redistribue ensuite un peu partout dans le territoire", ajoute l’exploitant agricole qui multiplie les astuces lui permettant de réduire son impact écologique et économique.
L’inflation et la sécheresse nous oblige à travailler de manière plus économe. C'est-à-dire qu’au lieu de consommer 20 L d’eau, on va se dire que peut-être qu’avec 15 L on arrive à faire autant. Pour les foins, je vais calculer mes déplacements en essayant de les regrouper dans une même zone, histoire de regrouper le matériel et de ne pas les faire rouler pour rien.
Christophe Travignet
Christophe Travignet n’a pas encore augmenté le tarif de tous ces produits. Il espère ne pas avoir à le faire, misant sur la vente directe, sans intermédiaires aux tarifs de plus en plus onéreux, pour rester concurrentiel dans le secteur.
Retrouvez Christophe Travignet dans l'émission spéciale à l'occasion des 25 ans de "Chroniques d'en haut", samedi 30 septembre à 15h30 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, puis en replay sur france.tv